Chapter Text
Zuko était né le jour le plus sombre et froid de l’hiver.
Ce qui était déjà un mauvais présage en soit, cela l’était d’autant plus sur ses véritables chances d’être un maître du feu. Pas qu’il ait eu de grandes chances de l’être de toute manière, se dit Iroh en jetant un vague regard aux yeux gris de son jeune frère. Pas avec deux parents non-maîtres, quand bien même sa mère était la petite-fille de l’Avatar Roku. Il n’avait jamais bien compris l’utilité d’un tel mariage, arrangé par les soins de son père, le Seigneur du Feu Azulon ; qu’importe ce qu’avaient pu dire les Sages du Feu sur la supposé puissance de la lignée résultant d’une telle union.
Il se décida enfin à prendre le nourrisson des bras d’Ozai, qui le laissa faire sans rien dire, toujours aussi froid et inexpressif. Iroh écarta légèrement le drap rouge qui recouvrait le corps de l’enfant emmailloté, dévoilant des yeux désolément aussi gris que ceux de son père. Mais ce n’était pas le seul problème… Ces petits yeux ne possédaient pas… Comment dire ? L’étincelle qu’ils devraient avoir, en tant que fils de la famille royale.
Iroh regarda à nouveau Ozai.
- Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un maître du Feu, mon frère, lança-t-il d’un ton neutre, alors qu’intérieurement la nouvelle ne l’enchantait aucunement.
Ils avaient tant besoin d’un autre héritier ! Lui-même n’avait réussi à avoir qu’un seul enfant et Ozai, du fait de son infirmité, ne pourrait, au grand jamais, monter sur le trône de leurs ancêtres. Quand Azulon mourrait, il n’y aurait plus que Lu Ten et lui-même en lice. La situation pouvait à tout moment, au moindre problème, se révéler catastrophique pour leur dynastie. Et malgré cela, Ozai lui sourit, de manière tout aussi distante qu’habituellement :
- Je ne pense pas non plus.
Comme si, au-delà de ne pas l’inquiéter, cela le réjouissait. Cette vision enragea intérieurement Iroh, qui choisit pourtant de ne pas l’exprimer. Il lui rendit alors l’enfant, avec plus de brusquerie qu’il ne l’aurait voulu. Et comme toujours, Ozai ne sembla pas en prendre ombrage. Il se contenta d’incliner respectueusement la tête, quand le prince héritier quitta la pièce avec furie.
Bien heureusement, seulement un an plus tard, Ozai et son épouse firent enfin ce qu’on attendait d’eux. La naissance de la princesse Azula fut une grande joie tant pour la famille royale que pour le peuple de la Nation du Feu. Enfin, l’avenir semblait assuré avec cette petite fille de santé solide et avec une évidente maîtrise du feu coulant dans les veines. Le Seigneur du Feu en éprouva lui-même un tel soulagement, qu’il choisit de lui donner son propre nom.
Ozai, comme souvent, ne manifesta aucun sentiment positif ou négatif. Il tenait, comme à son habitude, son fils dans les bras. Il ne lâcha pas le très jeune garçon, ne serait-ce que pour prendre sa fille nouveau-née et la serrer contre lui. Il semblait hautement indifférent à l’existence de cette petite merveille et la regarda à peine quand la sage-femme la lui présenta.
Ursa semblait blessée par cela, et bien qu’elle ne dise rien, elle l’exprima silencieusement en étreignant d’autant plus le petit corps contre elle, avec une ferveur toute maternelle.
Iroh ne sut pas trop quoi penser face à une telle scène. Depuis un an, son frère qui n’accordait depuis toujours aucune attention à personne, pas même à sa propre femme, semblait entièrement absorbé par l’éducation de Zuko. Il l’emportait partout avec lui et ne laissait jamais quelqu’un d’autre que lui le toucher, Ursa y compris. Iroh avait bêtement supposé que son frère, si froid, s’était découvert lui-même dans le rôle de père et qu’il se dévouait entièrement à cette cause. Pourtant la petite Azula ne semblait pas avoir droit aux mêmes égards.
La situation perdura. Zuko était toujours éternellement dans les pattes d’Ozai, alors qu’Azula, elle, ne pouvait que les fixer de loin de son regard perpétuellement triste. Elle avait beau exceller en tout, être la petite fille parfaite dont tous les pères ne pouvaient que rêver, cela ne semblait jamais suffisant.
Iroh commençait vaguement à se demander les raisons d’un tel rejet, de la part d’un homme qui semblait pourtant être un si bon père avec son ainé. Zuko avait beau échouer ou parfois -souvent- se comporter comme un insupportable petit être gâté, Ozai était aux petits soins avec lui. Il était toujours d’une infinie douceur et d’une incalculable patience avec son fils, même quand celui-ci ne le méritait manifestement pas. Zuko avait le droit à tout, quand Azula n’avait le droit à rien.
Iroh se demandait si, la jalousie qu’Ozai avait manifesté quand ils étaient eux-mêmes enfants face à sa maîtrise du feu, se répercutait par ricochets sur la pauvre petite fille. Après tout, Zuko était comme lui. Les soupçons qu’ils avaient pu établir lors de ce terrible hiver se révélaient exactes et Zuko n’avait pas la moindre étincelle de Feu en lui. Comme Ozai, il n’était pas destiné au trône. Comme Ozai, il était destiné à être officier dans l’armée, à servir le Trône et à sa mort, être sorti des registres. Il n’était pas destiné à rester dans les annales de la famille royale. A peine mort, il serait oublié.
Mais Azula, elle, était destiné à autre chose. Elle n’était pas juste un simple maître du Feu. Elle avait produit ses premières flammes à quatre ans à peine. Ses instructeurs n’avaient que des louanges à faire à son sujet. Un véritable prodige. Elle était… Parfaite. Mais cela n’était jamais suffisant pour Ozai, semble-t-il. Alors Iroh choisit de passer plus de temps avec la petite fille, l’emmenant avec lui et Lu Ten, essayant de réconforter ce petit être et de l’éveiller à sa propre valeur. Elle serait une princesse exceptionnelle.
Maintenant qu’Azula était née, Ozai n’avait plus besoin d’accorder la moindre attention à la femme qu’on l’avait forcé à épouser. Il avait donné un autre héritier au trône, un héritier exceptionnel semble-t-il en plus de cela. Il avait accompli son devoir et c’était très bien ainsi. La Nation du Feu avait eu droit à son petit miracle et on n’attendait plus rien de lui.
Ursa n’avait bien évidemment rien avoir avec le fait que leur union ait eu lieu. Elle avait été autant forcée que lui, mais cela ne la rendait pas plus sympathique à ses yeux pour autant.
A chaque fois qu’il la regardait, il se demandait vaguement si elle serait capable de les trahir lui et leur fils. Si elle était capable de les laisser se faire tuer… Elle, la si gentille Ursa, que tout le monde sembler adorer sans aucune raison. Et à chaque fois qu’il regardait ses yeux si jaunes, il devinait à chaque fois la réponse. Bien sûr que oui. Sans aucune hésitation. Elle avait beau être la petite-fille d’un Avatar et ne pas posséder la moindre infime étincelle de Feu, bien sûr qu’elle les trahirait. Sa famille avait survécu au règne de Sozin. Comment auraient-ils pu, sans avoir démontré toute la profondeur de leur loyauté au précédent Seigneur du Feu ? Comment se faisait-il qu’on ne les ait pas exécutés ?
Il ne fallait pas lui faire confiance. Il ne pouvait pas se le permettre. S’il avait pu être tenté de se livrer à ce genre de fantaisie irréfléchie au début de leur mariage, la naissance de Zuko avait tout changé. Au moment précis où toutes les bougies de la chambre avaient été étrangement soufflées en même temps, quand l’enfant était sorti du ventre de sa mère -au plus grand agacement des sages-femmes accusant le mauvais temps, il avait su. Il n’était plus seul. C’était à la fois une catastrophe et une bénédiction. Mais irrationnellement, égoïstement, il était si heureux de ne plus l’être. Et dès cet instant, sa bouche, son être, s’étaient fermés. Ursa ne devait jamais savoir. Ce n’était plus de sa seule sécurité dont il était question à présent.
Et bien évidemment, ses doutes s’étaient révélés parfaitement exactes. Plus les années passaient, moins Ursa accordait de temps et d’attention à leur fils. Seule Azula, bien sûr, comptait. Sa femme avait beau ne pas maîtriser le feu elle-même, elle restait un membre de cette nation. Et comme tous les autres, elle devait se considérer comme inférieure. Elle devait tellement admirer les maîtres du Feu, tellement rêver de pouvoir faire pareil, tellement être ravie d’être la mère d’un de ces petits monstres.
Mais tout cela n’avait plus aucune importance désormais. Rien au monde n’avait plus d’importance, en dehors du fait qu’il n’était plus seul. Désormais, il existait quelqu’un comme lui dans ce satané palais. Et c’est tout ce qui importait.
Notes:
Je suis tombée raide dingue de l'idée d'un Zuko maîtrisant l'Air et je trouve qu'il n'y a pas assez de fanfictions sur le sujet (il n'y en aura jamais assez), alors voici ma petite contribution. Ayant plusieurs chapitres déjà écrits, je compte inonder ce site d'idées plus ou moins foireuses. J'espère malgré tout que cela vous a plu et à très vite !
Merci à toutes les fanfictions anglophones et foncez lire celle de punknerdmusings (même si malheureusement, elle semble en hiatus).
Chapter 2: Dissimulation
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Ozai avait longtemps détesté ne pas être un maître du Feu. Il avait même longtemps été dévoré par la jalousie, à chaque fois qu’il voyait son frère ou un des autres enfants de la Cour en faire usage. Pourquoi ne pouvait-il pas être comme eux ? Pourquoi ne pouvait-il pas être… normal ?
Son père et son grand-père, ainsi que tous les autres Seigneurs du Feu avant eux -et même simplement toute leur famille, tous avaient été des maîtres du Feu exceptionnels, au-delà de toute comparaison possible. Comment se faisait-il que lui n’y arrivait pas ? Il avait un moment cru être le seul non-maître de sa lignée, même s’il ne comprenait pas comment cela pouvait être possible. Mais alors que sa frustration d’enfant le rendait agressif, on finit par lui avouer qu’il y en avait eu d’autres. D’autres erreurs, d’autres ratés comme lui, qu’on avait tout simplement effacé des registres, comme s’ils n’avaient jamais existé. Parce que leur existence était trop honteuse, parce qu’ils n’auraient même pas dû avoir la chance de naître. Mais… Cela faisait effectivement un moment que la famille royale n’avait pas eu la malchance d’en compter un dans ses rangs.
Pourquoi, Agni, son père avait eu l’idée d’épouser sa mère ? Ozai la détestait. C’était à cause d’elle qu’il était comme ça ! La maîtrise du feu d’Azulon était reconnue et crainte depuis son enfance où on le considérait alors comme un prodige. Ilah, elle, avait beau venir d’une des meilleures familles nobles de leur nation, cela n’en faisait pas d’elle pour autant un maître. Elle n’était rien et elle avait fait de lui un moins que rien. Il la haïssait. Il se débattait et lui hurlait dessus à chaque fois qu’elle avait le malheur de d’essayer de le toucher, de lui parler. Le regard blessé qu’elle lui adressait ne le touchait pas. Plus maintenant.
A l’inverse, Ozai aurait tellement voulu que son père lui parle, lui accorde la même attention dont il inondait Iroh. Il aurait tellement aimé qu’il le regarde autrement, que de ce regard froid et méprisant comme s’il n’était qu’un misérable grain de poussière salissant sa lignée si parfaite.
Ozai détestait Iroh. Il le détestait pour maîtriser le feu quand lui ne pouvait pas. Il le haïssait pour avoir droit à l’amour de leur père. Mais… Quelque part, il aurait aimé qu’Iroh l’aime lui, ne serait-ce qu’un petit peu, même s’il n’était rien, rien qu’un non-maître.
Il se sentait si seul, si rien du tout, quand son enfance, déjà pas bien glorieuse, pris des accents tragiques. Dans un tout autre contexte, dans une toute autre époque, l’évènement aurait presque pu être drôle. Mais là, ce ne l’était pas. C’était catastrophique.
Il avait… éternué. Malade comme il l’était, malade à en crever. Et dans -heureusement- la solitude de sa gigantesque chambre, un vent violent avait semblé s’échapper de son nez, le projetant à plusieurs mètres du sol. Il avait atterri à l’autre bout de la pièce, hébété, un peu sonné, incapable de comprendre ce qui venait de lui arriver. Et surtout il y avait son lit cassé, fracassé dans tous les sens, comme par une brusque tornade.
Le bruit avait alerté sa mère qui s’était résolu la veille à dormir dans l’antichambre pour surveiller l’évolution de ses symptômes, bien qu’il ait refusé de toute la force de ses petits poumons. Elle avait accouru, heureusement seule, et avait eu la vision de la chambre ravagée ainsi que son fils sanglotant au milieu des débris.
Elle s’était alors jetée sur lui, un peu trop vivement et avait plaqué sa main sur sa bouche pour étouffer ses pleurs. La violence du geste, qui lui ressemblait peu, surpris l’enfant qui s’agita d’autant plus.
- Chuuuut, pas un bruit… Lui chuchota-t-elle, complètement paniquée. Je t’en supplie, mon chéri ! Il ne faut pas qu’ils viennent. Il ne faut surtout pas qu’ils voient ça !
Ils restèrent un long moment ainsi, l’un contre l’autre, la paume de sa mère toujours contre sa bouche ; elle, alerte, prête à bondir au moindre bruit venant du couloir. Et effectivement, quelqu’un toqua à la porte. Une ou plusieurs servantes, s’inquiétant. Ilah prit alors une voix terriblement triste, avouant, presque larmoyante, qu’à nouveau son fils bien-aimé venait de faire une crise de colère. Mais tout allait bien. Elle voulait être seule. Non, il n’y avait pas besoin de venir l’aider ou même de la réconforter. Tout irait bien. Bonne nuit maintenant.
Enfin, les bruits de pas s’éloignaient et ils étaient à nouveau seuls. Toujours sans le lâcher, elle lui souffla à l’oreille :
- Je sais ce que tu as fait et avec quoi. Et ce n’est pas grave, d’accord ? Moi aussi, je peux le faire. Mais il ne faut pas que quelqu’un l’apprenne. Personne. Jamais. Si jamais ça se sait, ils viendront te faire du mal, mon chéri. Ils te tueront.
Il avait sept ans ce soir-là et pourtant pas assez jeune pour que ses instructeurs choisissent de lui épargner d’apprendre le déroulé de la guerre. Il savait déjà que tous les Nomades de l’Air étaient morts. Il savait que ceux-ci étaient morts, parce qu’ils étaient les ennemis de la Nation du Feu. Il ne voulait pas être un ennemi de la Nation du Feu. Il aurait préféré être un non-maître finalement. Il aurait préféré continuer à n’être qu’un rien du tout.
Sa mère le berça silencieusement, un très long moment, avant qu’il ne s’endorme enfin, trop fatigué d’avoir pleuré.
Elle commença à l’entrainer dès le lendemain. Toujours en cachette. Personne ne devait rien savoir. Jamais.
Et alors qu’ils étaient cachés, à l’abri des regards, dans les souterrains de cette aile ancienne et inhabitée du palais qu’Azulon lui-même semblait avoir oublié, elle ne cessait de lui parler. De tout lui expliquer. Ilah était comme lui.
Comment était-ce seulement possible ? Ilah lui raconta qu’alors que Sozin venait d’être couronné Seigneur du Feu, son excentrique sœur, la Princesse Zeisan, s’était prise de passion pour la culture des Nomades de l’Air. Elle avait fini par en épouser un, le Moine Khandro. Zeisan avait renoncé à tous ses titres et possessions terrestres pour embrasser une vie plus spirituelle, et avait encouragé beaucoup d’autres jeunes gens de la noblesse de la Nation du Feu à suivre son exemple. La mère d’Ilah en faisait partie. Elle avait suivi la Princesse chez les Nomades de l’Air et était tombée amoureuse de l’un d’entre eux…
Ozai n’en croyait pas ses oreilles. Ilah serait même née chez les Nomades de l’Air. Comment… ? Mais la guerre était bien vite arrivée et Sozin avait ordonné la mort des Nomades de l’Air. Ilah était encore petite fille, pas encore une maître. Bien heureusement, elle n’était donc pas encore tatouée et donc pas reconnaissable. Elle avait réussi à fuir avec sa mère ; son père avait refusé de fuir. Il était resté là-bas. Il était sans doute mort avec les autres. Elles n’avaient plus jamais eu de nouvelles.
Une fois de retour dans la Nation du Feu, la mère d’Ilah avait dû embrasser une nouvelle identité. Tout le monde savait qu’elle faisait partie des idéalistes ayant refait leurs vies chez les Nomades de l’Air. Sa propre famille n’avait jamais accepté sa décision et risquait de la dénoncer, si elle avait la bêtise de les recontacter.
Mais elles n’étaient pas seules… Il y en avait d’autres comme elles qui étaient revenus au pays et qui devait se cacher. Il y avait ce noble, qui avait quitté les Nomades de l’Air des années avant le génocide, et qui avait pu donc refaire sa vie sans être accusé d’une quelconque malice envers la Nation du Feu. Il avait tout, de l’influence, des contacts, du pouvoir. Il était gouverneur dans les colonies du Royaume de la Terre.
Il avait épousé la mère d’Ilah et avait reconnu la petite fille. Cet homme était donc le grand-père officiel d’Ozai.
De toutes ces explications, Ozai n’avait retenu qu’une seule chose.
- Ça veut dire qu’il y en d’autres ? Des comme nous ?
Mais sa mère voulait qu’il cesse de s’y intéresser. Ça ne servait à rien de ressasser ça. Même en supposant qu’il y ait d’autres maîtres de l’Air cachés dans la Nation du Feu, il y avait bien trop de risques à vouloir les chercher. Cela voudrait dire s’exposer et potentiellement tous les faire tuer. Il fallait rester cachés. Que personne ne sache rien. Jamais. Est-ce que tu as bien compris, Ozai ?
Ozai avait très bien compris. Depuis, il n’écoutait que d’une oreille les cours de philosophie qu’elle s’acharnait à lui conter, entre deux leçons de maîtrise. Il n’était pas sûr de réellement comprendre ou même juste vouloir comprendre l’idée de pacifisme. Si les Nomades de l’Air l’avaient moins été, s’ils avaient juste été moins… faibles, peut-être qu’ils seraient encore en vie. Il n’avait pas l’intention de mourir lui aussi.
Les années passèrent et sa mère sembla s’inquiéter de son comportement. A chaque fois qu’Ozai utilisait la maîtrise de l’Air lors de leurs entrainements, il pouvait voir le visage d’Ilah se voiler. Comme si quelque chose n’allait pas chez lui. Au début, elle avait essayé de corriger ses gestes, de décrisper ses bras et ses poings ; de lui dire et de lui répéter que la maîtrise de l’Air n’était pas une pratique offensive. Les maîtres de l’Air se doivent d’éviter ou de dévier les attaques ; ne pas être l’attaquant. Ses gestes étaient trop agressifs, sa maîtrise trop violente. Il devait être plus mobile, moins statique, pour se soustraire et éviter l’adversaire ; surtout pas rester face à elle pour tenter de la submerger avec une force supérieure, comme il avait tendance à le faire.
Mais la gentillesse n’avait pas sauvé les Nomades de l’Air. La fuite les avait forcés à vivre comme des rats, effrayés par tout et tout le monde. Ozai ne voulait pas être comme ça. Il ne voulait pas mourir. Il voulait vivre.
Éviter le combat n’avait pas non plus sauvé Ilah. Un jour, on lui annonça qu’elle était morte. Juste comme ça. Comme si ce n’était rien.
Il n’oublierait jamais le jour où son père l’avait fait venir auprès de lui, lui qui semblait avoir oublié jusqu’à son existence depuis quelques années.
Le jeune adolescent qu’il était alors avait auparavant croisé Iroh dans le couloir. Son frère ainé semblait dévasté, mais Ozai ne s’en était pas soucié et était rentré dans la salle du trône.
Celle-ci était étonnamment vide. Seul Azulon était là, l’observant d’un air calculateur qu’il n’avait jamais pris la peine de prendre face à ce deuxième fils si décevant. Ozai s’était longuement incliné devant lui et était resté ainsi, le regard fixé sur le sol, sans oser demander ce qu’on pouvait bien vouloir de lui. Mais Azulon s’était penché et avait relevé la tête de l’adolescent, pour le forcer à le regarder droit dans les yeux.
- Ils sont si gris… Avait-il dit d’une voix étrange, comme s’il se parlait à lui-même. Je ne comprends pas que cela ait pu m’échapper aussi longtemps…
Ozai avait senti comme une chape glacée se refermer sur lui. Mais il ne voulait pas mourir, alors son visage était resté impassible.
- Père ? S’était-il permit néanmoins de demander, d’un ton aussi neutre que son stress grandissant lui permettait d’exprimer.
Azulon s’était contenté d’esquisser un rictus et l’avait relâché, avant de répondre :
- Si ta mère avait eu les mêmes, je ne l’aurais jamais épousé. Je sais que les imbéciles ayant suivi les enseignements de la putain Zeisan ont engendré des lignées de non-maîtres avec ces yeux-là, mais je peux t’assurer que je n’aurais jamais pris le risque.
Il sait. Il sait. Il sait.
Ozai était resté parfaitement silencieux, son esprit tournant à toute allure. Avait-il seulement bien compris ? Qu’était-il censé répondre ? Allait-il mourir ici s’il ne trouvait pas quelque chose à dire ?
Sa bouche s’était ouverte difficilement et il avait lâché :
- Pourquoi m’avez-vous fait venir, Père ?
Azulon avait alors ri. Ozai n’avait pas aimé ce son, grinçant et cruel. Le Seigneur du Feu semblait à la fois furieux et ravi. L’adolescent n’était pas sûr de comment l’analyser.
- Mon fils, je t’ai fait venir ici pour t’annoncer en personne la mort de ta chère mère.
Juste comme ça. Et Ozai avait senti bien malgré lui son visage se tordre d’une douleur qu’il ne pensait pas pouvoir éprouver. Il désapprouvait Ilah. Il ne s’était jamais vraiment entendu avec elle. Il la pensait faible et n’était pas sûr de l’aimer. Et pourtant, les larmes s’étaient mises à couler, sans qu’il puisse se contrôler.
Cette vision avait semblé hautement agacer le Seigneur du Feu et une gifle était venu alors s’abattre sur la joue de l’adolescent ; si violente qu’Ozai avait senti sa tête être projetée violemment sur le côté. Il avait aussitôt cessé de pleurer.
- Tu pleures la mort d’une ennemie de notre nation, Ozai ? Lui avait-il demandé, plus glacial que jamais.
Bien sûr qu’il sait ! Malgré tout, Ozai avait tenté un :
- Je… Je ne comprends pas, Père…
Azulon l’avait alors violemment attrapé par le col, le soulevant littéralement du sol, pour le plaquer contre le mur avec une violence peu commune.
- Ne te moque pas de moi, petit imbécile ! Je sais très bien ce qu’elle était et je sais ce que tu es !
L’expression terrorisée de l’adolescent ne l’avait pas calmé, bien au contraire. Cela ne fit que renforcer sa colère. Ozai était toujours aussi faible, aussi impressionnable. Quelle honte !
- Je… J-je ne sais pas de quoi…
- MENTEUR !
Il l’avait à nouveau frappé. Si fort que, pendant quelques secondes, Ozai avait eu l’impression que tout devenait flou autour de lui. Ce fut bref. Mais son visage lui faisait mal, si mal. Il allait mourir ici. Il allait rejoindre sa mère. Tout était terminé. Et pourtant, Ozai n’arrivait pas à l’accepter.
- Je ne sais pas de quoi vous parlez ! Avait-t-il continué à nier avec force, malgré la peur, même s’il savait que ça n’avait aucun intérêt, que c’était complètement vain. Je ne suis pas un ennemi de la Nation du Feu ! Et ma mère non plus !
Les yeux mordorés d’Azulon s’étaient plissés, à la manière d’un prédateur fixant une proie particulièrement retorse.
- Tu es un excellent menteur, avait-il fini par lui lancer, avant de relâcher sa prise. Meilleur que ta mère en tout cas.
Ozai n’avait pas réussi à rester debout. Il avait peur, au-delà des mots. Ses jambes tremblaient. Il s’était laissé glisser le long du mur, le regard toujours figé sur son père. Il était incapable de regarder autre part, même s’il le voulait, même s’il était terrorisé à l’idée qu’Azulon puisse prendre cela pour une provocation. Ozai n’arrivait plus à réfléchir ; mais, consciemment ou inconsciemment, il cherchait à anticiper le prochain coup. Il ne pouvait pas détourner les yeux et se faire à nouveau surprendre. Il…
Azulon s’était penché vers lui et avait semblé le jauger un long moment, avant de lui annoncer d’un ton étrangement calme :
- Je ne vais pas te tuer, Ozai. Tu m’es beaucoup plus utile vivant que mort.
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Zuko ne comprenait pas pourquoi sa mère ne semblait pas l’aimer, elle qui semblait tant aimer Azula. Elle en était donc capable ; c’était donc lui le problème. Devait-il faire quelque chose de spécial pour qu’Ursa se détache d’Azula -ne serait-ce que quelques minutes- et s’intéresse enfin à lui ?
Azula ne faisait rien de spécial pour se faire aimer et pourtant tout le monde l’adorait sans conditions. Même lui, il se surprenait à éprouver par instants des élans d’affection en sa présence. Azula était juste… Azula. Elle pouvait se montrer gentille, comme cruelle à d’autres moments. Elle n’était jamais douce ou câline. Et pourtant, elle avait des amis quand lui n’en avait pas. Elle avait leur oncle, leur cousin, leur mère et même leur grand-père ; quand lui n’avait personne en dehors de son père.
Mais est-ce que leur père l’aimait lui ? Sûrement. Ozai ne voulait rester qu’avec lui. Il n’était jamais avec Azula ; juste avec lui. Lui !
Et pourtant, en même temps, Zuko aurait aimé que son père soit moins avec lui. Quand Ozai était là, la vie de Zuko devenait compliquée. Il devait étudier et s’entraîner, encore et toujours, jusqu’à que ses jambes fléchissent de fatigue et parfois certains de ses os se brisent. Il détestait la maîtrise de l’Air. Il détestait devoir se cacher. Il détestait que son père ne retienne pas ses coups et lui rende chacune de ses attaques avec une violence inouïe. Il haïssait le fait que cela ne soit jamais assez.
Azula n’endurait pas de tels entraînements. Iroh et Lu Ten semblaient retenir chacun de leurs gestes et Zuko les avaient déjà surpris rire de bon cœur avec la petite fille tout en se jetant des boules de feu dans tous les sens. Comme si tous ces exercices tenaient plus du jeu que de la pratique. Pourquoi son père ne pouvait-il pas rire avec lui, lui aussi ?
Parfois, Zuko se surprenait à chérir les moments où il était enfin seul, quand Ozai quittait enfin le palais pour faire ce que Grand-Père lui demandait. Il passait de longues heures allongé dans son lit, sans rien faire d’autre que de fixer le plafond. Juste ne rien faire, ne plus entendre les cris et les récriminations ; cela n’avait pas de prix. Il se fichait que personne ne vienne le voir. Qu’il puisse voir par la fenêtre sa sœur jouer joyeusement avec tous ceux qui le détestaient lui. Tant pis. Tant mieux. Il avait juste besoin qu’on le laisse tranquille.
Pourtant, ces fois-là, Azula se glissait dans sa chambre et Zuko ne la repoussait pas. Elle venait avec du thé que lui avait donné leur oncle et qu’elle prétendait détester, pour qu’il puisse en boire lui. Leur oncle n’avait pas prévu de lui donner une tasse, à lui, et pourtant elle était à chaque fois, là, fumante, tendue du bout des doigts par une Azula souriante.
Azula ne cherchait pas à se faire aimer. Et encore moins de lui. Azula venait en grande majorité dans la chambre de son frère pour lui raconter ses exploits et se vanter. Pourtant, Zuko se surprenait à l’écouter avec attention. Il aimait l’écouter. Elle n’était pas méchante. Et elle, au moins, elle ne faisait pas comme s’il n’existait pas. Elle ne le laissait pas tout seul.
Il aurait aimé lui dire la vérité ; mais il n’avait pas le droit. Son père ne voulait pas, alors Zuko ne dirait rien. Son père ne voulait pas qu’il sorte de sa chambre en son absence, alors il obéirait. Ou du moins il allait essayer. Quitte à en mourir d’ennui. Il n’avait pas le droit de se plaindre ; Ozai lui avait déjà dit que s’il avait le temps de s’ennuyer, c’était qu’il ne s’entrainait pas assez. Et s’il ne s’entraînait pas, il allait devenir faible. Et s’il était faible, son père ne l’aimerait plus. Il le lui avait déjà dit.
Zuko savait très bien où son père allait quand il s’absentait. Il était sans doute un des rares à le savoir. Il avait cru comprendre que sa mère et son oncle n’en avaient pas la moindre idée.
Même si ceux-ci ne s’intéressaient que rarement à lui, ils profitaient des absences d’Ozai pour le convier, parfois, à des semblants de repas familiaux. Il détestait chacune des minutes qu’il passait autour de cette table. Il détestait les regards indéfinissables que sa mère et Oncle Iroh lui lançaient, ainsi que chacune des discussions qu’ils tentaient à chaque fois d’amorcer. Il n’était pas non plus sûr d’apprécier les sourires qu’ils lui adressaient. Pourquoi faisaient-ils semblant de s’intéresser à lui, quand ils l’ignoreraient à nouveau dans quelques jours ?
Azula n’était pas comme ça. Elle, elle ne faisait pas semblant. Elle ne jouait pas à la gentille petite famille parfaite. Elle était comme d’habitude. Elle se moquait de lui par instant et elle s’encensait encore et toujours ; Zuko adorait l’écouter.
Il adorait l’entendre parler de sa maîtrise du Feu, de ses entrainements et de ses différentes réussites de l’école. Les tentatives de leur mère et de leur oncle pour la faire taire l’agaçaient plus qu’autre chose. Il la poussa à continuer et quand sa mère insista encore une fois, le petit garçon qu’était alors Zuko s’était mis à hurler à pleins poumons. Des grands cris désarticulés et incompréhensibles.
Pourquoi ils ne le laissaient pas tranquilles ? Pourquoi ils ne le laissaient jamais tranquille ?
Il voulait continuer à entendre parler de ce monde extérieur dont il était privé. Il aurait voulu aller à l’école lui aussi ! Il aurait aimé avoir des amis ! Pourquoi est-ce que personne ne l’aimait ? Pourquoi sa mère et son oncle ne l’aimaient pas lui aussi ? Qu’avait-il fait pour qu’ils le détestent à ce point ?!
Bien sûr, il n’avait rien dit de cela. Il s’était contenté de crier. Et on avait mit ça sur son supposé caractère difficile de petit garçon pourri gâté. Sale gamin !
Un soir, son père était venu le réveiller pour lui demander de le suivre en silence.
Il s’était exécuté, bien entendu. Du haut de ses dix ans, Zuko n’était jamais allé à l’encontre des ordres de son père. Parce qu’il ne voulait pas le décevoir. Parce qu’il ne voulait pas fâcher la seule personne qui semblait se soucier de lui. Et parce qu’il avait peur de lui, et de ses colères.
Ils avaient traversé le palais en silence, dans l’obscurité de la nuit, comme deux ombres que personne ne devait entrapercevoir ; jusqu’à pénétrer dans la salle du trône, où le Seigneur du Feu Azulon les attendait, seul.
Zuko ne connaissait pas son grand-père. Sa mère, son oncle, sa sœur et même son cousin, tous faisaient au moins l’effort de se rappeler de son existence plusieurs fois par mois. Azulon ne prenait pas cette peine. A vrai dire, le petit garçon ne se souvenait même pas de la dernière fois où celui-ci lui avait adressé la parole. Peut-être ne l’avait-il jamais fait.
Zuko avait suivi l’exemple de son père et s’était incliné devant la figure si inquiétante sur son trône, derrière cet incompréhensible mur de feu dont le garçonnet ne comprenait pas l’intérêt. Provoquer la crainte chez ceux qui rentraient ici ? Mais la majorité de ceux qui pénétraient ici n’étaient-ils pas des maîtres du Feu ? Pouvaient-ils seulement ressentir de la peur à la vue de leur élément ? Pourquoi seraient-ils effrayés ? Zuko, lui, n’avait pas peur de l’air. Il n’avait pas peur de se jeter dans le vide ; il savait que son élément était là, partout, alors il ne craignait rien. Pourquoi des maîtres du Feu auraient-ils peur du… feu ?
Tout à ses interrogations, il n’avait pas réellement écouté ce qui se passait autour de lui ; alors il sursauta quand il se rendit compte que son grand-père était à présent devant lui, à le fixer avec une expression dure et glaciale. Zuko baissa aussitôt la tête, les yeux penchés vers le sol. Il connaissait ce regard. Son père avait le même quand il le regardait. Azulon était-il en colère contre lui ? Avait-il réellement raté quelque chose et son grand-père avait-il prit ombrage de son manque d’attention ? Attendait-il une réponse de sa part ? Était-il censé dire quelque chose ?
- Relève-toi, Prince Zuko, ordonna alors le vieil homme d’un ton sec. Montre-moi que ton père a raison d’avoir autant d’espoirs en toi et en tes talents.
Zuko s’exécuta, et se faisant adressa un bref regard à son père pour vérifier qu’il ait bien compris. Le visage d’Ozai était plus froid et plus distant que jamais, semblable à une statue de glace. Néanmoins, il hocha très légèrement la tête, de façon presque imperceptible. C’était tout ce dont Zuko avait besoin pour se rassurer. Le garçon inspira un grand coup et enchaina une série de mouvements vifs et circulaires. Tout semblait vibrer violemment tout autour d’eux, tandis que l’air était projeté au bout de ses mains et de ses pieds.
Zuko était content de lui. Il le fut beaucoup moins quand il croisa le regard critique de son père, du coin de l’œil, alors qu’il était en plein mouvement. Cette simple vision le stoppa net et l’air qui les entourait cessa aussitôt de frémir. L’expression d’Ozai se durcit d’autant plus et Zuko eut soudain la brusque envie de se coucher sur le sol, en boule, pour se mettre à pleurer. Il n’en fit rien, bien évidemment ; il se contenta de rester figé, inquiet, attendant la punition qui tardait à venir.
Mais Ozai resta immobile, silencieux ; ce fut Azulon qui frappa, d’un violent coup de poing, projetant une boule de feu démesurément grosse sur le garçonnet, qui n’eut que quelques dixièmes de secondes pour réagir. Aussitôt, il eut le réflexe d’éviter l’attaque, avant de disperser les flammes d’un geste souple des bras.
Zuko adressa alors un sourire timide aux deux adultes, ne comprenant pas la fureur qu’il lisait sur leurs traits.
- … Faible… Grinça alors son grand-père entre ses dents, entre d’autres récriminations incompréhensibles.
Zuko comprit plus tard que sa maîtrise n’était pas offensive ; donc pas assez intéressante, pas profitable pour la Nation du Feu. Comme son père lui expliquera en hurlant quand ils se retrouveraient à nouveau seuls, il aurait dû affronter le problème et se battre. Et donc attaquer Azulon.
Attaquer le Seigneur du Feu ? N’était-ce pas là une trahison en soit ? Son père avait alors ricané, avant de lui répondre que son grand-père n’aurait eu aucun souci à le vaincre ; mais essayer aurait démontré la force de Zuko et sa détermination. Alors que là, il n’avait prouvé que sa faiblesse en évitant le combat.
Un jour, son père le fit sortir du palais. Enfin. Zuko avait douze ans. Il était assez vieux pour commencer son véritable entrainement, pour réellement se battre pour leur Nation.
Zuko était enchanté. Pendant tout leur voyage, il ne cessait de parler, de raconter tout et n’importe quoi à son père, impassible ; de courir partout, surexcité. C’était extraordinaire. C’était merveilleux. Sentir les odeurs si différentes de celles du palais, portées par un vent suffisamment fort pour fouetter ses joues ; c’était extatique. Tout était si différent, si beau et surtout si grand. Sa chambre lui paraissait si petite à présent. Il se sentait si libre, lui qui avait toujours été si à l’étroit.
Etrangement, sa maîtrise connu un pic de puissance inexplicable durant cette période. Chaque soir, quand ils devaient s’arrêter et camper à la belle étoile au milieu de nulle part, son père ne pouvait pas se résigner à le laisser le reposer et s’acharnait à vouloir l’entrainer. Tous deux furent surpris de constater à quel point Zuko semblait avoir progressé sans aucune raison. Cela rendait Ozai heureux et donc par extension Zuko l’était aussi.
Et au bout d’une bonne semaine de voyage, ils atteignirent enfin leur destination. Zuko ouvrit des grands yeux émerveillés face à l’immensité du camp grouillant de gens s’étendant à perte de vue dans la plaine. Son père posa alors une main sur son épaule et lui dit qu’Azulon s’attendait à ce que Zuko rejoigne les rangs de son armée. Pas l’officielle, bien sûr ; cela n’aurait aucun intérêt. Non. L’autre. Celle des gens comme eux ; les autres maîtres de l’Air qui s’entrainaient en bas dans le camp pour la gloire de la toute puissante Nation du Feu. Et un jour, plus tard, quand il sera assez grand, ça sera à son tour de diriger cette armée vers la victoire.
Zuko était ravi à l’idée de les rencontrer enfin. Les autres. Son père lui avait toujours dit où il disparaissait et pourquoi ; rien de tout cela n’était une surprise. Le petit garçon n’arrivait pas à comprendre pourquoi il se sentait si heureux à l’idée de rencontrer ses semblables. Il était entouré par des gens qui ne lui ressemblaient pas depuis toujours ; peut-être que c’était pour ça qu’il se sentait si seul. Mais c’était fini à présent. Il ne serait plus jamais seul.
L’entrainement au camp n’avait rien à voir avec ce qu’il avait connu jusqu’à présent dans le bunker du palais. C’était encore plus dur. Encore plus violent. Zuko n’aurait jamais cru ça possible. Il n’était pas le seul enfant présent, mais il était sans aucun doute un si ce n’est le plus faible. Il pensait trop. Il hésitait trop. Ça le rendait trop lent, pas assez réactif, mais surtout pas assez offensif. Il devait apprendre à frapper pour tuer. Arrête de penser. Arrête de réfléchir. Plus fort ! Plus fort ! Si tu continues à te retenir, tu mourras. La guerre, c’est tuer ou être tué. Faire souffrir ou avoir mal soi-même.
Et un jour, alors qu’il venait encore une fois de perdre, son adversaire s’était acharné. Zuko avait beau être sur le sol, vaincu, recroquevillé sur lui-même, Akari ne semblait pas vouloir s’arrêter. Il continuait à le frapper, encore et encore.
L’air vibrait, heurtait le corps déjà meurtri du jeune prince. Du sang giclait depuis plusieurs minutes… Le sien ? Il avait mal, tellement mal, mais il ne cria pas. Il n’avait pas le droit. Il ne devait pas pleurer. Il ne devait pas être faible. Les autres observaient la scène, sans réagir. Personne n’intervenait. Personne ne viendrait le sauver. Il ignorait pourquoi, mais un coup en particulier sembla lui faire plus mal que les autres. Il eut l’impression que les os de son bras -celui qui protégeait son visage- venaient d’exploser en morceaux à l’intérieur de ses chairs. Peut-être que c’était le cas. Et cela le mit en colère. Sans qu’il en comprenne exactement la raison. Il avait l’habitude d’avoir mal. Ce n’était pas différent des autres fois. Et pourtant, en même temps, si.
D’un seul coup, il se rendit compte qu’il était debout. Et que Akari était par terre. En sang. Zuko était debout et Akari ne bougeait plus. Il était mort et Zuko était bien incapable de se rappeler comment c’était arrivé. Il ne se savait pas ce qu’il ressentait. Il avait juste froid. Il se sentait juste… Fatigué… Mais tous les autres semblaient ravis. Tout le monde semblait si content de lui, alors que d’habitude ils étaient tous si déçus.
Zuko se souvenait plus de rien ensuite.
De temps en temps, certaines semaines, on l’autorisait à rentrer à Caldera, au palais. Pour faire acte de présence. Sa mère et son oncle voulaient le voir, semble-t-il, comme ils ne cessaient de le répéter dans les lettres qu’ils lui envoyaient et auxquelles Zuko n’était pas autorisé à répondre.
Zuko ne comprenait pas pourquoi Ursa et Iroh insistaient autant. Ce n’était pas comme s’ils s’intéressaient réellement à lui quand il était là. Ce n’était pas comme s’ils l’aimaient. Il ne comprenait pas leur acharnement dans l’hypocrisie. Son père lui répétait souvent qu’ils cherchaient à le manipuler, à l’utiliser, à le monter contre lui… C’était logique ; ils haïssaient Ozai bien plus qu’ils détestaient Zuko après tout. Pas grave. Il ne se laisserait pas avoir.
Zuko était aussi seul au camp qu’il l’était au palais. Ici ou là-bas, personne ne s’approchait jamais de lui, sauf en cas de nécessité absolue. Mais étrangement, ici, cela le dérangeait moins qu’à Caldera. Tous ces maîtres de l’Air n’étaient que de parfaits inconnus ; ce qu’ils pensaient de lui l’indifférait. Bien au contraire, il préférait être seul. Interagir avec ces gens, essayer de se faire aimer d’eux, cela lui aurait demandé trop d’efforts. Ils ne l’auraient pas aimé de toute manière, quoi qu’il fasse. C’était inutile. Autant rester seul ; au moins pas de faux espoirs, il n’était pas déçu.
Azula lui manquait…
Il y avait également cette fille. Zuko était persuadé de l’avoir déjà croisé au palais, avec Azula justement, plusieurs années auparavant. Une fillette aux cheveux châtains tressés et aux grands yeux gris. Ty… Lee, si sa mémoire était juste. Elle semblait ne pas avoir réellement conscience de la gravité de leur situation et prenait tout ceci avec une joie de vivre parfaitement inacceptable. Elle ne se souciait pas d’améliorer sa maîtrise de l’Air ni de gagner les duels qu’on leur imposait. Rien, pas même les punitions ou les coups, ne semblait jamais l’affecter et la faire cesser de sourire. Zuko la détestait.
Cela faisait plus de trois ans qu’il était ici et presque deux ans qu’il n’était pas rentré à la capitale. Sa famille, peut-être agacée par son manque de réponses, ne prenait plus la peine de lui envoyer des lettres. Quelque part, Zuko ne leur en voulait pas de ne plus essayer. Ils avaient suffisamment perdu leur temps comme ça… Il aurait dû leur répondre. Il aurait dû désobéir à son père. Maintenant, plus personne ne se souciait plus de lui ou même faisait semblant de s’inquiéter. C’était comme s’il n’avait jamais existé. Il se demandait parfois si sa petite sœur se souvenait encore de lui.
Son père venait de moins en moins au camp ; leur armée également. Zuko croyait savoir qu’elle était de moins en moins secrète et de plus en plus déployée contre ceux qui osaient s’opposer à la toute puissance de la Nation du Feu. Lui, par contre, restait en arrière pour le moment et Zuko le supportait de moins en moins. Il voulait se battre ! Il savait qu’il était prêt et qu’il était en pleine capacité de défendre les intérêts de leur grande nation. Alors pourquoi le laissait-on toujours ici, à rien faire d’utile ou d’important ?
Sa maîtrise de l’Air était… satisfaisante, semble-t-il ; même si, bien entendu, elle ne le serait jamais aux yeux de son père. Zuko hésitait moins et cela le rendait fort. Il était un guerrier à présent. Il avait hâte de prouver sa valeur lors d’un véritable combat. Que son père voie de quoi il était capable, qu’il soit enfin fier de lui.
Cette fois-ci c’était décidé ; au retour d'Ozai, Zuko lui demanderait de pouvoir faire ses preuves. Il lui prouverait, à lui et aux autres, qu’il était digne de son rang. Il était le petit-fils du Seigneur du Feu et prince de leur nation ; il devait se battre sur le champ de bataille comme les autres ! C’était son devoir !
Néanmoins, il n’en eut pas le temps. Car ce fut à cette période qu’il apprit que Ba Sing Se, contre toute attente, n’était pas tombée. Et que son père était mort au combat.
Notes:
Et de trois ! Le quatrième chapitre est déjà écrit, ne vous inquiétez pas (en supposant que quelqu'un lise cette fanfiction). Je le posterai quoi qu'il arrive lundi prochain. En espérant que cela vous ait plu, à bientôt !
Chapter Text
Zuko ne savait plus trop comment il était censé se comporter. Sans son père pour lui ordonner quoi faire, il se sentait perdu. Il ne se souvenait pas avoir déjà accompli quoique ce soit sans son autorisation expresse. Qu’était-il censé être, maintenant qu’Ozai n’était plus là ?
Le Seigneur du Feu Azulon décidait tout cela pour lui à présent. Et il avait choisi de le faire revenir à la capitale.
Zuko ne dirigerait pas les autres maîtres de l’Air, contrairement à ce qu’Ozai avait promis. A vrai dire, il n’était même plus sûr que son grand-père le laisse un jour retourner au camp.
La seule bonne chose à tout ceci, c’était qu’il n’était plus enfermé dans ses appartements privés. Il avait le droit d’aller où cela lui plaisait et quand il le souhaitait. On se comportait avec lui comme le prince qu’il était, et pas comme l’espèce de secret honteux qu’on avait dissimulé aux yeux de tous durant son enfance.
Mais, il n’était toujours pas autorisé à utiliser sa maîtrise de l’Air en public ou même à l’évoquer à haute voix. Apparemment, Zuko était toujours aux yeux de tous un non-maître, fils d’un prince tout aussi dénué d’intérêt. Dans le même esprit, si les Rhinos Féroces (Agni, que ce nom était ridicule) du colonel Mongke étaient reconnus comme un groupe d’élite parmi l’armée, jamais leur maîtrise de l’Air n’était évoquée. Zuko commençait lentement à comprendre que la majorité de la Nation du Feu ignorait ce petit détail.
Les Nomades de l’Air étaient morts ; leur maîtrise devait l’être également pour les besoins narratifs de la propagande. Que penserait le peuple ? Comment pourrait-il seulement concevoir que des ennemis puissent survivre en leur sein avec la bénédiction du Seigneur du Feu ? Ça ne provoquerait que désordre et chaos, alors que l’effort de guerre supposait de la discipline.
Zuko le comprenait très bien et c’était la raison pour laquelle il acceptait de jouer cette comédie, alors qu’elle l’insupportait au plus haut point.
Il détestait vivre à la Cour. Il détestait cette vie fade et sans intérêt, au milieu de tous ces courtisans flatteurs et hypocrites. Il voulait servir à quelque chose. Il voulait se battre ! Malheureusement, son vénéré grand-père ne semblait pas partager son avis sur la question. A l’inverse, Iroh, Lu Ten et même Azula, étaient autorisés à parcourir le monde pour combattre leurs ennemis. Ce qui n’avait pas de sens. Dans une logique dynastique, Azulon aurait dû l’envoyer lui, lui qui n’avait aucun droit sur le trône, plutôt que de risquer de perdre de potentiels héritiers.
Son père avait eu l’honneur de mourir à la guerre. Sa vie avait été utile, même si ces ingrats pensaient le contraire. Mais si lui, Zuko, mourrait aujourd’hui, qui s’en soucierait ? Il n’était pas juste quelconque comme l’avait été Ozai selon les sources officielles ; sa vie à lui était tellement devenue improductive qu’il en avait honte.
Qu’il vive ou qu’il meurt, cela ne changerait pas grand-chose pour la Nation du Feu. Cette pensée le tourmentait, jour et nuit. Son père aurait détesté le voir ainsi. Ozai le voyait comme un guerrier, comme un futur général. Et qu’était-il à présent ? Rien. Un rien du tout.
Il ne pouvait plus le supporter.
Alors un jour, estimant qu’à dix-sept ans il était largement en âge de tuer et de mourir en soldat, Zuko essaya de forcer le destin en s’immisçant au sein d’une réunion du conseil de guerre. Comme il s’y attendait, les gardes ne le laissèrent pas entrer. Il eut beau perdre patience et s’énerver, ils se contentèrent de lui barrer le passage sans un mot. Comme s’il n’était rien et était même indigne de la moindre explication ou excuse.
Une colère froide traversa Zuko. Il n’était rien, lui ? Alors qu’il était capable de les empêcher de respirer d’un simple geste ? Il n’était rien, alors que leurs stupides flammes ne pouvaient même pas exister sans l’air ?
Mais bien entendu, il ne leur fit aucun mal. Il n’était pas complètement stupide… Ou alors, pas assez courageux.
Zuko se rendit brusquement compte que sa propre respiration se faisait rapide et sifflante ; à l’inverse, les deux gardes étaient toujours terriblement calmes et indifférents. Absolument pas inquiets face à sa colère évidente. Cette constatation ne fit que l’enrager davantage.
Et avant qu’il ne décide de ce qu'il convenait de faire, une voix l'appela au loin.
Iroh.
Bien sûr.
Zuko n’était pas sûr de comment interpréter le sourire (affectueux ?) que son oncle lui adressait à présent en permanence. Comme s’ils avaient une relation de famille normale.
- La Princesse n’est pas avec vous ? Lui lança-t-il alors, aussi calmement que possible, sans prendre la peine de le saluer.
Si Lu Ten était devenu un général d’exception et dirigeait des armées, Azula ne semblait jamais vouloir sortir des jupons de leur mère et de leur oncle. Zuko ne se souvenait même plus du jour où il avait réussi à la croiser seule, comme si elle n’était qu’une précieuse petite poupée de porcelaine risquant de se briser à chaque instant. Cela ne cessait d’agacer Zuko.
Son attitude glaciale ne sembla pas refroidir le vieil homme, qui lui répondit avec une douceur infinie :
- Non, Zuko. Azula ne viendra pas aujourd’hui.
Il avait insisté sur le nom de sa sœur, comme pour tenter de le reprendre sur sa manière de parler d’elle. Curieux ; elle était une princesse, en quoi était-ce désobligeant de le rappeler ? Mais Zuko avait depuis bien longtemps abandonné l’idée de comprendre les bizarreries de son oncle ; il s’était contenté d’hausser les épaules avant de s’apprêter à quitter les lieux.
Iroh avait changé depuis Ba Sing Se. Lui, qui avait toujours oscillé entre l’indifférence et les faux-semblants, passait maintenant la totalité de son temps libre à tenter de se rapprocher de lui. Zuko ne pouvait pas faire un pas sans tomber sur son oncle, à chaque fois que le Seigneur du Feu le laissait rentrer au palais. Et Iroh ne semblait plus du tout s’offusquer de son comportement. Qu’importe ce que Zuko pouvait bien dire, le vieil homme restait toujours aussi calme et souriant. Comme s’il… s'intéressait à lui. Cette pensée ne cessait de faire ricaner le jeune prince. Il aurait presque pu y croire, si ce brusque changement d’état d’esprit n’était pas arrivé au bout de seize longues années. Le prenaient-ils tous pour un idiot ?
Mais alors qu’il avait déjà tourné des talons, son oncle posa une main sur son épaule.
- Qu’est-ce qu’il ne va pas, Zuko ? Tu as l’air… contrarié.
L’intérêt qu’il lui portait lui parut, inexplicablement, soudainement, si sincère que Zuko s’entendit répondre :
- Ces imbéciles…
Il désigna les gardes toujours aussi stoïques et silencieux.
- Ils refusent de me laisser entrer dans l’antichambre de la guerre.
Le sourire du vieil homme s’adoucit un peu plus :
- Tu ne rates vraiment rien d’intéressant, crois-moi. Toutes ces petites réunions sont mortellement ennuyeuses.
Zuko sentit aussitôt son corps se crisper. Pourquoi se serait-il attendu à une autre réponse que celle-ci ? Toujours ce même mépris sous-jacent et permanent. Comme s’il n’était qu’un éternel enfant, faible et incapable. Un rien du tout.
- Pourtant, répliqua-t-il avec froideur. Ma très chère petite sœur est conviée à la majorité de ces ennuyantes réunions.
Quelque chose traversa le visage d’Iroh, une émotion que Zuko ne sut pas analyser. Il semblait se retenir de répondre quelque chose et le jeune maître de l’Air n’en conçut qu’une hostilité plus grande encore. Bien sûr. Il était normal qu’elle soit là. Elle était destinée à régner, ou du moins à diriger les hautes sphères de leur nation, elle et sa satanée maîtrise du feu ; pas Zuko.
- Veuillez m’excuser, dit l’adolescent avec une haine difficilement contenue. Je ne cherchais pas à vous manquer de respect, mon oncle. Je vais vous laisser. Vous avez mieux à faire.
Le ton venimeux du jeune prince parut déranger le Dragon de l’Ouest. Des émotions contradictoires se succédèrent tour à tour dans les yeux ambrés, avant que le vieil homme ne sourit à nouveau, comme à contrecœur :
- Tu me promets d’éviter de parler ? Tous ces vieux soldats sont très pointilleux, tu sais…
Il n’arrivait pas à y croire. Il l’avait fait ! Il était entré. Il était assis au milieu des généraux, à écouter la situation militaire et les différents débats, sans que personne n’exprime la moindre désapprobation. Le Seigneur du Feu lui-même n’avait rien dit. Bon, il ne lui avait pas accordé le moindre regard depuis qu’il était là et faisait comme s’il n’existait pas, mais c’était déjà énorme. Personne ne l’avait chassé de l’antichambre ! Est-ce que cela signifiait qu’on commençait enfin à le prendre au sérieux et qu’on voyait en lui autre chose qu’un courtisan sans talents ?
- Les défenses du Royaume de la Terre sont concentrées ici, annonça un général dont Zuko ignorait le nom. Un dangereux bataillon composé des meilleurs maîtres de la Terre et des guerriers les plus redoutables. Alors, je conseille qu’on envoie la quarante-et-unième division…
Un autre général, très âgé, l’interrompit aussitôt :
- Cette division n’est justement composée que de nouvelles recrues. Comment voulez-vous qu’elle vienne à bout d’un puissant bataillon du Royaume de la Terre ?
Un sourire que Zuko qualifierait de sournois passa sur les lèvres du premier général qui répliqua :
- Je n’y compte pas. Cette division servira de distraction pendant que nous attaquerons à revers. Qui y-a-t-il de mieux pour servir d’appât que de la viande fraiche ?
Bien. Sournois était peut-être un terme un peu faible. Maléfique paraissait plus exact. Mais pendant un instant, Zuko se dit que cela ne le regardait pas.
Des maîtres du Feu inexpérimentés allaient mourir, sans aucune raison, pour servir une plus grande cause. La belle affaire. D’autres gens plus méritant étaient morts… Il serra brièvement les poings sur ses genoux, sans s’en rendre compte. Son père était-il mort ainsi ? Sacrifié pour que des gens plus importants puissent vivre ? Il sentit quelque chose d’amer remonter le long de sa gorge et s’entendit parler, de manière lointaine, comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre. Quelqu’un d’autre qui en avait quelque chose à foutre et qui se mit à hurler furieusement :
- Vous n’avez pas le droit de sacrifier une division entière ! Tous ces soldats aiment et défendent notre nation ! Comment pouvez-vous les trahir ?
Zuko se rendit brusquement compte qu’il était debout, à les jauger tour à tour, eux les puissants maîtres du Feu, avec une fureur qu’il ne comprenait pas lui-même. Il comprit presque aussitôt son erreur et une terreur sourde traversa chacun de ses membres. Qu’est-ce qu’il lui avait pris ?! Il venait de foutre en l’air sa seule et unique chance de prouver sa valeur auprès de la Nation du Feu. Il n’irait pas sur le champ de bataille, il…
Ce fut quand il sentit la chaleur démesurée des flammes s’élevant dans son dos, tout autour du trône, qu’il réalisa qu’il avait un autre problème. Plus grave. Beaucoup plus grave.
Tout ça pour des gens qu’il ne connaissait pas et qui de toute façon allaient mourir. C’était le lot du soldat. Mourir pour leur noble nation. Que cela soit juste ou pas, ils avaient de toute façon peu de chances de revenir en vie ; comme tous les autres soldats. Tuer ou être tué.
Et lui à présent, qu’est-ce qu’il avait ? A part sa monstrueuse et gigantesque stupidité ?
Il lui avait fallu trois mois entiers pour se remettre de ses blessures. Durant cette période, il avait oscillé entre les délires induits par la fièvre et des périodes de coma plus ou moins longues. Personne ne pensait à ce moment-là qu’il survivrait.
Son grand-père… Non, le Seigneur du Feu Azulon l’avait brûlé. Il l’avait puni pour son insolence et sa bêtise.
Zuko ne méritait même pas un combat équitable. Un Agni Kai. Car les esprits, dans leur grande sagesse, ne lui avaient pas permis de maîtriser le feu. Il n’était pas digne de sa lignée. Il ne méritait rien.
A certains moments, il se disait qu'il aurait dû se défendre ; même si la simple idée de pouvoir vaincre quelqu’un d’aussi puissant qu’Azulon était risible. Mais peut-être aurait-il dû essayer de fuir, n’importe quoi, plutôt de rester immobile à attendre sagement qu’on lui fasse du mal.
On n’avait pas réussi à sauver son œil. Maintenant qu’on lui avait enfin retiré son bandage, il pouvait chaque matin avoir le plaisir d’admirer dans le miroir la mince ouverture blanchâtre qui se dégageait des épaisses croûtes qui ne cicatriseraient jamais complètement.
Le Seigneur du Feu avait posé une main faussement affectueuse sur son visage et…
Zuko secoua la tête pour tenter de se remettre les idées en place. Ça ne servait à rien de ressasser le passé. Qu’importe si ses blessures continuaient à lui faire mal. Qu’importe si aujourd’hui il était encore moins important qu’il ne l’était auparavant. Qu’importe s’il était réduit à chasser les chimères pour espérer un jour reprendre une place plus enviable. Les regrets n’y changeraient rien.
Au moins, aujourd’hui, il pouvait se battre. Comme son père l'avait toujours voulu. A présent il était encore moins qu’un rien du tout ; mais il pouvait apporter gloire et grandeur à la Nation du Feu, même si celle-ci ne voulait plus de lui.
Il trouverait l’Avatar, comme on lui avait demandé. Il sauvera la Nation du Feu et mourra en combattant, comme son père avant lui. Il ne pouvait imaginer plus grand honneur.
Notes:
J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu. Merci à toutes les personnes ayant laissé un kudos et à lundi prochain pour la suite !
Chapter Text
Chaque matin, Zuko consacrait une heure à inspirer à pleins poumons l’air glacial ramené par l’océan, accoudé sur la rambarde du pont. C’était son seul moment de plaisir de la journée.
Il prenait le temps de perdre son regard dans l’immense étendue d’eau. Et à chaque fois, une partie de lui avait envie de s’y jeter. Quel délice cela pourrait être.
L’air pourrait le retenir dans sa chute et il pourrait s’envoler, tels les Nomades de l’Air d’autrefois. Du moins, c’est ce que son père lui racontait à l’époque. Zuko n’était pas sûr de ce qui tenait du mythe ou de la réalité. Après tout, il n’avait jamais vu le moindre maître de l’Air réussir une telle prouesse. Alors certes lui-même, comme tous les autres enfants du camp, avait été capable de ralentir sa chute, après d’être jeté d’une falaise de plusieurs mètres de hauteur, pour atterrir en douceur sur le sol. C’était même une des principales épreuves de leur entrainement. Ty Lee avait même carrément réussi à rester immobile en l’air pendant plusieurs secondes, avant de les rejoindre lentement à terre. Mais de là à s’envoler à la manière d’un oiseau ?
Cela ne l’empêchait pas d’en rêver, bien entendu. Un petit rêve innocent, qui lui revenait tous les jours et qui, comme tous les éléments de sa vie, ne menait jamais à rien.
Comme chaque matin, son oncle s’installait pour boire son thé derrière lui pendant qu’il rêvassait.
Zuko ne comprenait pas très bien ce qu’un général tel que lui faisait là, à s’enterrer dans un exil qu’il ne méritait pas. C’était sans aucun doute une manière pour le Seigneur du Feu de continuer à le surveiller, même à des milliers de kilomètres de chez eux. Mais pourquoi Iroh, pourquoi le prince héritier, sur une mission si longue et dénuée d’autant d’importance ? Azulon aurait pu se contenter d’envoyer Azula.
Zuko se doutait du peu d’intérêt que le Seigneur du Feu lui portait.
Il n’était pas assez important pour effrayer en haut lieu. Il n’était qu’un petit insecte qu’on avait envoyé au loin, parce qu’il n’était pas assez inquiétant pour qu’on prenne la peine de l’exécuter. Même s’il se dévouait tout entier à la mission qu’on lui avait confiée, il n’était pas stupide. Toutes les forces de la Nation du Feu avaient été déployées pendant des décennies pour retrouver l’Avatar et ce, sans le moindre succès. Personne ne s’attendait à ce que lui, avec le peu d’hommes et de moyens dont il disposait, y arrive ; et c’était même le but de la manœuvre. Azulon ne voulait pas qu’il rentre.
Mais pourquoi avait-il envoyé son fils préféré dans ce voyage sans retour ? Tout le monde savait que Zuko et lui n’étaient pas proches ; donc, en qualité d’espion, Iroh n’était pas plus utile qu’un autre. Azulon aurait pu envoyer n’importe qui à la place, jusqu’au plus simple des roturiers ; le résultat aurait été parfaitement le même.
Zuko ne cherchait plus à comprendre.
Tout ce qu’il voulait, c’était retrouver l’Avatar. Il prouverait à son grand-père, à son oncle, à tous ces enfoirés, à quel point il valait mieux que ce qu’ils pensaient. Un jour, Azulon lui confierait une armée ! Un jour, il…
Il y eut alors comme une explosion au loin, et un long jet de lumière perça le ciel. Zuko resta un instant interdit, avant de grincer entre ses dents :
- Depuis le temps que j’attendais…
Il se retourna vers le vieil homme, qui buvait toujours son thé sans rien dire.
- Vous réalisez ce que cela signifie, mon oncle ?
- Que je ne pourrais pas terminer ma tasse ? Répliqua ce dernier avec une passivité révoltante.
Pourquoi est-ce qu’il prenait encore la peine de parler à cet imbécile ? Zuko ne se laissa pas gagner par le manque d’entrain du plus vieux et insista :
- Ce faisceau lumineux vient d’une source incroyablement puissante ! C’est sûrement lui !
- Ou une simple émanation des feux célestes, objecta Iroh de son habituel air tranquille. Nous avons déjà emprunté cette route plusieurs fois, Zuko ; je ne veux pas que tu t’enflammes de cette façon pour un rien.
Son sourire s’adoucit encore un peu plus :
- Viens t’asseoir. Profite avec moi d’une bonne tasse de thé au jasmin. Il t’apportera le calme et la sérénité…
Zuko perdit patience et se mit à hurler :
- JE N’AI PAS BESOIN DE VOTRE TISANE SOPORIFIQUE ! J’AI BESOIN DE CAPTURER L’AVATAR !
Il adressa alors un geste furieux au timonier dans sa cabine au-dessus d’eux :
- CAP SUR CETTE LUMIÈRE !
La lumière n’était pas restée visible bien longtemps. Bien sûr. Ça aurait été trop simple et quelqu’un semblait avoir décidé que tout dans sa vie devait être compliqué. Une phrase de son père lui revint brusquement à l’esprit. Azula est née chanceuse et toi, tu as eu la chance de naître. C’était vrai et cela ne semblait pas prêt de changer.
Mais Zuko ne se découragea pas, et ce malgré l’insistance de son oncle qui avait l’air déterminé à le voir échouer. Ils passèrent le reste de la journée à tournoyer encore et encore au milieu des glaciers et, comme à chaque fois, ça ne mènera à rien.
Cela faisait un peu plus d’un an qu’il parcourait le monde à la recherche de l’Avatar, en vain. A vrai dire, il ne savait plus trop où chercher.
Au début, il avait essayé d’être cohérent en retournant chacun des temples de l’Air de fond en comble. Roku était né maître du Feu ; la logique aurait voulu que le cycle ait continué et que l’Avatar se soit réincarné parmi les Nomades de l’Air.
Sozin avait pensé la même chose, sinon il n’aurait pas perdu son temps à s’attaquer à ces lâches. La Grande Comète ne passant qu’une fois tous les cent ans, l’utiliser pour vaincre un peuple faible (plutôt que le Royaume de la Terre ou la Tribu de l’Eau) aurait été une occasion manquée. Il pensait sans doute avoir à combattre l’Avatar. Mais rien ne s’était passé. Il ne l’avait pas trouvé. Zuko était tombé sur des rapports attestant que son arrière-grand-père avait passé le reste de sa vie à traquer et à exécuter tous les maîtres de l’Air subsistant au sein de la Nation du Feu et du Royaume de la Terre. Mais de nouveau, rien ne s’était produit. Aucun être supérieur ne s’était jamais opposé à lui.
Quelle ironie que son fils adoré, Azulon, épouse par la suite une des maîtres de l’Air en question. Sozin n'était sans doute pas aussi malin qu’il le pensait.
Aujourd’hui, tous les maîtres de l’Air membres de leur noble nation avaient été dûment répertoriés. Aucun d’eux n’était né au moment de la mort de Roku. De fait, il semblerait que cette possibilité puisse être éliminée. Même si on ne pouvait pas en être totalement sûr… Qui sait ? Peut-être que certains d’entre eux continuaient à se cacher lâchement des autorités.
Mais peut-être aussi que l’Avatar était mort avant même qu’il prenne conscience de sa vraie nature et dans ce cas-là, il fallait plutôt porter son regard sur les différentes Tribus de l’Eau.
C’était l’unique raison pour laquelle Zuko se retrouvait à parcourir les étendues glacées du Pôle Sud. Il n’arrivait pas à croire que des êtres humains puissent vivre dans un environnement aussi hostile.
A chaque fois que Zuko fermait les yeux, ce n’était pas la Nation du Feu qu’il voyait.
Il rêvait des Temples de l’Air. La plupart du temps, c’était pour s’y voir, habillé des horribles vêtements jaune et orange dont les moines s’affublaient autrefois. Ce genre de rêves aurait pu le faire rire au réveil, s’il n’y voyait pas également son père. Ozai, lui aussi vêtu des mêmes habits ridicules, et plus souriant qu’il ne l’avait jamais été en réalité. Il paraissait à chaque fois si calme, si heureux ; et à chaque fois, cette vision suffisait à réveiller Zuko.
C’était si… douloureux, mais il ne pleurait pas. Ozai aurait détesté le voir pleurer. Les gens forts ne pleurent pas et Zuko n’était pas faible.
Pourtant certains matins, il avait l’impression que sa joue droite, celle sous son œil valide, était étrangement humide et collante. Il était plus que probable qu’il ait pleuré en dormant, comme un enfant pathétique. Cette constatation le rendait à chaque fois si exécrable, que son équipage et même son oncle évitaient de lui adresser la parole ces jours-là. Zuko ne pouvait qu’espérer qu’ils ignorent la raison de sa mauvaise humeur. Et si ses sanglots avaient été si bruyants qu’il ait été impossible à quiconque sur le bateau de l’ignorer ? Il ne pourrait pas s’en remettre.
Heureusement, personne ne lui avait jamais fait la moindre remarque. Mais, au fond, ça ne voulait rien dire. Ils pouvaient très bien l’avoir entendu et ne pas oser le signaler, par peur ou par pudeur. Zuko ne savait pas quelle possibilité était la pire.
Bien sûr qu’il rêvait des Temples de l’Air. Une partie de lui était apparemment impressionnée par la majesté de ces bâtiments vide et poussiéreux. La même partie, quelque peu enfantine, qui se demandait ce qu’aurait été sa vie s’il y était né. Ce qui, en soit, n’avait aucun sens. Si Sozin n’avait pas exterminé les Nomades de l’Air, sa grand-mère Ilah ne serait jamais rentrée dans la Nation du Feu. Elle n’aurait jamais eu l’occasion de voir son mariage arrangé avec quelqu’un d’aussi puissant qu’un membre de la famille royale. Dans cette réalité, Zuko n’aurait pas pu naitre.
Pourtant, Zuko ne pouvait s’empêcher d’éprouver un sentiment étrange d’appartenance en parcourant les ruines. A chaque fois, il s’était arrangé pour se séparer du reste du groupe. Il avait besoin d’être seul. Aux yeux de son oncle et son équipage, ce n’était qu’un tas de pierres et de mauvaises herbes. Pas pour lui. Et sans s’en rendre compte, ses pieds se soulevaient démesurément du sol à chacun de ses pas. Il ne s’était jamais senti aussi léger, que cela soit physiquement ou mentalement.
Quel plaisir les Nomades de l’Air avaient dû éprouver en vivant dans ce genre d’endroit, aussi haut dans le ciel.
Zuko aurait adoré grandir ici !
Mais, dans chacun des quatre temples, il finissait toujours par tomber sur la même chose qui le ramenait à chaque fois à la réalité. Des cadavres. Des tas de cadavres, qu’on avait abandonné ici. Des Nomades de l’Air, avec des morceaux de tissu jaune et orange déchirés. Des soldats, dans des armures rouges et noires rouillées. Personne ne s’était suffisamment soucié d'eux pour prendre la peine de les enterrer. On les avait tous laissé pourrir ici. Ensemble.
Il ne savait pas pourquoi, mais cette vision lui faisait à chaque fois quelque chose… Et il se méprisait pour cela. La mort était naturelle, même si la leur avait été violente. Il ne connaissait pas ses gens. Il n’avait pas à pleurer des inconnus. Ils étaient morts il y a presque cent ans de toute manière. Ils n’étaient plus que des squelettes et un jour, ils ne seraient plus que de la poussière. Ils n’étaient plus personne.
Zuko ne pouvait pas s’empêcher d’être surpris de trouver autant de cadavres de soldats de la Nation du Feu. Les Nomades de l’Air semblaient ne pas avoir été aussi pacifiques que les anciens textes le laissaient supposer. Dans les quatre temples, et malgré la comète, les maîtres du Feu semblaient avoir eu du mal à venir à bout de leurs adversaires. Le jeune prince ne savait pas trop quoi en conclure.
Cela n’aurait pas dû l’étonner. Bien sûr que la maîtrise de l’Air pouvait tuer ; c’était une arme, comme les trois autres. Et les Nomades de l’Air, malgré tout leur cinéma hypocrite, semblaient parfaitement d’accord sur ce point.
Même eux ne voulaient pas mourir sans emporter le plus d’ennemis possibles avec eux. C’était une pensée inspirante pour le jeune soldat que Zuko pensait être.
Cela faisait trois jours que le faisceau de lumière était apparu pour mieux disparaitre, et ils n’avaient toujours rien trouvé. Mais Zuko refusait d’abandonner cette piste. Il était toujours le premier réveillé, à fixer dès l’aube le lointain avec sa longue-vue.
Il était bien le seul à y croire. Comme à chaque fois qu’il pensait avancer dans leur mission, ni son oncle ni son équipage ne semblaient partager son enthousiasme. Ils obéissaient à ses ordres, certes, mais avec une mollesse totalement inacceptable.
Et ce matin-là, il y eut effectivement une avancée, au moment où il s’y attendait le moins. Il entendit comme une explosion et une fusée de détresse s’éleva dans le ciel. Zuko baissa précipitamment l’objectif de sa lunette optique, juste à temps pour apercevoir une silhouette bondir hors d’un ancien bateau en ruine, avec une facilité ne laissant aucun doute sur sa nature de maître de l’Air. Mais surtout, une silhouette portant des vêtements orange et jaune que Zuko ne reconnaissait que trop bien.
- Le dernier Nomade de l’Air…
Une pause.
- Plutôt agile pour son grand âge.
Il se redressa et ordonna au soldat montant sagement la garde derrière lui :
- Va réveiller mon oncle ! Dis-lui que j’ai enfin trouvé l’Avatar… Ainsi que l’endroit où il se cache !
Sa disgrâce était bientôt terminée.
Notes:
Merci du fond du cœur à toutes les personnes ayant prit la peine de laisser des kudos et même de commenter ! J'espère que ce chapitre vous a plu également !
A lundi prochain pour la première rencontre entre Zuko et Aang !
Chapter Text
Ces sauvages de la Tribu de l’Eau avaient construit une pathétique petite muraille de neige tout autour de leur tout aussi pathétique village.
Zuko n’avait pas la patience d’entamer un siège. Mais, ce n’était pas comme s’ils en avaient réellement besoin… Il se contenta d’ordonner au timonier d’enfoncer la misérable et fragile barrière avec la proue du bateau.
Ce fut encore plus facile qu’il ne l’avait imaginé.
Une bonne chose de faite, se dit-il en descendant accompagné de ses hommes.
Ils avaient tous pris la peine de revêtir leurs armures, pour plus de sécurité et de solennité ; et franchement, elle n’était pas adaptée au froid polaire de cet endroit. Les locaux étaient tous recouverts de peaux de bêtes, quand eux devaient se contenter d’habits prévus pour des températures plus clémentes. Zuko aurait bien aimé ce jour-là maîtriser le feu, et avoir le pouvoir de se réchauffer de l’intérieur. Il avait déjà vu son oncle le faire et Agni, ça avait l’air incroyable.
Un attroupement de femmes de tout âge le jaugeait avec inquiétude, avec devant elles un adolescent semblant avoir le même âge que lui. Et qui le chargea aussitôt. Seul. Sans aucune maîtrise. Avec une simple lance.
Il y avait beaucoup trop de témoins pour que Zuko puisse utiliser sa maîtrise de l’Air. Il était donc venu accompagné de maîtres du Feu. Juste au cas où. Mais apparemment, il avait surestimé la Tribu de l’Eau du Pôle Sud. Zuko n’eut même pas à dégainer ses sabres, comme le non-maître qu’il était censé être ; il se contenta d’envoyer un coup de pied bien placé dans le ventre du villageois, qui valsa dans les airs et alla s’écraser dans le tas de neige qu’avait été leur muraille.
Zuko ne lui prêta plus la moindre attention et s’intéressa aux femmes qui continuaient à le fixer d’un air craintif. Des enfants en bas âge se pressaient contre leurs jambes. Cette vision surprit intérieurement Zuko. C'était vraiment tout ce qu’elles pouvaient faire ? Se cacher derrière une seule personne peu ou pas entrainée au combat ? Bien sûr, elles n’étaient que des civiles. Mais Zuko était sûr que si la Nation du Feu venait à se faire attaquer, même les simples paysans prendraient les armes pour défendre leurs vies. Là, non. Il y avait certes une femme âgée, mais la plupart semblait largement en capacité d’être autre chose que les créatures terrifiées qu’elles étaient à présent. Même les Nomades de l’Air avaient été plus combatifs que ces gens-là.
Le regard de Zuko se perdit au milieu du petit groupe. L’Avatar n’était pas là.
- Où le cachez-vous ? Demanda alors le jeune prince, aussi calmement que possible, alors qu’il bouillonnait intérieurement.
Personne ne lui répondit. Zuko attrapa alors la vieille femme, qui semblait tétanisée par la peur, et ajouta :
- Il doit à peu près avoir son âge et maîtrise les quatre éléments.
Encore une fois, le silence. Zuko commençait à en avoir assez. Il repoussa violemment la vieille femme, qui alla pleurnicher dans les bras d’une fille à peine plus jeune que lui. Agni, que c’était pitoyable. Elles se contentaient de l’observer avec un air de chien battu, tout en conservant un silence obstiné. Si elles voulaient jouer les victimes, parfait. Il avait suffisamment été poli comme ça. Il allait brûler chacun des misérables abris de ce village, jusqu’à obtenir une réponse. Et alors qu’il allait se tourner vers ses hommes pour le leur ordonner, le villageois sans talent eut un nouvel éclair de courage.
Le garçon de la Tribu de l’Eau se jeta sur lui avec ce qui ressemblait à une massue en os ; Zuko n’eut qu’à se baisser et l’éviter. L’adolescent lui passa littéralement par-dessus et alla heurter le sol, pour mieux se relever et tenter à nouveau de l’attaquer.
Zuko ne s’était jamais retrouvé dans une telle situation. Chacun des combats qu’il avait mené jusqu’alors n’avait été que face à de véritables soldats, maîtres ou non-maîtres. Il n’avait jamais eu l’occasion de s’opposer quelqu’un manquant à ce point d’entrainement guerrier. La règle de tuer ou d’être tué ne s’appliquait pas ici. Il aurait pu se contenter de le vaincre et d’en rester là ; après tout, son adversaire était si faible que cela en devenait presque déshonorant. Mais par tous les esprits, qu’est-ce qu’il était agaçant !
Le villageois le chargea une nouvelle fois avec sa lance ; une lance que Zuko brisa d’un simple coup de poing bien placé.
Ce type était aussi faible que le reste de son village, tout en étant beaucoup plus hargneux. Une partie de Zuko se sentait mal à l’aise à l’idée de lui faire du mal. Ce n’était pas un guerrier, mais c’était un ennemi de la Nation du Feu. Était-ce respectable de le tuer ?
Mais Zuko avait beau tenter de le mettre hors de combat, sans même utiliser ses sabres, cet insupportable gueux ne cessait de le réattaquer. Et franchement, le jeune prince commençait à s’agacer. Il n’avait pas de temps à perdre pour de telles futilités ! L’Avatar était peut-être déjà loin…
Zuko se dit soudain que c’était peut-être même le but de la manœuvre. Le retarder. Le retenir. Pendant que le Nomade de l’Air s’enfuyait.
Cette pensée l’enragea brusquement et il expédia un coup de pied d’une violence inouïe dans le ventre de son adversaire. Ce ne fut que quand il vit le sang jaillir de la bouche de l’autre garçon, que Zuko comprit qu’il venait inconsciemment d’utiliser sa maîtrise de l’Air pour amplifier sa puissance de frappe. Par chance, son élément étant de nature invisible par rapport aux trois autres, son geste passa relativement inaperçu aux yeux tant de ses concitoyens que des villageois. Même si, bien entendu, sa force devait paraitre quelque peu démesurée… Sans être inhumaine, heureusement.
Le villageois de la Tribu de l’Eau s’écroula enfin sur le sol, pour ne plus y bouger. Une bonne chose de faite.
Les femmes et les enfants se mirent alors à pousser des hurlements d’épouvante. Et avant que Zuko n’ait eu le temps de décider de la marche à suivre pour les faire avouer ce qu’ils savaient, il sentit l’air frissonner dans son dos.
Une présence se déplaçant plus vite que n’importe quel autre être humain normal ; un de ses semblables.
D’un geste souple sur le côté, Zuko évita à la dernière minute le corps fonçant à toute allure vers ses jambes. Le jeune prince avait agi de manière à ce qu’un observateur extérieur ne perçoive son esquive que comme instinctive. Il ne devait pas agir trop rapidement en amont. Personne ne devait réaliser qu’il anticipait les mouvements des autres grâce à la maîtrise de l’Air.
Face à lui se trouvait à présent un enfant vêtu de la tenue caractéristique des Nomades de l’Air. Un enfant qui ne devait pas avoir plus de douze ans et qui le fixait avec horreur de ses yeux gris démesurément grands, si semblables à ceux de Ty Lee. Ce n’était pas l’Avatar. Ce n’était pas possible.
Bien malgré lui, Zuko laissa échapper un petit rire nerveux. Vraiment ? C’était juste ça ? Un gamin ayant soit déserté leur noble nation soit descendant de survivants aux purges de Sozin dans les territoires du Royaume de la Terre, et ayant eu la brusque lubie de s’habiller comme leurs ancêtres ? De quelle manière était-il censé le justifier auprès de ses hommes ou même auprès de ce misérable village ? Quelqu’un allait forcément parler. La rumeur que les maîtres de l’Air aient survécu allait grossir, se répandre sur le monde. Devait-il tuer tout le monde, même ses propres soldats, pour que le secret soit préservé ?
Comme pour lui forcer la main, ce petit abruti se mit alors à agiter son étrange bâton pour projeter de l’air et de la neige dans tous les sens, ensevelissant plusieurs de ses hommes.
Zuko savait ce que le Seigneur du Feu attendait de lui, dans une pareille situation. Il chiffra rapidement ses cibles. Trois soldats. Trois maîtres du Feu. Un très jeune maître de l’Air. Huit femmes adultes sans aucune combativité. Une vieille peau et une gamine. Et dix enfants plus jeunes encore. Ça ne serait pas si difficile… Il pouvait compter sur l’effet de surprise. Il n’avait qu’à reproduire ce qu’on lui avait toujours appris à faire face à un groupe d’ennemis plus nombreux. Juste quelques secondes et il pourrait les empêcher de respirer. Ils ne seraient plus en état d’utiliser une quelconque maîtrise, ils…
- C’est l’Avatar que tu cherches ? Lança alors le jeune garçon sans aucune crainte. Et bien, tu l’as trouvé !
Toutes les pensées qu’avaient pu traverser l’esprit de Zuko s’évaporèrent d’un seul coup.
Il mentait ; ce n’était pas possible, ce n’était qu’un enfant.
Zuko expira tout l’air contenu dans ses poumons. Il se sentait… soulagé. Il n’allait pas tuer son équipage. Ils allaient repartir avec lui. Même si le gamin mentait, il n’aurait pas à tuer des gens qui lui faisaient suffisamment confiance pour lui tourner le dos et se placer entre lui et le prétendu Avatar. Ils voulaient protéger leur prince et lui, il avait failli les tuer.
Zuko ne chercha pas à contester l’affirmation. Les apparences étaient sauves.
Il fallait qu’il élimine le garçon. Mais il n’était pas suffisamment bon épéiste pour venir à bout d’un maître de l’Air entrainé, même aussi jeune. Alors il fallait qu’il l’éloigne, qu’ils s’écartent des regards indiscrets. Et là, juste là, il le tuerait avec sa maîtrise. Ce n’était pas nouveau. Son père, Ozai, avait de nombreuses fois dû éliminer leurs semblables nés dans le Royaume de la Terre. Le garçon avait l’air doué, mais il n’utilisait pas sa maîtrise comme Zuko avait appris à le faire. Pas assez agressif. Il serait sans doute facile à tuer.
Zuko fit un geste à ses hommes et les trois maîtres du Feu lancèrent une gerbe de flammes sur les tentes en peau qui prirent feu instantanément. A nouveau, les villageois hurlèrent ; mais cette fois-ci, ils eurent la bonne idée de détaler dans tous les sens.
Au milieu du chaos ambiant, l’enfant déguisé en Nomade de l’Air se mit à hurler :
- ARRÊTEZ ! LAISSEZ-LES TRANQUILLE, JE ME RENDS !
Ses hommes agrippèrent alors les épaules maigres du jeune garçon, qui ne fit aucun mouvement pour se débattre. Il leur adressa même un « bonjour » parfaitement hors de propos, avant qu’ils ne rentrent tous au navire.
Aucun villageois ne chercha à les suivre et c’était très bien comme ça.
Son oncle s’était enfin décidé à les honorer de sa présence. Ce vieux fou passait son temps à dormir, c’était désolant.
Mais… Quelque chose n’allait pas, semble-t-il. Zuko ne sut interpréter le regard indéfinissable que l’homme lui adressa, avant de jeter un coup d’œil tout aussi étrange au garçon déguisé en Nomade de l’Air. Mais Iroh resta silencieux et Zuko avait mieux à faire que de se soucier des états d’âme de cet imbécile.
- Emprisonnez l’Avatar dans la soute, ordonna le jeune prince. Mettez-le aux fers !
Le Lieutenant Jee, ainsi qu’un deuxième maître du Feu dont Zuko avait oublié le nom, hochèrent respectueusement la tête avant de s’exécuter. Zuko leur emboita le pas, sous le regard inquisiteur d’Iroh.
- Je compte l’interroger personnellement, se justifia Zuko, en lui tendant l’étrange bâton du garçon. Veuillez déposer ça dans mes quartiers, mon oncle.
Et alors qu’il descendait à son tour les escaliers vers la cale, Zuko entendit le faux Nomade de l’Air lancer à ses hommes :
- Alors messieurs, j’imagine que vous n’avez jamais encore affronté un maître de l’Air… Je parie que je peux vous fausser compagnie, même les mains liées dans le dos !
Zuko accéléra le pas et les rejoignit avec brusquerie. Le garçon eut l’air un instant surpris de le revoir, avant de se renfrogner. Lui qui avait été si insolent, voir joyeux, vis-à-vis des maîtres du Feu, n’exprimait pas la même chose face au jeune prince. Il semblait carrément hostile. Zuko lui adressa en retour un sourire torve, avant de lui attraper vigoureusement le bras et de le jeter sans la moindre douceur dans la pièce que le Lieutenant Jee venait d’ouvrir.
- Oubliez mes précédents ordres, soldats, lança-t-il aux deux hommes. Je prends la suite à partir de maintenant.
Les maîtres du Feu échangèrent un regard silencieux, avant que Jee n’ose répliquer :
- En êtes-vous sûr ? Il s’agit quand même de l’Avatar… Nous ne serions pas trop de trois pour le contenir.
Le Lieutenant Jee venait de remettre en cause ses capacités, de manière délicate certes, mais cela restait insultant. Tout le monde sur ce foutu bateau savait que son escrime était loin d’être parfaite. Et comme Zuko n’avait officiellement aucune maîtrise pour compenser son manque de talents, il semblait quelque peu suicidaire de le laisser confronter un être supérieur, même encore enfant.
- Je viens de vous donner un ordre, Lieutenant, grinça Zuko avec une colère difficilement contenue.
Les deux hommes restèrent un instant incertains, avant que leur entrainement militaire ne reprenne le dessus et qu’ils obéissent enfin, sans un mot.
Et alors qu’ils étaient déjà loin, le garçon se libéra de ses liens pour attraper les mains de Zuko avec sollicitude. Toute son hostilité semblait brusquement et inexplicablement envolée.
- Tu es un maître de l’Air, pas vrai ? C’est quoi ton nom ? Moi, c’est Aang ! Ils m’ont dit que tous les maîtres de l’Air avaient disparu ! Mais il semblerait que ça soit faux, non ? Sinon, tu serais pas là. Tu es retenu prisonnier ? Ils te forcent à faire tout ça ? Huuuum… non… C’est pas ça. Ils savent pas que t’en es un, pas vrai ? J’ai vu comment tu te comportais avec eux. Tu as peur. Tu te caches. C’est pour ça que tu les as poussés à nous laisser seuls ? Tu leur as menti ! Ça veut dire que tu es de mon côté finalement ? Si tu veux, tu peux venir avec moi ! On peut s’enfuir tous les deux !
Le faux Nomade de l’Air débita tout son texte avec une extrême rapidité, sans jamais reprendre son souffle. Zuko eut même du mal à suivre. Tout ce qu’il voyait, c’était l’étrange et soudaine bonne humeur du garçon qui lui adressait à présent un large sourire confiant. Comme l’adolescent de la Tribu de l’Eau avant lui, lui non plus n’était pas un guerrier. Mais au-delà de ça, sa naïveté confondante avait quelque chose de si profondément enfantin que cela en devenait presque douloureux.
Zuko resta interdit quelques secondes. D’autres personnes l’avaient déjà regardé de cette manière. D’autres personnes plus heureuses de vivre que lui ne l’avait jamais été. Ty Lee. Avec ces mêmes immenses yeux gris. Avec cette même confiance absolue et totale. En lui demandant la même chose. De partir avec elle.
Il l’avait tué, elle. Il le tuerait lui. C’était si simple de faire du mal à des gens qui n’étaient pas sur leurs gardes.
Mais ça serait plus facile cette fois. Il n’avait pas de liens avec ce garçon. Il fallait qu’il le tue. Pour la Nation du Feu. Même si ce n’était qu’un gamin et pas une grande menace pour le moment. Ce n’était pas l’Avatar ; mais les Nomades de l’Air n’étaient pas censés avoir survécu. Le Seigneur du Feu avait ordonné leurs morts et sa parole était absolue. Celui qui disait s’appeler Aang voulait se faire passer pour l’un d’entre eux ; il en subirait les conséquences.
Il fallait qu’il le tue.
… Pourquoi fallait-il que ce parfait inconnu ressemble autant à Ty Lee ?
- Je suis le prince Zuko, annonça-t-il d’un ton glacial alors qu’il reprenait ses esprits. Petit-fils du Seigneur du Feu Azulon. La seule personne à avoir besoin d’aide ici, c’est toi, imposteur.
Aang arqua un sourcil surpris :
- Un prince ? Je… Je ne comprends pas… Pourtant, ta cicatrice…
Ce fut le mot de trop.
L’air s'agita soudainement tout autour d’eux, avant qu’un poids démesuré n’aille s’écraser sur les épaules de l’enfant qui s’écroula par terre dans une exclamation de douleur.
- Je suis désolé, dit Zuko d’un ton terriblement neutre et froid, alors qu’un sentiment indéfinissable lui saisissait les tripes.
Tue-le, tue-le ! Qu’est-ce que tu attends, imbécile ?!
- Arrête… Supplia Aang d’une toute petite voix, toujours immobilisé sur le sol, malgré ses efforts pour se libérer de la pression énorme qui l’écrasait. Tu n’es pas obligé de…
Zuko leva le bras, prêt à lui porter le coup fatal. Ça serait rapide. Il n’avait qu’à suffisamment accélérer l’air passant entre ses doigts pour qu’il devienne tranchant. Il n’avait qu’à ensuite abattre sa main sur le cou du garçon et tout était terminé. Inutile de le faire souffrir.
Un bruit sourd retentit alors au loin, avant que le bateau tout entier ne se mette à trembler violemment. Cela ne déconcentra Zuko que quelques secondes et cela suffit à Aang pour se libérer de sa prise.
Le garçon se redressa alors vivement et Zuko sentit qu’il décollait du sol. Avant que le jeune prince ne comprenne ce qui était en train de se passer, sa tête heurta le mur et ce fut le trou noir.
Zuko reprit brusquement conscience, en entendant des gens crier et des pas précipités résonner au-dessus de lui. Il avait mal… Les sons semblaient vibrer à l’intérieur de son crâne.
Et puis soudain, il se rappela. Bien sûr. Le maître de l’Air. Le faux Avatar. Combien de temps était-il resté inconscient ?
Zuko se releva plus vite qu’il ne l’aurait dû et le monde sembla aussitôt tournoyer tout autour de lui. Il dû s’appuyer contre le mur de métal pour ne pas tomber à nouveau. Ce ne fut qu’à cet instant qu’il réalisa qu’un liquide chaud et poisseux s’écoulait lentement dans ses cheveux. Le prince porta une main sur l’arrière de sa tête, pour ensuite l’approcher de son œil valide. Du sang. Plus de sang qu’il ne l’aurait cru. Ce petit enfoiré ne l’avait pas raté.
Il n’avait pas le temps de s’épancher sur son sort. Aux vues des cris qui semblaient provenir du pont au-dessus de lui, son équipage était en train d’affronter quelque chose. Il devait monter les aider. Il devait arrêter ce faux Avatar avant qu’il ne fasse plus de victimes. Il ne le laisserait pas assassiner ses hommes. Il était un guerrier. Il était un soldat. Il devait protéger la Nation du Feu et ses citoyens.
Il devait le tuer, avant qu’il ne dise quoi que ce soit de compromettant. Il…
Mais, bouge ! BOUGE !
Son corps sembla enfin lui obéir et il escalada les escaliers du mieux qu’il put, d’un pas mal assuré.
Rien n’aurait pu le préparer à ce qu’il vit une fois dehors. Le garçon qui disait s’appeler Aang était sur le pont en train de maîtriser l’eau. Ses yeux n’avaient plus rien d’humain et étincelaient littéralement d’une lumière aveuglante. Tout comme ses ridicules tatouages d’un autre temps. Une gigantesque vague d’eau, qui tournoyait jusqu’alors autour de son corps, alla s’abattre sur ses hommes pour mieux les projeter dans les profondeurs glacées de l’océan.
Mais il n’était pas seul. Les deux villageois de la Tribu de l’Eau étaient là aussi, accompagnés d’une énorme créature poilue (comment avait-elle réussi à monter sur le bateau ???). Le garçon se battait avec des difficultés évidentes ; Zuko lui avait sans doute cassé quelques côtes, aux vues de sa respiration sifflante et hachée. La fille combattait de son côté en utilisant une maîtrise de l’Eau terriblement médiocre. Aucun d’eux n’aurait survécu à l’assaut d’un navire de guerre de la Nation du Feu, si Aang ne s’était pas révélé être celui qu’il prétendait.
L’Avatar. Le Maître des Quatre Éléments.
Il fallait qu’il défende son navire et ses soldats.
Zuko avait terriblement mal au crâne et voyait de plus en plus flou. Il avait oublié qu’il était censé dégainer les sabres à sa ceinture. Oublié le fait qu’il était censé avant toute chose garder sa maîtrise secrète. Oublié surtout que de toute façon tuer l’Avatar ne mènerait à rien et que ça ne faisait que reculer le problème.
Il fallait qu’il les tue.
Zuko banda tous ses muscles et, malgré la douleur, réussit d’un coup de poing à envoyer une rafale de vent sur la jeune maître de l’Eau, avant que celle-ci ne réussisse à congeler vivant trois de ses soldats. La vitesse et la violence de l'attaque la projeta si durement dans les airs qu’elle perdit conscience avant même de heurter le métal du pont.
Rétrospectivement, quand il aurait repris ses esprits, Zuko pensera qu’il aurait peut-être dû tenter d’attaquer l’Avatar en premier. C’était la principale menace. Plutôt qu’une misérable petite villageoise incapable de correctement maîtriser l’eau… Après tout, ne venait-elle pas de geler son propre compatriote par erreur ?
Mais de toute manière, il n’aurait jamais dû utiliser sa propre maîtrise. Attaquer cette fille n’était qu’une mauvaise décision de plus, alors qu’il tenait à peine debout.
Zuko avait beau ne plus être capable de penser rationnellement, une partie de lui encore alerte comprit le danger quand les yeux de l’Avatar se tournèrent vers lui. Il essaya de se mettre en position de défense, mais dut s’appuyer d’une main contre la rambarde pour ne pas perdre l’équilibre. Il était trop faible et il allait mourir comme un faible.
L’air vibrait tout autour d’eux plus violemment que Zuko n’avait eu l’occasion de le voir en dix-huit ans d’existence. Aucun maître, à sa connaissance, n’avait jamais réussi à faire réagir leur élément en de telles proportions. La puissance d’une véritable tornade se concentrait anormalement dans un point très restreint, dans un minuscule petit espace autour du très jeune garçon. Une force qui n’allait pas tarder à se déployer.
Il allait mourir…
Quelqu’un se jeta alors sur lui, pour le projeter sur le côté et le protéger de son corps. Et tout devient à nouveau noir.
Notes:
Et un autre chapitre de publié ! J'espère que cela vous a plu ! Merci encore à tous ceux qui suivent cette histoire ! Merci également pour les kudos !
Pour ceux que ça intéresse (et je me rends compte que j'ai oublié de le préciser), dans cette réalité, Zuko ne s'est pas rasé la tête (Pourquoi ? Je n'en ai pas la moindre idée. On va dire que c'est moi qui décide).
À lundi prochain pour la suite !
Chapter 7: Attachements terrestres
Notes:
Il semblerait que je ne délirais pas complètement quand je visualisais le Zuko de cette réalité avec tous ses cheveux. Vu que d'après le lore, les perdants de duels Agni Kai importants se rasent le crâne (à l'exception d'une queue de cheval) pour exprimer leur extrême humilité dans la défaite. Dans cette réalité, Zuko ne pouvant pas réaliser le moindre Agni Kai, il est donc normal qu'il soit encore bien chevelu. Je suis contente d'être retombée sur ce détail ; je ne comprenais pas pourquoi j'arrivais pas à imaginer Zuko avec sa coupe de cheveux habituelle quand j'écrivais cette fanfiction. Mystère résolu donc.
Bon j'arrête de parler et je vous souhaite une bonne lecture. J'espère que ça vous plaira !
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Ozai n’était pas censé savoir les choses qu’il enseignait à Zuko. Il ne devait lui apprendre qu’à utiliser leur maîtrise, et pourtant à chaque fois qu’ils étaient seuls, il lui parlait des Nomades de l’Air. Et de leurs enseignements.
Pourquoi faire ? À quoi bon lui parler de choses aussi futiles ? À quoi bon étudier une philosophie morte ?
Ozai ne s’expliquait jamais et Zuko avait bien trop peur de sa réaction pour oser demander. Alors, il écoutait.
- T’ai-je déjà parlé du Gourou Laghima ?
Zuko était sûr que non. Mais peut-être se trompait-il. Pourtant, il avait beau se creuser le crâne, il ne s’en souvenait pas. Était-ce une question piège ? Son père allait-il encore s’énerver ?
- Je… Je ne crois pas, Père, avait-il répondu avec quelques hésitations.
Le visage dur d’Ozai était resté sans expression et Zuko avait compris que c’était la bonne réponse.
- Laghima était un Nomade de l’Air ayant vécu il y a environ quatre mille ans dans le Temple de l’Air Boréal. On raconte qu’il aurait découvert le secret de l’apesanteur et se serait ainsi libéré de toute attache terrestre. Il aurait passé les quarante dernières années de sa vie sans jamais toucher le sol.
Le très jeune adolescent que Zuko était alors avait adressé un regard stupéfait à Ozai.
- Sérieux ? C’est possible, ça ?
Ça lui avait échappé. Il savait que son père n’acceptait que rarement ce genre de paroles familières, alors il avait baissé la tête. Tout son corps s’était tendu, dans l’attente d’un coup ou d’un cri, mais rien ne s’était produit.
- Il y a quelque chose que tu te dois absolument d’intégrer, Zuko. Rien n’est impossible avec la maîtrise de l’Air.
Zuko avait médité un instant sur cette phrase, avant qu’Ozai ne reprenne :
- Sais-tu pourquoi je te parle de ça ?
Il avait alors attrapé le visage de son fils, pour le forcer à le regarder droit dans les yeux :
- Je vais te citer un des poèmes de Laghima. Je veux que ces phrases s’impriment dans ton petit esprit étroit. Je veux que t’y repenses à chaque fois que tu espéreras améliorer ce que tu appelles maîtrise.
Zuko avait hoché la tête avec attention. Il avait l’habitude des éclats de colère de son père. Et Ozai avait bien raison de perdre patience ; son fils n’était pas aussi bon qu’il aurait dû l’être. Il était faible et Ozai voulait qu’il soit fort. Alors, le jeune garçon avait écouté la leçon.
- Romps tes liens terrestres. Embrasse le néant. Libère-toi et fais-toi vent.
Ozai l’avait laissé digérer ces mots, avant de lui demander :
- Est-ce que tu comprends ce que Laghima veut dire par là ?
Zuko était resté silencieux de longues secondes, un peu trop longtemps sans doute pour son père. Ozai lui avait agrippé si violemment le poignet qu’il avait laissé échapper un petit cri.
- Tu n’arriveras jamais à progresser et à être un bon maître de l’Air, si tu continues à te comporter comme un enfant. Tes attachements terrestres ridicules, que cela soit envers moi, ta sœur ou même cette ridicule gamine aux cheveux châtains, te rendent faibles. Tant que tu ne briseras pas ces liens, tu n’arriveras à rien !
Zuko ouvrit lentement les yeux. Sa tête lui faisait toujours terriblement souffrir, mais… il était toujours vivant. Étonnamment.
Quelqu’un l’avait mis dans un lit. Il porta une main incertaine sur son crâne et sentit du bout des doigts ce qui ressemblaient à des bandages. On l’avait soigné.
Et soudain, tout lui revint. Il avait utilisé sa satané maîtrise devant ses hommes. Devant des membres de la Tribu de l’Eau. Devant l’Avatar. Autant dire devant tout le monde.
C’était une catastrophe.
Il se redressa vivement, alors qu’une panique sourde commençait à gonfler dans sa poitrine. Qu’est-ce qu’il était censé faire ? Comment est-ce qu’il pouvait arranger un tel désastre ?
Zuko réalisa soudain qu’il était toujours sur son bateau, dans sa cabine. Et personne n’avait pris la peine de l’attacher. Était-ce une bonne nouvelle ?
Ce n’était pas tout. Son oncle était là également, endormi sur une chaise à côté de lui.
Zuko se demanda un instant s’il devait profiter de son état de faiblesse actuel pour se débarrasser de lui. Il n’avait qu’un geste à faire et Iroh serait mort sans s’en rendre compte. Et après… Après il devrait entrer en clandestinité. Il devrait fuir, parce que tous les autres maîtres de l’Air de la Nation du Feu allaient se lancer à ses trousses. Il était sûr que c’étaient eux qu’on allait envoyer ; le secret, toujours le secret à conserver.
Mais… S’il tuait Iroh, s’il tuait son équipage et qu’il se lançait à la poursuite de l’Avatar et des deux adolescents de la Tribu de l’Eau… Avait-il la possibilité de tous les éliminer avant que le secret soit définitivement éventé ? Ou alors se berçait-il d’illusions ?
Il délirait complètement. Décidément, jusqu’au bout, il ne cessait de se comporter comme un enfant stupide.
Ce fut à cet instant qu’Iroh ouvrit les yeux. Son regard vague et endormi se fit très rapidement affectueux.
- Zuko… Tu es réveillé. Nous croyions t’avoir perdu.
Le plus jeune resta interdit quelques instants, incapable de savoir quoi répondre à ça. Iroh ne semblait ni surpris, ni en colère. Juste soulagé.
- … Pourquoi m’avoir soigné ? Demanda alors Zuko d’un ton détaché et totalement neutre. N’aurait-il pas été plus simple de me laisser mourir de mes blessures ? Me soigner pour mieux m’exécuter serait étonnamment sadique de votre part.
Une expression horrifiée passa dans les yeux ambrés du vieil homme, qui lui répondit aussitôt :
- Pourquoi est-ce que je te ferais le moindre mal ?
Cette réponse déstabilisa brièvement le jeune prince, qui finit par articuler, toujours aussi froidement :
- Vous avez vu ce que j’ai fait, pas vrai ? Alors…
Sa voix se brisa, avant de se refaire plus dure.
- Je suis prêt. Accomplissez votre devoir, mon oncle.
- Zuko…
Son oncle se leva de sa chaise, pour s’asseoir à son tour sur le lit et le regarder avec sollicitude. Cette brusque proximité crispa Zuko. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait. Il n’avait jamais beaucoup aimé qu’on le touche ou qu’on manque de le faire en se rapprochant de lui. Mais la situation s’était aggravée ces dernières années. Surtout, il s’était rendu compte qu’il ressentait généralement de la peur quand un autre être humain se retrouvait à proximité immédiate.
Il pouvait presque entendre la voix furieuse de son père à son oreille : « Faible, si faible… »
Iroh sembla s’en rendre compte et recula la main qu’il s’apprêtait à poser sur l’épaule du plus jeune.
- Zuko, répéta-t-il, mais cette fois-ci d’un air hésitant. Je suis au courant. Je suis au courant de tout, depuis très longtemps.
Une tension glacée remonta le long de la colonne vertébrale du jeune maître de l’Air.
- Bien sûr, dit-il d’une voix lente. Le Seigneur du Feu a pris la précaution de vous partager cette information quand il vous a envoyé me surveiller.
- Ton grand-père ne m’a pas « envoyé te surveiller », répliqua le vieil homme avec précaution, comme s’il choisissait avec soin chacun de ses mots. C’est moi et uniquement moi qui aie décidé de t’aider à chercher l’Avatar. Le Seigneur du Feu Azulon désapprouvait et désapprouve sans doute toujours ce choix. Mais… Je crois que mon départ a arrangé de nombreuses personnes à la Cour. Ils ont sans doute poussé mon père à accepter, sous de faux prétextes. C’est un très vieil homme, sensible aux suggestions de ses conseillers.
Zuko resta impassible. Les mots glissaient sur lui à la manière de la pluie sur du verre. Il ne les écoutait pas vraiment. C’était évident que son oncle allait nier. Si Azulon l’avait réellement envoyé, jamais Iroh ne l’avouerait.
- Pourquoi vous vous seriez exilé au milieu de nulle part avec moi ? Pourquoi seriez-vous là si ce n’est pas pour me surveiller ? Demanda-t-il plus froidement que jamais. Vous me détestez. Comme vous détestiez mon père.
C’était sorti d’un coup, telle une gifle. Quelque chose sembla vaciller dans les yeux ambrés du Dragon de l’Ouest. Zuko s’attendait à ce qu’il lui réponde quelque chose de vide et de faussement profond comme à son habitude, mais Iroh resta étonnamment silencieux.
Le jeune prince n’était pas sûr de comprendre le voile qui passa dans le regard de son oncle. Il paraissait si vieux soudain ; si vieux et si fatigué.
- Ton père et moi… c’était compliqué, dit finalement Iroh d’une voix basse, presque rauque.
Compliqué. Ça ne voulait absolument rien dire. Il n’y avait absolument rien de compliqué dans leur relation. Au contraire, c’était très clair. Bien que Zuko ne les ait jamais entendu se disputer, les regards hostiles qu’Iroh et Ozai échangeaient quand ils se croisaient ne laissaient aucun doute sur les sentiments qu’ils éprouvaient l’un envers l’autre.
Zuko secoua la tête, en sentant une vague de frustration monter en lui. Pourquoi son oncle ne pouvait admettre quelque chose d’aussi simple ? Pourquoi, depuis Ba Sing Se, s’acharnait-il à jouer ce rôle de perfection et de gentillesse ? Pour le manipuler lui ? Mais pourquoi perdrait-il son temps à faire une telle chose ? Zuko n’était rien, absolument rien dans l’échiquier politique de la Nation du Feu. Ça n’avait pas le moindre sens !
- C’était mon frère, Zuko, poursuivit Iroh, d’un ton un peu plus assuré cette fois. On ne s’est pas toujours compris, c’est vrai… mais je ne l’ai jamais détesté. Et je ne te déteste pas non plus.
Encore une fois, des phrases faussement gentilles venant d’un homme faussement parfait. Un grand homme tel que lui ne pouvait pas détester un proche, et encore moins quelqu’un mort aussi glorieusement. Non, ça ferait mauvais genre.
Zuko aurait voulu le lui hurler, lui cracher qu’il ne le croyait pas. Mais il n’y parvint pas. Il resta là, déstabilisé, incapable de comprendre pourquoi ces mots qu’il voulait tant rejeter, lui faisaient soudain tellement mal.
Il aurait aimé que ça soit vrai. Il aurait aimé quelque d’autre regrette Ozai. Le Seigneur du Feu n’avait même pas pris la peine d’organiser des funérailles dignes de ce nom. On l’avait enterré de nuit, dans une quasi-clandestinité. Et depuis, plus personne ne citait son nom, que cela soit lors d’événements officiels ou dans l’intimité de la famille royale. C’était comme s’il n’avait jamais existé. C’était même la première fois en trois ans qu’Iroh parlait de lui.
- Mon père vous détestait, déclara-t-il soudain.
Zuko ne savait pas pourquoi il affirmait une telle chose. C’était vrai quelque part ; il se souvenait encore très bien de tout ce qu’Ozai lui racontait à propos d’Iroh. Mais il ne lui disait pas ça dans un souci de franchise. Non, il voulait lui faire mal. Comme ça, sans aucune provocation particulière. Cette phrase lui avait échappé, avec une étincelle vicieuse, sans qu’il puisse la contenir.
Son oncle expira profondément et ne répondit rien. Pourtant, Zuko avait remarqué le léger tressaillement de ses traits, cette infime contraction de son front ; une tension involontaire, alors qu’Iroh semblait vouloir contenir ce qui bouillonnait à l’intérieur.
L’avait-il mis en colère ? Voilà qui serait étonnant. Zuko ne pensait pas qu’Iroh se souciait suffisamment de l’opinion d’Ozai à son égard, pour que cela puisse le blesser.
Mais il n’aurait pas dit ça s’il était réellement persuadé que cela ne lui ferait rien, réalisa-t-il soudain.
Zuko se rappelait encore très bien de l’expression dévastée d’Iroh, quand trois ans plus tôt, il était revenu de Ba Sing Se avec le cadavre d’Ozai dans sa suite. Son oncle avait littéralement abandonné le siège de la ville, sans aucune raison rationnelle. Ils avaient percé les murailles censées être infranchissables. Ils auraient dû continuer. Ils auraient dû gagner. Et pourtant, Iroh avait tout laissé tomber.
Ça n’avait aucun sens. Il restait sur sa position : Iroh et Ozai se détestaient. À quoi ça servait de regretter quelqu’un qu’on n’avait pas su apprécier de son vivant ? Zuko était intimement persuadé qu’il y avait une part de comédie, d’hypocrisie sociale. Ils étaient frères et Ozai était mort en héros. Pire encore, Zuko étant le fils du dit héros, Iroh ne pouvait décemment pas lui déclamer toute la profondeur du dégoût qu’Ozai avait semblé lui inspirer depuis toujours.
Pourtant, une partie de lui savait que sa théorie ne tenait pas. Le retour d’Iroh, après Ba Sing Se, avait été particulièrement mal accepté par leur nation et par la Cour. Le général avait perdu son aura et son influence. Même le Seigneur du Feu semblait, depuis lors, se comporter différemment avec lui. On murmurait qu’Iroh était en deuil, que la mort de son unique frère l’avait détruit, qu’il n’était pas digne d’héritier du trône de leurs ancêtres. Iroh ne parlait jamais d’Ozai ; pourtant le seul chagrin qu’il avait semblé éprouver pendant une unique période de deux ou trois mois avait suffi à le rendre faible aux yeux de tous.
Faible, si faible…
Encore une fois, Zuko ne comprenait pas. C’était si confus et contradictoire. Mais, pensa-t-il amèrement, il n’avait jamais réellement compris le pourquoi du comment des agissements des autres. Les pensées de sa propre famille resteraient à jamais un mystère irrésolu.
Un sourire étrange passa sur les lèvres de son oncle. Un sourire qui se voulait sans doute bienveillant, mais qui restait beaucoup trop crispé pour être franc.
- Je devrais peut-être te laisser te reposer. Le médecin a dit qu’il fallait que tu dormes. Beaucoup. Et que tu évites de trop t’agiter.
Zuko lui adressa un regard perplexe.
- Et après ? Qu’est-ce que vous comptez faire ? J’ai utilisé ma maîtrise devant une bonne dizaine de témoins. En supposant que vous vous soyez au courant, vous allez me dire que c’était le cas de mes hommes ? Ou encore de l’Avatar ?
- C’était effectivement le cas de ton équipage, répondit Iroh de son habituel ton tranquille. Et je peux t’assurer qu’aucun rapport officiel ne parlera d’une quelconque utilisation de la maîtrise de l’Air en public.
Zuko hocha vaguement la tête, plus par automatisme que par conviction. Rassuré, voilà ce qu'il était censé être. Mais les mots d’Iroh n'étaient que des sons, creux, dénués de sens avant même d'avoir été prononcés. Pourquoi est-ce que son oncle ou des soldats de la Nation du Feu mentiraient pour lui ?
- Ça ne change rien. Ces gamins, eux, parleront. De toute façon, ce n’est pas le problème. Je suis sûr que la seule personne au monde qui ne devait surtout apprendre la survie des maîtres de l’Air, c’était l’Avatar !
Iroh avait de nouveau l’air léger et serein. La tension ou le ressentiment que le vieil homme avait pu éprouver semblait s’être envolé.
- Certes, lui dit-il avec un calme déroutant. Mais je peux t’assurer qu’officiellement, tu n’y es pour rien.
Tout cela lui semblait bien vide, déconnecté de la réalité. Zuko avait du mal à y croire. Ça paraissait trop facile.
Son oncle ne se laissa pas déstabiliser par sa froideur. Son sourire ne faiblit pas, quand il lui dit avec une douceur infinie :
- Repose-toi… Nous en reparlerons demain d’accord ?
Il mentait. Il mentait, c’était évident.
Ce ne fut que quand son oncle referma la lourde porte de métal derrière lui, que Zuko s’autorisa à céder à la panique. Bien sûr qu’il mentait. Iroh n’avait aucun intérêt à le couvrir. Est-ce qu’ils attendaient tous qu’il dorme pour le tuer dans son sommeil ? Non, non, non. Ça n’avait aucun sens. Ils n’auraient eu qu’à l’assassiner quand il avait perdu connaissance. Est-ce qu’ils étaient plutôt en route vers la Nation du Feu pour son exécution ?
Quand Iroh revint le lendemain matin, Zuko était à bout. Il n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Il était resté allongé des heures sur son lit, le regard fixé sur le plafond, les pensées tournant en boucle dans sa tête. Il sentait la fatigue lui brûler les yeux, mais ses nerfs restaient tendus, électriques.
Il devait accepter sa punition, quelle qu'elle soit.
Il avait pensé un instant profiter de l’obscurité de la nuit pour s’enfuir, mais il en avait été physiquement incapable. Non pas à cause de sa tête qui le faisait toujours souffrir ; non, c’était autre chose.
Encore une fois, son corps avait refusé de lui obéir. Comme quand Azulon s’était approché de lui, qu’il avait compris que son grand-père allait le blesser ou pire, et qu’il n’avait pas bougé. Ou comme à chaque fois que les instructeurs du camp s’en prenaient à lui. Zuko était incapable de bouger. Il ne comprenait pas pourquoi. Il n’avait jamais compris pourquoi. C’était assez récent, à y repenser. Quand il était jeune et qu’Ozai le punissait, Zuko criait un minimum à chacun des coups qu’il recevait. Et un jour, le jeune prince avait arrêté ; comme ça, sans raison. Il avait cessé de crier et de se débattre.
Mais il y avait une certaine logique. Il avait mérité chacun de ces coups. Alors à quoi bon se défendre ou même déranger les autres avec ses cris ? Il avait été trop faible, pas assez bon élève. Il avait manqué de respect au Seigneur du Feu. Et aujourd’hui, il avait mis toute leur nation en danger en révélant son secret à l’Avatar.
Il méritait tout le mal qu’on pourrait lui faire.
Pourtant, quand Iroh rentra à nouveau dans sa cabine, il avait l’air comme à son habitude. Toujours aussi enjoué. Aurait-il eu la même tête s’il s’apprêtait à livrer Zuko à ses bourreaux ? Non, peut-être pas. Son hypocrisie n’allait pas jusqu’à là.
Les sourcils du vieil homme se rapprochèrent en un pli soucieux.
- Zuko, est-ce que ça va ? Tu as l’air pâle…
Il s'assit à nouveau à ses côtés dans le lit. Zuko, toujours incapable de bouger, n’eut cette fois-ci aucun mouvement de recul quand son oncle posa une main inquiète sur son front, avant de sembler vérifier ses bandages.
- Je vais appeler le médecin… Commença-t-il en se relevant, avant que Zuko ne reprenne brusquement le contrôle de ses cordes vocales.
- Ça va, mon oncle, croassa-t-il alors, avant de s’efforcer de lever le bras pour serrer brièvement celui du vieil homme. Ça va aller. J’ai juste… mal dormi.
Iroh le fixa, dubitatif. Et Zuko tenta un maigre sourire rassurant. Non, pas le médecin. Pas d’autres personnes. Il voulait que son oncle s’en aille. Il voulait juste rester seul.
- Je vous dis que tout va bien, dit-il un plus fermement.
Il réussit soudain à bouger le reste de son corps et se mit debout, avec une expression triomphante sur le visage.
- Vous voyez ? Pas besoin de s’inquiéter !
Il fallait qu’il se relève, de toute façon. Qu’importe ce qui allait lui arriver aujourd’hui ou les prochains jours, il était hors de question qu’il reste blotti dans son lit comme un gamin terrorisé.
Iroh sembla hésiter un bref instant, avant de se raviser.
- Parfait. Quelle excellente nouvelle ! Tu vas pouvoir descendre avec moi au port de Ketu. Ça te fera du bien.
- Le port de Ketu ? Répéta Zuko, sans comprendre. Qu’est-ce qu’on irait faire dans une de nos bases du Royaume de la Terre ?
- Ah, c’est vrai. Tu n’as pas encore eu le plaisir d’admirer l’état de notre bateau...
Le vieil homme laissa échapper un petit rire, comme si tout ceci avait quelque chose de drôle.
- Je suis même surpris qu’on ait réussi à atteindre Ketu, poursuivit-il, toujours aussi gaiement. L’équipage et moi-même avons bien cru rester piégés dans les glaciers du Pôle Sud.
Zuko avait encore quelque peu mal à la tête, mais sa vision était nette et il réussissait à marcher droit. C’était tout ce qu’il demandait : ne pas paraitre diminué.
Ketu était un port strictement militaire, perdu au milieu des montagnes. Zuko n’était pas sûr à quel moment cette promenade était censée être divertissante. Iroh, lui, paraissait penser exactement l’inverse. Il déblatérait sans fin, sur des sujets dénués d’intérêt, alors qu’ils avançaient tous deux le long du quai.
On n'allait pas l’exécuter aujourd’hui finalement, pensa le jeune homme tout en écoutant son oncle d’une oreille distraite. Ils allaient réparer leur bateau et ils iraient traquer l’Avatar. Comme cela était prévu à la base. Rien n’avait changé.
Mais bien sûr, c’était trop beau pour durer et l’illusion prit fin quand Zuko reconnut l’homme en armure qui avançait vers eux d’un pas rapide.
- Prince Zuko, l’appela celui-ci avec sa froideur habituelle.
- Capitaine Zhao, grinça Zuko, entre ses dents serrées.
L’expression interrogative de son oncle semblait indiquer que ce n’était pas un piège ; il n’avait même pas l’air au courant de l’identité de l’officier qui les rejoignait.
- C’est Commandant Zhao maintenant, répliqua l’homme d’un air narquois. Je dirige ce port.
Voilà qui était surprenant. Zuko ignorait que ses semblables pouvaient monter aussi haut dans la hiérarchie militaire normale.
Mais après tout, lui avait eu la chance d’hériter des yeux jaunes de leur nation. Il n’avait pas ce maudit regard gris, qui avait tendance à éveiller un rejet inconscient de la part de leurs concitoyens. Il pouvait faire plus illusion que Zuko ne le pourrait jamais.
Ce satané hypocrite s’inclina alors profondément devant son oncle.
- Honorable Général Iroh, grand héros de notre nation.
Le vieil homme lui rendit son salut, en inclinant très légèrement la tête, mais avec un grand sourire chaleureux.
- Général oui, mais à la retraite.
- Le fils et le petit-fils du Seigneur du Feu seront toujours les bienvenus ici, continua Zhao avec une solennité que Zuko ne lui connaissait pas. Mais puis-je savoir ce qui vous amène ?
- Notre navire a besoin d’être réparé, lui répondit Iroh, en désignant l’espèce de carcasse métallique et fumante qui tenait à présent difficilement debout.
- Les dégâts semblent très importants, fit le Commandant avec une grimace.
Il adressa un regard en coin à Zuko. Un regard profondément suspicieux. Comme s’il savait quel genre de maitrise avait pu créer de tels dégâts.
Ce qui était en soit totalement injuste. L’Avatar avait également utilisé l’eau.
- C’est vrai. Vous ne croirez jamais ce qui nous est arrivé, commença Zuko, avant de se taire de trop longues secondes.
Il n’avait pas réfléchi à ce qu’il était censé dire si on lui posait des questions. Naïvement, il s’était contenté de se montrer en public en espérant qu’aucun détail de cette histoire ne remonte aux oreilles de quiconque.
- Mon oncle, veuillez dire au Commandant ce qu’il s’est passé.
Iroh sembla à son tour pris au dépourvu :
- Oui… Je vais tout vous dire. Il est arrivé une chose incroyable. Quoi ? On a heurté quelqu’un, c’est ça ?
Le vieil homme se tourna vers lui, comme pour le supplier de continuer.
- Oui, oui, c’est ça, poursuivit Zuko avec un manque de naturel flagrant, même à ses propres oreilles. On a éperonné un navire du Royaume de la Terre.
- Ça alors, leur répondit Zhao, d’un ton de plus en plus ironique. Je meurs d’envie d’en apprendre davantage ! Vous avez une vie… trépidante.
Il se pencha alors vers Zuko, un sourire mauvais aux coins des lèvres.
- Et si nous prenions un verre ?
Ce n’était pas une question. Zuko savait qu'il ne pourrait pas échapper à un interrogatoire poussé. L’important maintenant, c’était de se montrer suffisamment convaincant pour que cette affaire ne remonte pas jusqu’aux oreilles du Seigneur du Feu.
Notes:
Merci à vous tous d'avoir lu, laissé des kudos ou des commentaires ! Vous êtes vraiment top !
A lundi prochain pour la suite !
Chapter Text
Zuko avait toujours détesté Zhao, d’aussi loin qu’il s’en souvienne. De son point de vue, c’était l’un si ce n’est le plus vicieux des adultes présents au camp. Les autres étaient souvent violents, mais ils ne semblaient pas prendre plaisir à faire du mal, contrairement à ce vieux salopard.
Les souvenirs de ses entrainements lui revenaient, comme une vague de boue qui menaçait de l’engloutir, alors que Zhao déclamait des informations que Zuko n’écoutait que d’une oreille distraite.
- … Et avant la fin de l’année, la capitale du Royaume de la Terre sera sous notre autorité. Et le Seigneur du Feu sortira finalement victorieux de cette guerre.
Toujours les prévisions optimistes et même complètement hors-sol de quelques conseillers militaires flagorneurs, aveuglés par leur propre propagande. Ces hommes peignaient toujours une situation plus brillante qu’elle ne l’était, incapables de reconnaître les dangers qui se profilaient. Chaque rapport, chaque réunion s'enchaînait sur le même ton rassurant ; des plans étaient soigneusement bâtis sur des hypothèses irréalistes. Zuko était persuadé, qu’à terme, ça finirait par causer de sérieux problèmes. Depuis plusieurs années, les hauts-gradés s’étaient mués en courtisans, plus soucieux de plaire au Seigneur du Feu, que de gagner cette guerre.
Par contre, une telle attitude venant de Zhao le surprenait. Ozai n’avait jamais encouragé, ni même toléré, cette posture. Sous-estimer leurs ennemis, les réduire à des caricatures simplistes ou les considérer comme des obstacles mineurs, c’était courir droit vers la catastrophe. Zhao, qui se conformait autrefois parfaitement aux exigences de son général, semblait avoir bien changé en trois ans.
Zuko se demanda si c’était le cas de tous les autres. L’armée de maîtres de l’Air, que son père avait pris tant d’années à bâtir et à rendre invincible, avait été démantelée après Ba Sing Se sur ordre du Seigneur du Feu. Est-ce qu’ils étaient tous devenus des complets abrutis ne se battant plus que pour leurs propres intérêts, plutôt que ceux de leur noble nation ?
- Si mon grand-père pense que cela se passera aussi facilement, dit le jeune homme d’un air sombre. Alors il est devenu fou.
Zhao quitta enfin sa contemplation de la carte du monde et alla s’asseoir à côté de lui :
- Une année en mer ne vous a pas appris à modérer vos paroles.
Zuko n’était pas sûr s’il s’agisse d’une menace ou d’une réaction amusée. Après tout, Zhao le fixait à présent comme s’il était la chose la plus divertissante qu’il lui ait été donné de voir.
- Dites-moi, poursuivit le cinquantenaire, avec une expression narquoise. Vous semblez toujours à la recherche de l’Avatar.
- Je ne l’ai pas encore retrouvé, répondit le jeune homme, d’une manière aussi détachée que possible.
Il était hors de question que Zhao soit au courant. Aux vues de son comportement actuel, il était évident qu’il utiliserait le retour de l’Avatar pour le bien de sa carrière. Et Zuko n’avait pas besoin de plus de complications à ses propres projets.
- Parce que vous pensiez vraiment y arriver ? Sembla s’agacer Zhao. Mais l’Avatar nous a quitté il y a un siècle, en même temps que tous les Nomades de l’Air.
Zuko s’efforça de conserver au maximum une expression neutre. Il n'était pas crédible ; il le sentait jusqu’à l’intérieur de ses tripes. Ozai avait toujours dit de lui qu’il était incapable de mentir correctement, même pour sauver sa propre vie. Et aujourd’hui n’était pas différent des autres jours. Car le visage de Zhao s’illumina brusquement :
- À moins qu’aujourd’hui vous puissiez prouver que l’Avatar est encore en vie ?
Zuko détourna aussitôt son regard de celui du Commandant, espérant en vain qu'il arrête de lire en lui comme dans un livre ouvert. Bien évidemment, cela ne fit que le rendre plus suspect encore quand il répondit :
- Non. Navré.
- Prince Zuko, lui dit Zhao avec une soudaine agressivité, à peine contenue. L’Avatar est le seul à pouvoir empêcher la Nation du Feu de remporter cette guerre. S’il vous reste ne serait-ce qu’une once de loyauté, vous devez me dire ce que vous savez.
- Je vous le répète, répliqua Zuko. Je ne sais rien.
Le mensonge sortit de sa bouche comme du plomb, lourd et maladroit. Chaque mot trahissait un peu plus son manque de crédibilité, mais Zuko s'y accrochait. Pourquoi fallait-il qu’il soit aussi mauvais ? Son père lui avait toujours reproché cette incapacité à cacher ce qu’il ressentait, à manipuler comme le ferait un vrai stratège.
- Vous l’avez dit vous-même, s’acharna-t-il pourtant. L’Avatar est probablement mort depuis longtemps.
Zuko se dit qu’il en avait assez et il se releva de son siège, prêt à rejoindre son oncle et son équipage sur leur bateau. Alors qu’il s’apprêtait à sortir de la tente, un choc métallique le stoppa net. Deux lances croisées barrèrent son chemin, les pointes brillantes juste sous son nez.
Un troisième soldat entra alors dans la tente et annonça, en tendant ce qui ressemblait à un rapport :
- Commandant Zhao ! Nous avons interrogé l’équipage, comme vous l’aviez demandé. Ils ont confirmé que le prince Zuko avait arrêté l’Avatar, mais l’a laissé s’échapper.
Zuko ressentit un bref sentiment de trahison, remplacé bien vite par une étincelle de soulagement. Ils avaient bel et bien gardé le silence à propos de son utilisation irréfléchie de la maîtrise de l’Air. C’était le plus important.
Il comprit soudain pourquoi Zhao avait parlé tant de temps de sujets militaires dénués d’intérêt. Cette ordure avait cherché à le distraire, pendant qu’il envoyait ses sous-fifres enquêter sur lui.
Il entendit un bruissement derrière lui, alors que Zhao prenait connaissance des informations contenues dans le rouleau qu’on venait de lui apporter. Et puis soudain, Zuko pu sentir le regard triomphant de l'homme peser sur lui, dans son dos, comme s'il savourait chaque seconde de ce moment où il le tenait en son pouvoir.
- Laissez-nous, ordonna alors l’homme aux trois soldats qui obéirent sans discuter.
Zuko jeta un coup d'œil vers la sortie, la toile de la tente se balançant légèrement sous le vent. Pendant un court instant, il se vit attaquer Zhao. Pas avec sa maîtrise, non ; il eut la brusque envie de se retourner et d’abattre son poing sur le visage suffisant du Commandant. Pourtant le jeune homme réussit à garder son calme. Zhao était plus fort que lui ; Zuko se souvenait encore très bien de quoi il était capable.
- Tu l’as « laissé s’échapper » ? Gronda le plus vieux, toujours derrière lui. Un gamin de douze ans, selon ton équipage ? Ai-je raté quelque chose ou est-ce que ton cher père a engendré un faible ?
Oublié le vouvoiement, oublié ses titres ; comme à chaque fois qu’ils se retrouvaient entre eux. Personne ne l’appelait « prince Zuko » au camp. N’importe qui pouvait se permettre de le tutoyer, même les gens aux origines modestes tel que Zhao. Le respect se mérite. Et Zuko n’avait jamais rien accompli.
Zuko pivota aussitôt, brusquement enflammé par la rage.
- Ne parlez pas de mon père !
- Oh, j’ai touche un point sensible, on dirait, répondit Zhao, alors qu’un un sourire froid et calculateur se dessinait sur ses lèvres.
Zuko voulait hurler, frapper, mais il restait planté là, en proie à une lutte interne. Ça ne servait à rien de s’énerver. Il ne pouvait pas s’énerver. C’était exactement ce que Zhao voulait. S’il utilisait sa maîtrise de l’Air ici, c’était un homme mort. Zhao aurait l’excuse parfaite pour l’exécuter et même pour tuer d’autres soldats innocents au passage. Et si Zuko le frappait ou se battait avec lui de façon plus physique, il était sûr de perdre. Le jeune prince se souvenait encore très bien des coups que son ancien instructeur lui avait expédié durant son adolescence, et il n’était pas sûr de vouloir y re-goûter.
Zhao plissa les yeux ; son sourire mauvais s'élargissant au fur et à mesure qu'il voyait la colère bouillonner chez Zuko. Il tourna lentement autour du jeune prince, l'observant à la manière d’un prédateur jaugeant sa proie avant de porter le coup fatal.
- Tu ressembles tellement à ton père, Zuko, dit-il d'une voix doucereuse, presque pensive. Trait pour trait, vraiment. C’est fascinant. On pourrait croire qu'il est encore là, devant moi.
Zuko sentit un frisson lui traverser l'échine, alors qu’une vague d’émotions contradictoires s'élevait en lui. On le lui avait déjà dit. Il avait à chaque fois du mal à y croire. Il voyait certes une certaine ressemblance quand il se regardait dans le miroir, mais parler de portrait craché était exagéré. Pourtant, tous les gens autour de lui semblaient s’entendre sur ce point. Il se souvenait encore des exclamations stupéfaites des courtisans, quand il était rentré au palais après la mort d'Ozai.
Il savait que venant de Zhao, ce n’était pas un compliment.
- Mais la ressemblance s'arrête là, n’est-ce pas ? Une fois qu’on gratte la surface, il n’y a plus rien. Rien que de la faiblesse.
Ça, Zuko le savait déjà. Ozai était fort, puissant dans tous les sens du terme, quand lui ne l’avait jamais été. Il ne lui viendrait même pas à l’esprit de se comparer à son père. Donc Zuko se dit que les mots de Zhao ne l’atteignaient pas. Mais soudain, il prit conscience de son corps. Ses mâchoires étaient tellement serrées que ses dents grinçaient ; et ses poings, crispés à s’en blanchir les jointures, tremblaient légèrement. Il ne s’était même pas aperçu de la tension qui s’était emparée de lui.
- J’aurais probablement été meilleur, lâcha-t-il brusquement. Avec un professeur digne de ce nom.
Les mots avaient fusé, chargés d’une agressivité qu’il n’était pas sûr d’assumer. C’était une attaque directe contre l’homme face à lui, mais à cet instant il s’en fichait.
Zhao se figea, surpris semble-t-il par la pique inattendue de Zuko. Mais très rapidement, une expression méprisante refit son apparition sur le visage du plus vieux.
- C'est donc là ta seule excuse, Zuko ? Peut-être que si tu étais aussi doué que tu sembles le croire, tu n'aurais pas autant de mal à faire tes preuves.
Zhao fit un pas vers lui, se rapprochant juste assez pour que sa présence devienne oppressante.
- Tu as été vaincu par un enfant, élevé par les Nomades de l’Air et leurs principes ridicules. Si tu n’es pas capable de tuer un être aussi faible, je ne sais pas ce que tu espères accomplir dans ce monde.
Zuko savait que Zhao avait raison. S'il n’avait pas hésité, ne serait-ce qu’un instant, il aurait pu le vaincre et finir sa mission. Et pourtant, il avait flanché. Il tenait l’Avatar en respect, il était sur le point de lui trancher la gorge et il avait échoué. Mais ça, Zhao l’ignorait. Il n’était pas là quand c’était arrivé et il était hors de question que Zuko accepte de se laisser humilier par quelqu’un tel que lui.
Son regard se mit à fixer un point invisible, comme s'il pouvait garder sa rage à distance simplement en refusant d'y céder.
- Je l’ai sous-estimé, finit-il par lâcher d’une voix hachée, brisée par la crispation qui étreignait sa gorge. Mais ça n’arrivera plus.
- Non, en effet, rétorqua Zhao. Puisque tu n’auras pas de seconde chance.
Non, non, non. Il ne pouvait pas lui faire ça. Il n’avait pas le droit…
- Le Seigneur du Feu m’a ordonné de poursuivre l’Avatar, s’exclama Zuko avec un début de panique palpable. Je le traque depuis plus d’un an et…
- ET TU AS ÉCHOUÉ ! Explosa alors son ancien instructeur.
Il leva la main et l’abattit violemment sur le visage de Zuko.
Le jeune homme vacilla sous l'impact, perdit l’équilibre et s’effondra lourdement au sol. Le choc résonna dans son crâne, déjà fragilisé. Il ne bougea pas. Il resta là, allongé, le souffle coupé, son œil valide ouvert sur le sol poussiéreux.
- La capture de l’Avatar est bien trop importante pour laisser ça à un adolescent, poursuivit Zhao toujours aussi furieux au-dessus de lui. Je vais m’en charger.
Il ne pouvait pas le laisser faire. Sans l'Avatar, il n'avait rien. Le Seigneur du Feu lui avait explicitement dit que c’était la seule et unique chose qui lèverait son bannissement. Et même si Zuko savait très bien qu’à la base c’était une manière de se débarrasser définitivement de lui, sans mettre les vrais mots dessus ; aujourd’hui tout était différent. L’Avatar était de retour. Et lui avait une véritable chance de prouver sa valeur. S’il capturait l’Avatar, son grand-père n’aurait pas d’autres choix que de lui donner des responsabilités militaires. Et alors, Zuko deviendrait enfin le grand général qu’il était toujours censé être.
Alors, Zuko inspira profondément. Et lentement, presque péniblement, il se releva.
Toujours à genoux, il osa défier du regard son ancien instructeur, avant de tenter un pathétique :
- Je sais où est l’Avatar. Je connais ses tactiques.
Zhao éclata alors d’un grand rire gras, comme si c’était la chose la plus ridicule qu’il n’ait jamais entendu :
- Tout le monde sait où est l’Avatar ! Il est censé suivre la logique du cycle dans son apprentissage. C’est un maître de l’Air, il doit donc absolument apprendre la maîtrise de l’Eau. Tu l’as aperçu au Pôle Sud, où il n’existe plus le moindre maître depuis des décennies. Il va donc se rendre au Nord. Qu’est-ce que tu pourrais m’apprendre de plus en l’ayant à peine croisé quelques heures ?
Zuko fit alors un choix. A contrecœur, il inclina son buste vers l’avant. Il planta ses mains à plat sur le sol, puis il se laissa tomber plus bas, jusqu’à ce que son front touche la terre battue. La poussière s’infiltra dans ses narines, et l’humiliation mordit chaque parcelle de son être.
- S’il vous plait, Maître, laissez-moi partir avec vous.
Pas un bruit ne s’échappa des lèvres de Zhao, pas un geste ne trahit ses pensées. Ce silence dura quelques secondes, mais pour Zuko, chaque battement de cœur résonnait comme une éternité. Il n’osait pas lever les yeux, pas encore. Il restait immobile, le front collé contre la terre, attendant une réponse, une réaction, n'importe quoi.
- Relève-toi, finit par ordonner Zhao d’un ton brusque, dédaigneux et même dégoûté.
- S’il vous plait, insista Zuko, la tête toujours contre le sol froid. C’est vrai, vous avez raison, j’ai échoué à capturer l’Avatar. J’ai été faible. J’ai besoin que vous me guidiez, comme avant.
- Et pourquoi ferais-je une telle chose ? Fit Zhao avec une quasi-haine dans la voix.
- S'il vous plaît, Commandant, souffla le plus jeune, la gorge nouée. Je veux me battre ! Tout ce que je demande, c’est de pouvoir servir les intérêts de notre noble nation. Je sais que j’ai échoué, que j’ai été indigne de l’héritage de mon père. Mais je veux me racheter. Vous pouvez garder toute la gloire et tout le prestige. Vous le méritez, de toute manière. Vous êtes plus fort, plus expérimenté. Vous êtes un maître dans l’art du combat.
Sa voix devint plus intense, plus désespérée :
- Je ne veux même pas rentrer au palais. Vous savez très bien que si je retourne là-bas, je n’aurais plus jamais le droit d’aller sur le champ de bataille. Et ce n’est pas ce que je veux. Je ne peux pas retourner à cette vie de médiocrité, à cette existence sans but. Laissez-moi une chance, une seule chance de vous montrer que je peux être à la hauteur. Vous pouvez m'utiliser comme vous le souhaitez, j’obéirais à tous vos ordres ; mais laissez-moi vous suivre… Je vous en supplie.
Zuko n'osait toujours pas se relever. Il attendait la réponse de son ancien instructeur avec appréhension.
Le Commandant finit par rompre le silence.
- Te battre pour notre nation, hein ? Très bien, peut-être qu’effectivement ton entrainement a été arrêté trop tôt et qu’avec un peu plus de travail, tu pourrais être enfin digne de ce qu’on attend de toi.
Zuko se redressa légèrement, à la fois surpris et soulagé. Au-dessus de lui, Zhao ne laissait apparaitre qu’un rictus froid.
- Ne t’imagine pas une seconde que tes beaux discours m’ont impressionné. Tu veux être un soldat ? Parfait. Mais sois bien conscient d’une chose, Zuko : je n’ai ni le temps, ni la patience pour les faibles. Si tu échoues à nouveau, je te tuerais de mes propres mains.
Zuko se remit lentement debout, tout en conservant la tête et les épaules baissées dans une position de soumission qui l’enrageait intérieurement.
- Oui, Commandant, murmura-t-il. Je ne vous décevrai pas.
Zhao le fixa une seconde de plus, comme s’il cherchait à évaluer la sincérité de ses paroles, avant de se détourner avec un geste de dédain.
- J'espère bien, Zuko. Dans ton propre intérêt.
Il avait réussi, réussi ! Zuko avait encore du mal à y croire. Son esprit retournait la situation dans tous les sens. Ça avait été trop facile. Ce n’était pas normal. Zhao l’avait toujours profondément méprisé. Zuko ne pouvait qu’espérer que ses flatteries aient atteint leur but et que son vieux professeur n’empoisonnerait pas sa nourriture à la première occasion.
Son père lui avait un jour dit que s’il n’était pas capable de créer un mensonge cohérent, il devait incorporer des éléments réels pour le rendre plus consistant. À chaque fois que Zuko avait essayé de tordre totalement la vérité, cela finissait par se retourner contre lui. Là, concrètement, il n’avait fait que lâcher tout ce qu’il avait sur le cœur. Il s’était juste bien gardé de préciser qu’il voulait regagner l’estime du Seigneur du Feu. Il valait mieux qu’une vie de simple courtisan, certes ; mais plus encore, il méritait mieux que cette vie de renégat. Il ne voulait pas rentrer au palais, mais il reviendrait dans leur nation. Il n'avait totalement menti que sur un point : il ne laisserait pas tous les honneurs à Zhao. Jamais.
Mais Zhao avait des moyens que lui n’avait pas. Ce n’était pas avec son pathétique équipage d’une trentaine de personnes qu’il réussirait à venir à bout de l’être le plus puissant de la planète, ainsi que de tous ses alliés potentiels. La Tribu de l’Eau et le Royaume de la Terre allaient sauter sur l’occasion pour essayer de reprendre l’avantage ; c’était évident.
S’il voulait capturer l’Avatar, Zuko devait se résoudre à faire quelques concessions.
Pourtant, son oncle ne semblait pas partager son enthousiasme quand Zuko lui annonça sa décision, une fois de retour sur leur bateau.
Le vieil homme passa une main soucieuse sur sa joue, qui commençait déjà à gonfler. Zuko avait oublié ce petit détail.
- Qui t’a fait ça, mon neveu ? Demanda Iroh, avec une lueur au fond de ses yeux ambrés que Zuko ne sut pas identifier.
- Ça ne me fait pas mal, s’empressa de préciser le jeune maître de l’Air, en se dégageant un peu trop vivement.
Le Dragon de l’Ouest resta silencieux quelques instants, avant de demander d’un ton dangereusement calme :
- Est-ce que le Commandant Zhao t’a forcé à le rejoindre ?
Encore une fois, Zuko n’était pas sûr de complètement comprendre la chose difficilement contenue, qui faisait très légèrement trembler la voix de son oncle. Il semblait en colère. Et Zuko n’appréciait pas les sous-entendus qu’il percevait ici.
- Zhao n’est pas en capacité de me forcer à quoique ce soit ! S’emporta le jeune homme, furieux. C’est moi qui lui ai demandé ! Et il a accepté ! C’est tout !
Il n’était pas faible ! Comment est-ce qu’Iroh osait seulement… ?
Zuko tourna brusquement des talons.
- Je suis juste revenu chercher quelques affaires. Vous pouvez retourner à Caldera. Je suis sûr que Lu Ten et Azula seront ravis de vous revoir. Votre mission de surveillance est terminée !
Notes:
J'espère que ce chapitre vous a plu ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé. Merci de continuer à suivre cette histoire et à lundi prochain !
Chapter Text
Zuko n’avait pas le luxe de choisir ses alliés.
Le Commandant Zhao avait une centaine de navires sous ses ordres ; donc des milliers de soldats, tant non-maîtres que maîtres du Feu.
Mais, ce n’était pas tout. Zuko eut la surprise de recroiser plusieurs maîtres de l’Air qu’il n’avait pas vu depuis des années. Étrange. Après le fiasco de Ba Sing Se, le Seigneur du Feu n’avait pas nommé d’autre général pour les diriger. Il les avait au contraire éparpillé un peu partout, dans les différents corps d’armée et de marine ; jamais trop au même endroit. Et pourtant, Zhao avait un nombre respectable des leurs sous ses ordres.
Zhao était-il suffisamment frondeur pour oser s’opposer à des ordres directs, lui qui était si lèche-botte ? Non. Sûrement pas. Zuko devait ignorer certaines choses. Et au fond, ça ne serait pas très étonnant. On l’avait toujours tenu à l’écart de la politique quand son père était encore en vie ; son isolement forcé, d’abord à la Cour puis dans son exil, n’avait rien arrangé.
Et personne ne chercha à lui expliquer quoi que ce soit.
Zuko se dit qu’il valait mieux ne pas trop poser de questions. Ce n’était pas important pour le moment. Mais il ne pouvait pas s’empêcher d’être amer. Ozai lui avait promis à lui, Zuko, qu’il dirigerait un jour leur armée. Et c’était quelqu’un d’aussi inapte que Zhao qui avait obtenu ce qui se rapprochait le plus de ce privilège.
Il fallait qu’il repousse au maximum ce genre de pensées parasites. Ce n’était ni le moment ni l’endroit. Pas face à quelqu’un comme Zhao, attentif au moindre signe de rébellion. Il ne pouvait pas se permettre de faire d’erreur.
Zhao, justement, l’avait convié à un entrainement informel sur le pont de leur bateau. Ils étaient au milieu de nulle part, au sein d’un équipage composé exclusivement de leurs semblables. Il serait dommage de s’en priver, n’est-ce pas ? Le Commandant disait également vouloir vérifier ses capacités. Après tout, il avait passé les trois dernières années à devoir dissimuler sa maîtrise, sans pouvoir l’utiliser de manière régulière ; il était donc hautement improbable qu’il ait réussi à conserver un niveau satisfaisant.
Le vent froid et salé de la haute mer fouetta le visage de Zuko, alors qu’il avançait d’un pas raide vers son ancien instructeur. L’homme, qui l’attendait déjà, lui adressa un sourire carnassier :
- Voyons voir si tu t’es ramolli…
Le premier coup fut rapide, presque inattendu. Zhao balança une rafale d'air si brutale que Zuko n'eut qu'un instant pour lever les bras en croix et parer. Le choc le projeta en arrière, il recula de plusieurs pas, mais resta debout. Pas le temps de souffler : Zhao ne le lâcha pas. Une autre bourrasque et Zuko vola sur plusieurs mètres avant de s'écraser brutalement.
Il se redressa en un éclair, ses mains plaquées derrière son crâne pour propulser son corps vers l'avant, projetant du même coup un jet d’air à l’aide de ses jambes ; mais Zhao l'esquiva sans effort. Puis, la riposte siffla, fila, droit sur lui. Zuko plongea sur le côté, juste à temps pour éviter l'impact ; une détonation retentissante déforma le métal à quelques centimètres de lui. Un frisson lui parcourut l'échine, en imaginant ce que cela aurait pu lui faire s’il avait été touché.
Chaque assaut de Zhao était plus violent que le précédent. Le plus vieux semblait se délecter de la difficulté croissante que rencontrait son élève à esquiver et riposter. Zuko contre-attaqua avec une énergie redoublée, mais chaque coup ne faisait qu’amplifier l’intensité de la tempête que Zhao déchaînait sur lui.
Les assauts cinglants de Zhao lui meurtrissaient la peau, ses muscles hurlaient à chaque mouvement, mais Zuko s’en moquait. Il avait cessé de penser. Pas de haine, pas de colère. Juste de l’excitation viscérale. Juste la volonté de gagner.
Zhao frappait encore, plus fort, plus vite, et Zuko commençait à répondre avec exaltation. Ses propres gestes devenaient plus fluides, plus agressifs. La morsure du vent, les impacts qui résonnaient dans ses muscles tendus, tout cela le galvanisait.
Zuko projeta une boule d'air, que Zhao esquiva aisément en pivotant sur le côté. Et en à peine une fraction de seconde, avant même que Zhao ait eu le temps de complètement se retourner, Zuko réattaqua.
La rafale d’air frappa brutalement Zhao en plein torse, et il n’eut pas le temps de se stabiliser. Il fut littéralement soulevé du sol, emporté par la puissance de l’impact. Son corps bascula en arrière, projeté avec une telle force qu'il glissa sur plusieurs mètres, avant de s’écraser lourdement.
Zuko resta figé un bref instant, stupéfait. Il avait réussi à le toucher. Il l’avait fait. Pour la première fois, Zhao avait été pris de court et n’avait pas pu suivre.
Un éclat de satisfaction pure traversa Zuko ; une étincelle de joie mauvaise à la vue de cet homme, toujours si arrogant et sûr de lui, étalé par terre.
L’expression de stupéfaction sur le visage de son ancien instructeur, toujours au sol, ne dura qu’un instant, mais elle suffit à Zuko pour savourer pleinement sa victoire momentanée.
Zhao finit par se redresser, lentement. Zuko, s’attendant à une réaction de fureur, se mit sans se rendre compte en position défensive. Mais rien ne vint. L’expression de Zhao ne trahissait ni colère ni frustration. Il ne prononça aucun mot, pas une félicitation, ni un reproche. Cela finit par mettre le jeune prince mal à l'aise. Ce n’était pas normal. Ça ne pouvait pas se terminer aussi calmement.
Zhao épousseta alors doucement son uniforme, tout en lui adressant un regard insondable. Et alors que Zuko se demandait ce qu’il était censé dire ou faire, un soldat arriva vers eux en courant.
- Commandant Zhao ! Prince Zuko ! L'île de Kyoshi est en vue !
- Parfait, lâcha l’homme d’une voix neutre, avant de se désintéresser complètement de son jeune élève et de tourner des talons sans un mot de plus.
L’Avatar avait été repéré au sud du Royaume de la Terre. C’était la raison pour laquelle ils avaient entamé ce voyage.
Zuko ne pouvait que se féliciter d’avoir rejoint les rangs de son ancien professeur. Il n’aurait pas été aussi rapide, s’il avait dû entamer les recherches seul.
Le navire fendait les vagues avec une cadence régulière, le vent sifflant autour d’eux. Zuko se tenait à l’avant, son œil valide rivé vers l’horizon, où l’île de Kyoshi, recouverte de forêts et de roches escarpées, se dessinait enfin. Ses pensées tourbillonnaient aussi rapidement que les flots sous leurs pieds. Sa première bataille. L’idée elle-même le paralysait.
Il n’était pas prêt. C’était trop rapide. Il n’avait pas encore conçu de plan suffisamment solide pour subtiliser l’Avatar, une fois que Zhao l’aurait en sa possession.
De plus, pour une raison qu’il ignorait, Zhao avait décidé qu’ils iraient seuls. Exclusivement entre maîtres de l’Air.
Ce qui supposait une chose simple : aucun survivant. Personne ne devait savoir. Alors les habitants de Kyoshi seraient tous anéantis ; aucun d’eux ne pourrait raconter ce qu’ils avaient vu. Ça ne serait pas très compliqué au demeurant. Cette petite île, isolée et peu peuplée, ne comportait en sein que des guerriers non-maîtres. Ils n’avaient pas la moindre chance face à une centaine de maîtres de l’Air surentrainés.
Zuko jeta un coup d'œil vers Zhao, qui se tenait en arrière, le visage impassible, comme s’il était déjà en train d’évaluer la situation. Le Commandant semblait entièrement concentré. À ses côtés, des maîtres de l’Air, des visages familiers, attendaient avec une détermination tranquille. Ils avaient connu des victoires, des défaites, des moments de gloire. Zuko, lui, ne connaissait que l’échec. Pour la première fois de sa vie, le jeune homme se demanda s’il avait la moindre chance de survie sur le champ de bataille qu’il avait tant appelé de ses vœux.
Des cris de joie et de bravade commençaient à résonner parmi les rangs. L'image de l’île devenait de plus en plus claire ; et des silhouettes émergeaient au loin, des guerriers prêts à défendre leurs terres.
Zhao leva une main, et tout sembla se figer un instant. Puis, d’un geste brusque, il donna le signal.
Zuko, ainsi que les autres maîtres de l’Air, bondirent aussitôt du bateau.
Le croiseur était immensément haut, par rapport au vieux navire à vapeur obsolète dans lequel Zuko avait passé cette dernière année. Alors qu’il tombait, il se demanda vaguement, comme un enfant, s’il toucherait un jour le sol. L’air, qui sifflait à toute allure dans ses oreilles, se concentra soudain à un point très précis sous son abdomen, le stoppant presque net dans sa chute.
Quand ses pieds touchèrent enfin l’eau, le chaos avait déjà débuté sur la plage.
Les gens, en face d’eux, étaient tous des femmes vêtues d’une armure verte que Zuko n’avait encore jamais vu chez les soldats du Royaume de la Terre. Et comme prévu, aucune d’entre elles ne semblait posséder la moindre maîtrise. Néanmoins, elles se battaient avec une force plutôt étonnante, armées d’étranges éventails en métal qui blessaient ou tuaient, tous ceux qui avaient le malheur de se trouver à proximité.
Le choc des armes contre l'air, des corps contre le sable, se mélangeait aux cris de guerre. Les guerrières de Kyoshi se battaient farouchement. Chacun de leurs mouvements semblait anticipé, maîtrisé, et elles se protégeaient les unes les autres avec une discipline admirable.
Une guerrière se précipita alors sur lui, frappant d’un coup circulaire qui manqua de peu sa tête. Zuko pivota sur lui-même et projeta un tourbillon d’air tout autour de son corps, l’envoyant elle, et plusieurs autres guerrières, rouler dans le sable.
Certaines se redressèrent immédiatement. L'une d'elles profita du bref moment de relâchement de Zuko pour l'attaquer par le côté. D'un mouvement fluide, elle tenta de l’atteindre à l'épaule avec son éventail, mais Zuko réagit à temps en levant un bras pour dévier le coup.
Il n’allait pas se laisser submerger. Il n’allait pas se laisser tuer, pas aussi bêtement, pas par des non-maîtres.
Zuko fendit alors l’air de ses mains et le vent se mua en une lame invisible qui vint trancher la chair des femmes autour de lui. Leurs corps tombèrent au sol, inertes.
Il resta un bref instant figé, le regard fixé sur les formes immobiles et suppliciées, mais il ne ressentit rien. Il s'attendait à quelque chose ; une vague de fierté, un frisson de satisfaction ou peut-être le même plaisir sauvage qu’il avait éprouvé en affrontant Zhao. C’était exactement ce qu’on attendait de lui, ce pour quoi il avait été formé, entraîné toute sa vie. Mais son esprit était désespérément vide. Il n’était pas non plus sûr de comprendre pourquoi il restait là à les observer.
Il aperçut au loin Zhao, justement, qui menait l’assaut avec une brutalité calculée. Loin des explosions de colère ou de sadisme auxquelles Zuko était habitué en temps normal, il semblait au contraire parfaitement calme. Une escouade de guerrières parvint à se regrouper pour tenter de l’encercler. Zhao, cependant, ne leur laissa aucune chance. Il créa un vortex d’air si puissant que les guerrières furent soulevées du sol avant d’être violemment projetées au loin.
Autour de lui, ses camarades maîtres de l’Air avançaient imperturbables.
Zuko secoua la tête, comme pour chasser ses pensées. Peut-être était-ce ça, après tout, la véritable nature d’un soldat. Un être qui avance sans faillir, sans jamais se laisser distraire. Il devait faire de même.
Il jeta un dernier coup d’œil aux cadavres, puis se remit en marche, imitant l’impassibilité des autres. Les guerrières se battaient avec l’acharnement du désespoir. Mais cela semblait bien dérisoire. Chaque attaque qu’elles tentaient d’infliger se voyait déviée, retournée contre elles par des courants d’air violents.
Ils quittèrent enfin la plage, pour s’enfoncer dans la forêt dense qui recouvrait l'île. Les guerrières les suivirent, mais la résistance s'amenuisait à mesure qu'ils progressaient.
Soudain, ils sentirent comme une pression inhabituelle dans l’air ; et d’un coup, une bourrasque gigantesque traversa les arbres, forçant tout le groupe à s'arrêter. Puis, avant même qu'ils ne puissent comprendre ce qui se passait, une silhouette jaillit du feuillage au-dessus d’eux.
L'Avatar.
Il atterrit lentement devant eux, ses grands yeux brillant d’une horreur palpable.
- Comment… comment est-ce que vous pouvez faire ça ? Demanda le jeune garçon, avec émotion. Comment pouvez-vous… comment pouvez-vous vous en prendre à ces gens ? Vous êtes des maîtres de l’Air !
Zhao, toujours aussi froid, recula d’un pas. Mais il ne fit pas un geste, ni pour attaquer, ni pour répondre.
L’Avatar continua, la voix brisée par un mélange d’incrédulité et de désespoir :
- Vous… vous n’avez pas le droit d’utiliser votre maîtrise pour causer de la souffrance. Je… Vous…
Zhao sembla tout d’un coup se reprendre et ordonna :
- En formation !
La réaction fut immédiate. Les soldats s’élancèrent, déchaînant une véritable tempête contre l’Avatar. Les arbres craquèrent sous les rafales, le sol se déroba sous les violentes secousses de l’air maîtrisé par leurs soins.
L’Avatar esquiva chaque coup avec une agilité stupéfiante. Les vents qu’il libérait pour riposter, étaient plus forts, plus puissants, qu’on aurait pu l’attendre de la part d’un enfant de cet âge.
Mais Zuko sentait que quelque chose n’allait pas. L’Avatar ne voulait pas les tuer.
Cela le rendait vulnérable.
Soudain, dans un mouvement furtif, des silhouettes familières émergèrent des ombres de la forêt. Les femmes guerrières en armure verte se jetèrent sur les maîtres de l'Air par derrière, lançant une attaque surprise. La bataille s'intensifia d'un coup.
Zuko avançait vers Aang, en ignorant tout le chaos qui se déchaînait autour de lui. Les guerrières et les autres maîtres de l’Air se battaient férocement ; mais pour Zuko, il n’y avait plus qu’une seule cible : l’Avatar. Il devait l’attraper, avant Zhao, avant que cette opportunité ne lui échappe.
- Pourquoi ?! Lui cria Aang, d’une voix éraillée, qui résonna au-dessus des rafales de vent. Les Nomades de l’Air ne sont pas des tueurs ! Comment… Comment est-ce que tout a pu changer comme ça ?
Zuko serra les dents et envoya une nouvelle rafale qui obligea Aang à reculer, esquivant de justesse.
Une ouverture apparut. Zuko lança une attaque plus vive qu’il ne l’aurait cru possible. L’air siffla et percuta Aang de plein fouet, le projetant en arrière contre un arbre.
Zuko s'approcha rapidement. Il voyait déjà son retour triomphal, son exil enfin terminé, et le regard approbateur du Seigneur du Feu. Mais Aang se redressa, difficilement, la respiration erratique.
- Vous ne devriez pas être comme ça ! Mon peuple... est pacifique...
- Ton peuple est mort ! Rugit Zuko pour toute réponse. Nous ne sommes pas des putains de Nomades de l’Air !
Zuko continua à enchainer les coups sans pitié et l'Avatar continuait d'esquiver. Zuko était de plus en plus frustré. Il intensifia son offensive, cherchant la faille, espérant l’instant où Aang céderait enfin. Mais alors qu'il s'apprêtait à frapper de nouveau, une douleur soudaine transperça son dos. Zuko s'immobilisa, sa vision vacilla un instant, et avant qu’il ne puisse réagir, ses jambes cédèrent sous lui.
La scène autour de lui se brouilla, les sons du combat se firent lointains, et Zuko sentit la réalité s’échapper. Il eut juste le temps de percevoir une ombre derrière lui, une présence qui s'était glissée dans le chaos. Puis tout devint noir.
Zuko ouvrit péniblement les yeux. Et tout lui revint. L’Avatar. Il était là, juste là. À sa portée.
Il tenta de se redresser, mais une grimace lui échappa. Sa main se porta instinctivement à son flanc et s’aperçut que celui-ci était à présent recouverts de bandages. Ces derniers, bien qu’impeccablement serrés et malgré leur épaisseur, laissaient transparaitre une teinte sombre par endroits. De légères taches rougeâtres perçaient à travers le tissu, trahissant la profondeur de la blessure sous-jacente.
Il lui fallut encore quelques instants pour comprendre où il se trouvait. Sa cabine.
Il avait échoué. Une nouvelle fois. Et il avait encore perdu connaissance. Parce qu’il n’était pas foutu de surveiller correctement son environnement en plein combat. Ça commençait à devenir une habitude…
Sa porte s’ouvrit brusquement. Zhao entra, les traits crispés par une colère froide.
- Debout, lança-t-il, d’une voix tranchante.
Zuko obéit sans discuter, ses bras tremblant sous l’effort. Chaque mouvement lui coûtait, chaque respiration lui envoyait des éclairs de douleur dans tout le corps, mais ce n’était pas comme s’il avait le choix. S’il ne se levait pas de lui-même, Zhao s’assurerait d’être plus convaincant.
Avec un grognement sourd, il réussit à sortir du lit, ses jambes vacillantes sous son propre poids.
- L'Avatar s'est échappé, continua Zhao, les mâchoires serrées. Avec plusieurs habitants de Kyoshi.
Zuko sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine dès que les mots de Zhao frappèrent ses oreilles. Le choc de cette nouvelle semblait décupler la douleur qui irradiait dans son dos. C’était fini. Ils étaient morts, tous morts. Le Seigneur du Feu allait l’apprendre ; même Iroh ne pourrait pas dissimuler ça. Trop de témoins. Trop de gens qui allaient répandre le secret sur le monde.
Mais pourtant, le rictus de Zhao se mua soudain en un sourire ravi :
- Et c’est exactement ce qu’il nous fallait.
Zuko cligna des yeux, confus. Il était sûr d’avoir mal entendu. Comment Zhao pouvait-il sourire en ce moment, alors que la colère d’Azulon allait s’abattre sur eux comme une tempête de feu ?
Zhao émit un léger rire, froid et sans joie, face à l’incompréhension manifeste du plus jeune :
- Ah, Zuko… Il y a tellement de choses que tu ignores. Ton père a fait une erreur en te tenant à l’écart de nos projets. Tu aurais dû être mis dans la confidence bien plus tôt…
Zuko resta interdit, essayant de deviner où Zhao voulait en venir. Ce dernier s’approcha alors lentement de lui, presque nonchalamment, savourant son effet.
- Je veux que le monde sache, murmura-t-il, alors que son expression se faisait calculatrice. Que les maîtres de l’Air sont là, dans nos rangs. Je veux que chaque nation le sache. Que crois-tu qu’il va se passer quand la rumeur se répandra ? Quand les gens découvriront que nous avons… survécu ?
Zuko l’ignorait, et franchement il ne tenait pas réellement à le savoir. Tout ce qu’il savait c’était qu’Azulon le leur avait strictement et clairement interdit. On allait leur faire payer leur désobéissance et ils n’avaient aucune chance de s’en sortir.
- Mais… Le Seigneur du Feu… Essaya Zuko dans un souffle paniqué.
- Azulon est un vieillard, répliqua Zhao avec un mépris surprenant. Il avait encore toute sa tête il y a trois ans, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ton père a sans doute agi trop tôt à l’époque.
Zuko comprenait de moins en moins et Zhao ne semblait pas vouloir perdre plus de temps en explications. Son vieil instructeur lui attrapa le bras et lui dit :
- Ne crois pas pour autant que j’ai oublié ta nouvelle défaite. Même si finalement, ça va dans notre sens. L’Avatar reste notre ennemi. Un ennemi que tu devras détruire à la prochaine occasion, compris ?
Zuko hocha faiblement la tête. Il se sentait dépassé par les événements. Le discours de Zhao tournait encore et encore dans sa tête. Ses pensées tourbillonnaient, mais l’instinct qui l’avait guidé toutes ces années refit surface. Il n’avait pas le droit à l’échec. Zhao avait donc raison. Zhao avait toujours raison. Comme Ozai avait toujours eu raison avant lui.
Zhao le tira sans ménagement hors de sa cabine.
- Je crois avoir cerné le problème, reprit Zhao d'un ton acerbe, tandis qu’ils avançaient le long du couloir. Si tu tenais un peu plus de ton père et faisais preuve de moins de scrupules, tu serais plus efficace au combat. Tu es faible, alors que tu pourrais être beaucoup plus fort. Tu as le talent nécessaire pour cela.
Ils finirent par arriver sur le pont, où les attendaient des soldats qui encadraient plusieurs prisonnières enchaînées ; des femmes de Kyoshi, à genoux, les visages fermés. Zuko reconnut immédiatement leurs armures vertes si particulières.
Zhao, qui ne lui avait toujours pas lâché le bras, se tourna vers lui, le regard perçant :
- Tue-les.
Notes:
J'ai vraiment eu de mal à écrire ce chapitre, mais j'espère qu'il vous a quand même plu. Merci de continuer à lire cette histoire et mille mercis pour les kudos ! A lundi prochain !
Chapter 10: Dissonance muette
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Zuko adressa un bref coup d’œil aux femmes agenouillées sur le sol, avant de reporter son attention sur son ancien instructeur.
- Pourquoi ? Osa-t-il demander, non sans hésitation.
Une étincelle de fureur pure traversa le regard doré du plus vieux et Zuko eut du mal à contenir le sursaut instinctif qui lui effleura l’échine.
- Je veux dire… Elles… Elles sont attachées. Ce n’est pas un vrai combat. Ce n’est pas très…
Sa voix se faisait de plus en faible, jusqu’à devenir presque inaudible :
- C’est… C’est déshonorant…
- Il n’y a pas d’honneur dans la guerre, rétorqua Zhao d’un ton profondément glacial. Ce sont nos ennemies ; elles doivent donc mourir. Point. C’est aussi simple que ça.
Zuko resta un instant interdit, ne sachant plus quoi dire. Il savait qu’il n’y avait rien de rationnel ou de logique à répondre à cela. C’était un argument recevable et pourtant, il ne sentait pas à l’aise à l’idée d’obéir.
Les prisonnières, elles, ne semblaient pas partager ses craintes. Aucun murmure de panique, aucune supplication désespérée. Comment pouvaient-elles être si calmes ? Elles n’avaient pas peur. Bien au contraire, elles les observaient tous les deux droit dans les yeux avec une expression de défi résigné. Elles n’avaient pas peur de la mort, quand lui-même craignait de l’infliger.
C’était pire que sur le champ de bataille, pire encore qu’il y a cinq ans au camp face à ce gamin insupportable dont il avait oublié le nom. Il n’y avait pas de contexte. Pas de « tuer ou être tué ». Là, c’était juste des gens enchainés, entourés de soldats et incapables de se défendre ou de fuir.
Soudain, sans prévenir, un souvenir s’infiltra comme une ombre froide dans les tréfonds de son esprit. Et pendant un bref instant, le présent s’effaça tout autour de lui, ne laissant qu’une image. Une seule. Ty Lee et ses magnifiques yeux gris ouverts sur le vide. Morte. À cause de lui.
Elle aussi, il l’avait tué alors qu’elle ne risquait pas de lui faire du mal.
Son absence de réponse sembla enrager Zhao, qui resserra violemment sa prise autour de son bras.
- J’ai vu comment tu as regardé le peu d’adversaires que tu as réussi à tuer sur la plage, siffla-t-il, l’air passablement hors-de-lui. J’ai également eu le plaisir de remarquer qu’après coup, tu t’étais arrangé pour ne plus infliger la moindre attaque mortelle à nos adversaires. Comment comptes-tu gagner cette guerre en te contentant d’éviter des gens qui eux n’hésiteront pas à t’éliminer ?
Zhao était furieux. Ce n’avait jamais été une bonne nouvelle. Zuko se demanda vaguement s’il ne fallait pas mieux qu’il obéisse. Après tout, il ne s’agissait que de quelques minutes. Quelques minutes pour faire ce qu’on attendait de lui, pour faire plaisir, et il serait tranquille. C’était déjà comme ça du temps où son père était encore en vie. C’était pareil quand il était au camp, avec Zhao et les autres instructeurs.
Juste fais-le et on te laissera enfin seul.
Zuko regarda à nouveau les prisonnières. Ce n’était que des inconnues. Il ne les connaissait pas. C’étaient des guerrières. Elles étaient destinées à mourir plus tôt que les autres. Elles savaient ce qui les attendaient en s’opposant à eux.
Dans une lente inspiration, Zuko étendit sa main vers elles. Puis, dans un mouvement implacable et délicat, Zuko attira vers lui l’air autour des femmes agenouillées, enfermant leurs souffles comme on empoigne une poignée de sable. Leur calme initial vacilla, alors qu’un étau invisible se resserrait inexorablement à l’intérieur de leurs poumons.
Zuko garda ses yeux fixés sur elles, ses mains tremblantes malgré lui, luttant pour maintenir la maîtrise nécessaire. Aucune n’abaissa le regard. La pression continua d’augmenter, et des tremblements naquirent dans leurs membres. Finalement, leurs corps s’effondrèrent au sol dans des positions grotesques, comme des marionnettes à qui on aurait brusquement coupé les fils.
Et alors, enfin, Zhao relâcha la prise qu’il exerçait sur son bras ; avant de lui adresser un surprenant sourire :
- Excellent, Zuko.
Ozai lui avait dit exactement la même chose, quand il avait tué Ty Lee. Et comme cette fois-là, Zuko ne ressentit rien. Pas de joie, alors qu’il aurait dû en éprouver face aux trop rares compliments que son père ou son professeur pouvaient lui adresser. Juste à nouveau ce vide, immense et incompréhensible, qui le glaçait de l’intérieur.
Il osa lever son œil valide vers Zhao et lui demanda d’un ton d’une neutralité qui le surprit lui-même :
- Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
- Maintenant, mon cher élève, nous allons continuer ce que nous faisions avant Kyoshi : pourchasser l’Avatar.
Le sourire du plus vieux se tendit en un rictus mauvais, teinté d’un amusement que Zuko ne comprenait pas :
- En laissant le plus de traces possibles de notre passage derrière nous.
Zuko se contenta de hocher la tête, en signe d’acquiescement, même s’il ne comprenait rien. Mais ce n’était pas grave. Il n’avait jamais compris grand-chose de toute façon.
Il était juste fatigué, trop fatigué pour réfléchir pour le moment.
Peut-être qu’une fois reposé, une fois isolé au calme, il arriverait à s’entendre penser. Peut-être que finalement, il pourrait utiliser la folie manifeste de Zhao pour lui subtiliser l’Avatar. Non, non, non. Ça n’avait aucun intérêt. Jamais Azulon n’accepterait à nouveau un maître de l’Air à sa Cour, si Zhao continuait à agir de cette manière.
Il n’était pas sûr de ce qu’il convenait de faire.
Avait-il déjà su prendre la moindre décision, sans que cela ne se retourne inévitablement contre lui ? Ozai lui avait toujours dit quoi faire et tout s’était toujours bien passé. Peut-être qu’aujourd’hui aussi, il pouvait obéir sans discuter.
Et pendant qu’il était plongé dans ses réflexions, le monde qui l’entourait avait recommencé à s’agiter. Zuko se sentait étrangement détaché, comme un simple spectateur des événements. Des soldats s’étaient saisi des cadavres des guerrières de Kyoshi pour les rejeter à la mer. Zhao ordonnait des choses à droite et à gauche, et s’était complètement désintéressé de lui.
Oui… Il réfléchirait plus tard…
Ses blessures ne semblaient pas être une excuse suffisante aux yeux de Zhao pour esquiver les entraînements, et encore moins les réunions stratégiques.
Étonnamment, le Commandant semblait à présent lui accorder suffisamment de confiance pour le trainer avec lui un peu partout.
Cette fois-ci, il eut la surprise de reconnaitre des visages connus ; beaucoup trop de maîtres de l’Air hauts gradés.
Étrangement, tout le monde se leva quand il entra dans la pièce ; pire encore, ils s’inclinèrent tous profondément et respectueusement devant lui. Et Zuko n’était pas sûr de comprendre pourquoi ses semblables appliquaient le protocole de la Nation du Feu, alors qu’ils n’étaient qu’entre eux et qu’ils ne l’avaient jamais fait auparavant. Ils se comportaient tous envers lui d’une manière presque irréelle, en l’appelant notamment « votre altesse ». C’était incompréhensible.
Toutefois, ils se désintéressèrent de lui très rapidement. Les regards glissèrent vers le Commandant, et Zuko resta là, silencieux et effacé. Le jeune homme n'écouta le début de la réunion que d'une oreille distraite, jusqu'à ce qu'une phrase capte soudainement son attention.
- Cela fait des années que nous obéissons sans poser de questions, disait Zhao, en fixant chacun des hommes et femmes rassemblés autour de lui. En acceptant notre statut de citoyens invisibles.
Des murmures d’approbation parcoururent la pièce et le petit discours de Zhao prit des accents de colère :
- Est-ce que tout cela nous valut le respect ou la reconnaissance ? Non ! Le Seigneur du Feu a exploité notre patriotisme jusqu’à la corde, tout en n’ayant jamais cessé de nous voir comme des étrangers !
Zuko, lui, écoutait avec une appréhension sourde. Mais au-delà de la peur que quelqu’un puisse les dénoncer, c’était surtout l’incrédulité qui dominaient dans son esprit. Il avait du mal à croire ce qu'il entendait. Comment Zhao osait-il prendre de telles libertés en parlant du Seigneur du Feu ? Et comment se faisait-il que personne ne semblait en prendre ombrage ?
- La plupart des gens de la Nation du Feu ignore jusqu’à notre existence, continua à marteler Zhao avec passion. Les métis des colonies ne connaissent pas ce traitement. Certes, ils sont comme nous relégués à des rôles inférieurs ; eux aussi sont envoyés en première ligne pour protéger les maîtres du Feu. Mais malgré tout, ils ont le droit de vivre leur maîtrise de la Terre au grand jour, sans se cacher. Nous, en revanche, nous n'avons que le secret et la honte.
Les murmures dans la salle s'épaissirent.
- Ne sommes-nous pas, nous aussi, filles et fils de la Nation du Feu ? N’avons-nous pas gagné le droit d’être reconnu comme tels ?
Zhao laissa un silence pesant planer dans la salle. Ses yeux scrutèrent l'assemblée, guettant chaque étincelle de doute ou de colère qu’il pouvait enflammer, avant de reprendre :
- Combien de vies avons-nous sacrifiées dans cette loyauté aveugle ? Combien de nos frères et sœurs sont morts pour une nation qui s’est empressée de passer leurs existences sous silence ?
Pourtant, pensa Zuko, la hiérarchie était dans l’ordre naturel des choses; pas une injustice. Ils étaient nés pour soutenir la puissance de leur nation.
Soudain, Zhao ajouta quelque chose de complètement inattendu.
- Un homme, lui, n’a jamais douté. Le prince Ozai comprenait la véritable puissance de notre maîtrise ; il n’a jamais baissé l’échine devant personne, pas même devant le Seigneur du Feu.
Zuko sentit son cœur se figer dans sa poitrine. Mais le plus surprenant était encore à venir.
- Aujourd’hui, nous avons le fils de notre prince parmi nous. N'est-ce pas lui qui devrait nous guider sur le chemin que son père a tracé ?
Et là, tous ces sombres et funestes abrutis tournèrent des regards fiévreux vers lui. Zuko déglutit, déconcerté, face à tous ces yeux qui le fixaient avec une ferveur quasi religieuse. Zhao, lui, laissa planer un silence calculé, avant de reprendre :
- Des maîtres de l'Air, dans la famille du Seigneur du Feu, parmi les descendants d’Agni... Ce n’est pas qu’une simple coïncidence. Les Esprits ne nous envoient-ils pas là un signe ? Ne nous auraient-ils pas accordé une nouvelle lignée de dirigeants, pour nous démontrer que notre destinée n’est pas de rester dans l’ombre ?
L’assistance écoutait, captivée. Zhao, galvanisé par ces réactions, adopta un ton plus exalté encore. Son regard, ardent et déterminé, semblait animé d’une conviction presque divine.
- Si l’Air est fait pour être maîtrisé en silence, pourquoi les Esprits auraient-ils permis à des princes de le porter dans de leurs veines ? Si ce n’est pour rappeler à tous que le pouvoir des flammes n’est pas le seul à avoir sa place parmi notre peuple ?
Et la situation prit un degré de gravité supplémentaire, quand Zhao ajouta :
- La Nation du Feu nous a reniés. Mais les Esprits, eux, nous donnent une autre voie ; une voie digne de nous, une voie de puissance et de justice. Ils nous envoient un prince pour prendre ce qui aurait dû être nôtre.
Ce n’était plus seulement de justice dont il était question ici ; c’était un appel ouvert à l’insurrection. Mais le plus terrifiant était sans aucun doute l’approbation visible sur les visages de tous ces hauts-gradés.
Zuko aurait voulu hurler et les ramener à la réalité, pourtant aucun mot ne sortit de sa bouche. Il se sentait paralysé, perdu entre une rage sourde et un abîme de perplexité. Il ne comprenait pas comment un simple discours avait pu avoir un tel impact. Ce n’était pas possible… Comment une colère aussi forte envers le Seigneur du Feu avait pu se développer sans que personne, même pas lui, ne s’en rende compte ? Qu’est-ce qu’il était censé faire à présent ?
Il était piégé.
Littéralement toutes les forces dirigeantes parmi leurs semblables venaient apparemment d’accepter Zuko comme leur futur souverain. Le Seigneur du Feu ne croirait jamais en son innocence. Il allait mourir. Ils allaient tous mourir.
L’idée que ces gens qu’il connaissait depuis toujours se tournent vers lui avec une telle foi le rendait malade. Ils semblaient avoir oublié tout sens commun, toute compréhension des conséquences.
Qu’était-il censé faire pour désamorcer cette situation, avant qu’elle ne devienne un brasier incontrôlable ?
La réunion se termina enfin, après d’autres longues heures de palabre et les hauts-gradés s’éclipsèrent un à un. Zuko, lui, resta ancré à son fauteuil. Tout à ses pensées, il ne perçut pas vraiment la manière dont cette délirante affaire prit fin.
Et alors que le dernier de ces hommes quittait la pièce, Zhao s’approcha de lui, un sourire aux lèvres, comme un architecte admirant son chef-d'œuvre.
- Tu étais parfait, Zuko, annonça-t-il avec une satisfaction palpable.
Zuko leva lentement les yeux vers lui.
- Parfait ? Balbutia-t-il, la voix vibrante d’indignation. Vous... Vous... Est-ce que vous avez perdu la tête ?!
Le sourire de Zhao se figea, juste un instant, avant de retrouver son éclat.
- Nous ne sommes pas des Nomades de l’Air, Zuko. Nous ne sommes pas faits pour accepter notre sort sans rien dire, au nom d’un quelconque idéal supérieur. Le Feu coule également dans nos veines. Nous existons pour nous battre, pour dominer nos ennemis et en aucun cas pour jouer aux esclaves soumis.
- C’est de la trahison, répliqua Zuko avec hargne. Azulon vous écrasera. Il vous pourchassera et se vengera sur tous nos semblables !
- … Peut-être bien… Mais chaque action laisse une trace. Ce n’est pas en rampant que nous pourrons changer les choses. Parfois, il faut sacrifier une génération pour que la suivante puisse marcher librement.
- Quelle génération suivante ? S’enflamma Zuko à bout de nerfs. Il ne restera personne ! Ils nous tueront tous !!!
- Ils n’ont pas réussi à tous nous tuer la dernière fois, alors qu’ils avaient la Comète avec eux. Ils ne réussiront pas cette fois-ci non plus.
Zuko laissa échapper un rire nerveux :
- Vous êtes vraiment complètement malade !
Les traits de Zhao se durcirent en une expression étrange, teintée de résignation froide.
- T’a-t-on déjà raconté comment ton père était mort ? Demanda-t-il dans un rictus, avant de poursuivre après un petit silence. Non, bien sûr non. Ils t’ont sans doute raconté la même fable qu’ils ont servi au reste de notre nation, qu’il était mort héroïquement au combat face à des maîtres de la Terre à Ba Sing Se. Alors qu’en réalité, le prince Ozai a été assassiné par le Général Iroh, sur ordre du Seigneur du Feu.
Pendant un instant, Zuko ne comprit pas. Il resta figé, son esprit engourdi cherchant à saisir l’ampleur de ce qu’on venait de lui dire. Et soudain, la réalité des mots le frappa de plein fouet. Il se leva brusquement, incapable de rester assis.
- Non.
Ce fut la seule chose qu’il réussit à exprimer. Trop d’émotions contradictoires le traversaient à cet instant pour pouvoir développer une pensée cohérente. Iroh détestait Ozai. Il l’avait toujours su. Alors pourquoi l’avait-il cru quand il lui avait dit l’inverse il y a quelques semaines ?
Mais à contrario, pourquoi croirait-il quelqu’un comme Zhao sur parole ?
- J’étais là, Zuko, affirma celui-ci, implacable. J’étais là quand c’est arrivé.
- Non !
- Il a obéi aux ordres du Seigneur du Feu et a tué son propre frère ! Que penses-tu qu’ils te feront, dès qu’ils en auront l’occasion ? Même si tu ne leur donne pas de raison de le faire, ils en inventeront une. Tu es une aberration, une souillure dans la perfection de leur lignée. Tu leur es plus utile mort que vivant !
Les pensées de Zuko se bousculaient dans son crâne, dans un tourbillon chaotique. Il avait envie de pleurer et de hurler. Il ne savait même pas pourquoi ça le surprenait ou même pourquoi il se sentait trahi. Iroh n’avait rien dit. En soit, il n’avait pas menti. Il s’était contenté de garder la vérité pour lui. Et si Ozai avait réellement trahi le Seigneur du Feu, il était normal qu’il ait été tué, non ? Non ?
Zhao s’approcha alors de lui et posa une main réconfortante sur son épaule ; ce qui sortit Zuko de sa torpeur. Mais il était bien trop troublé pour se rappeler que ce geste n’avait rien de naturel chez son professeur, et était sans doute dénué de toute franchise.
- Ton père avait une vision, lui dit le plus vieux d’une voix anormalement douce. Il avait un projet pour nous. Et il est mort en le défendant.
Ozai, un idéaliste, un visionnaire. Cela semblait si loin de la réalité qu’il avait toujours connue. Mais cette idée l’enivrait autant qu’elle l’effrayait.
- Il voulait que je prenne sa place, murmura soudain Zuko.
- Je sais.
Si seulement, il avait été moins fatigué… Il aurait perçu la lueur de triomphe dans les yeux jaunes de l’homme en face de lui.
- Tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour toi, poursuit le cinquantenaire d’une voix caressante. Chaque décision qu’il a prise, chaque mot qu’il a prononcé, c’était pour te préparer à ce seul et unique but. Ne voudrais-tu pas honorer son héritage ?
Les paroles de Zhao se glissèrent dans l’esprit de Zuko, comme un serpent se faufilant dans les ténèbres.
- Si… Si… Répondit Zuko, par automatisme.
Peut-être qu’il serait plus simple d’obéir. On ne lui avait jamais vraiment demandé de réfléchir, de toute manière.
Notes:
Un grand merci à vous tous de continuer à me lire. J'espère que cela vous a plu ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! A lundi prochain !
Chapter 11: L'Île du Croissant
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Zuko ne s’était jamais demandé ce que les gens pouvaient penser du Seigneur du Feu. Agni, il ne s’était même jamais attardé sur ce qu’il ressentait vis-à-vis d’Azulon.
Sa cicatrice était là pour lui rappeler tous les matins qu’il avait failli mourir. Elle était monstrueuse, marbrée et rugueuse ; elle dévorait une bonne moitié de son visage. Il avait perdu un œil, qui n’était à présent plus que recouvert d’un film laiteux. Une partie de sa bouche avait été brûlé également, lui donnant pour toujours une expression asymétrique et figée.
Mais le plus terrible était sans doute la forme qu'elle avait prise en cicatrisant. Aujourd’hui, la marque d’une main était indéniablement imprimée dans sa chair.
Il détestait son visage. Il aurait voulu que la marque ne soit pas là. Peut-être aussi qu’il se laisserait moins surprendre s'il avait encore ses deux yeux fonctionnels.
Peut-être aussi qu’il se donnait des excuses.
Quel pathétique être humain il était. À pleurnicher sur des évènements qu’il ne pouvait pas changer. Alors que tout était uniquement de sa faute. Son père détesterait le voir ainsi.
Son père, justement. Il était sûr qu’Ozai aurait estimé qu’il méritait sa punition. Qu’il devait même se considérer chanceux d’être en vie. Azulon aurait pu se montrer plus impitoyable encore. Et le si loyal sujet qu’avait été Ozai se serait révolté contre le Seigneur du Feu ? C’était impensable. Pire, c’était risible.
Pourtant, à y réfléchir, il n’en était pas certain. Ozai n’avait jamais pris la peine de partager ses états d’âmes avec lui. Il se contentait de lui apprendre à se battre et à être fort. Les (trop) rares fois où il laissait transparaitre une once de sentiments personnels, c’était pour se plaindre du reste de leur famille et de leurs faiblesses. Mais… Il ne se souvenait pas qu’il ait un jour osé critiquer Azulon en sa présence.
Comment aurait-il pu de toute manière ? Son père avait incarné la loyauté et la soumission sans faille envers le Seigneur du Feu. Ozai l’avait proclamé, montré par chacune de ses actions. Pourquoi l’aurait-il élevé dans le but clair et affirmé de servir le trône, s’il n’en pensait pas un mot ?
Ozai n’avait cessé de tenter de lui inculquer le respect ; toujours accepter son sort, toujours obéir. Jamais, au grand jamais, se révolter de quelque manière que ce soit.
La Nation du Feu dépendait toute entière de la force de son souverain. Cette autorité n’était pas destinée à être remise en question. La désobéissance ne mènerait qu’au chaos et qu’à la guerre civile.
Zhao lui avait menti. C’était indéniable.
Zuko n’était cependant pas certain que cela change grand-chose. Son père était mort. Qu’importe si c’était de la main d’un maître de la Terre ou de son oncle Iroh. Il n’était plus là. Qu’importe qui avait porté le geste, le coupable restait toujours le même. Azulon. Azulon qui l’avait envoyé attaquer une ville imprenable. Azulon qui ne s’était jamais soucié de la survie des gens dans leur genre. Zhao avait raison. Quel soulagement cela avait dû être pour le Seigneur du Feu qu’une partie du mauvais sang ait été purgé.
Un son étrange s’échappa de ses lèvres, si inattendu qu’il ne le reconnut pas tout de suite. C’était un rire. Il n’arrivait pas à s’arrêter ; le son, rauque et grotesque, résonna un instant dans l’air glacé de sa cabine.
Est-ce qu’Azulon comptait le tuer lui aussi ? Bien sûr. Bien sûr que oui. Zuko était destiné à être sacrifié. Et ce jour-là, il serait effacé des registres. Comme Ozai. Comme Zeisan. Comme tous ceux qu’on avait estimé indigne de leurs rangs. Comme tous les autres faibles de leur lignée. Parce que seuls les maîtres du Feu méritaient d’exister pour l’éternité.
La question était plutôt : pourquoi ne l’avait-il pas déjà fait ?
Peut-être parce qu’il n’avait pas de raison légale de le faire. Ou peut-être plus logiquement qu’il n’avait pas pris la peine de s’en soucier. Zuko était faible, médiocre ; il ne représentait une menace pour personne. Peut-être même qu’Azulon attendait tout simplement qu’il se fasse tuer tout seul, comme un grand, histoire de garder les mains propres.
Peut-être qu’Iroh l’avait suivi dans le seul et unique but de le tuer quand il en recevrait l’ordre.
Les ombres de sa cabine semblaient s’étirer et se refermer autour de lui. Son cœur battait trop fort, trop vite ; il résonnait dans ses tempes.
Peut-être que Zhao ne lui mentait pas.
Qu’est-ce qu’il était censé faire maintenant ?
Il s’assit sur son lit, la tête entre les mains et les yeux fixés dans le vide. Rien ne venait. Chacune de pensées semblaient incapables de prendre racine. Cela ne menait à rien. Comme d’habitude.
C’était bien la seule chose de stable dans sa vie. Son indécision. Son incapacité à savoir quoi faire de ses dix doigts. Il le savait, il en avait parfaitement conscience et pourtant rien ne changeait. Il avait beau essayer et il en était incapable.
Que pouvait-il faire de toute façon ?
Il avait décidé de suivre Zhao pour capturer l’Avatar. Et résultat, aujourd’hui, il était mêlé à une rébellion. Il avait décidé de s’opposer à ce général lors du conseil de guerre et il avait été banni. Les trop rares décisions qu’il avait réussies à prendre dans sa vie menaient toujours à des catastrophes sans nom.
Quelle tristesse que l’héritage d’Ozai doive dépendre d’un être aussi inapte que lui. La situation aurait sans doute été très différente si de ses deux enfants, ça avait été Azula qui avait hérité de la maîtrise de l’Air.
Zuko n’avait plus de contact avec elle depuis des années, mais il savait de qu’elle était devenue quelque chose d’autrement plus intéressant que lui. Un véritable prodige en tout. Il souvenait encore très bien de son regard perçant et de son sourire assuré, moqueur, comme si le monde entier n’existait que pour qu’elle le domine. Elle, elle aurait su quoi faire.
Des coups sourds résonnèrent alors contre la porte de sa cabine. Et avant même qu’il n'ait eu le temps de répondre, Zhao entra.
Son vieux professeur ne le quittait plus d’un œil. Toujours à ses côtés lors des conseils ; les yeux inquisiteurs et vigilants, même dans les moments les plus anodins. Pas de messagers entre eux, pas de conversations indirectes ; rien de ce genre. Si Zhao voulait dire quelque chose à Zuko, il le faisait directement.
Zhao semblait toujours surgir de nulle part, sous un prétexte ou un autre ; pour l’entraîner dans de nouvelles réunions, le ramener auprès des maîtres de l’Air qu’il recrutait, ou simplement pour vérifier... vérifier quoi, exactement ?
Il ne le laissait véritablement seul que dans sa cabine. Mais cela ne durait jamais longtemps.
- Nous sommes arrivés, lui dit-il d’un ton sec.
Zuko se leva et le suivit, sans un mot et avec une lenteur résignée.
À peine sortis sur le pont, un souffle d’air chaud lui fouetta le visage. Il n’avait pas mis les pieds dehors depuis des jours et le brusque éclat de lumière lui parut presque irréel. Devant eux, une île apparaissait peu à peu.
L’air était dense, lourd de cette tiédeur humide qui collait à la peau. Rien à voir avec le froid mordant de l’île de Kyoshi ou de la rudesse glacée du Pôle Sud. Il fronça les sourcils, le cœur battant plus fort.
Ils étaient de retour dans la Nation du Feu.
Zhao, observa l’horizon, les yeux brillant de satisfaction :
- L'Île du Croissant.
Zuko ouvrit la bouche pour protester, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.
- Pas d’inquiétude, fit Zhao, comme s’il avait deviné ses pensées. Personne ne sait que nous sommes là.
Il lui donna une tape sur l’épaule ; un geste qui se voulait sans doute rassurant, mais était totalement dénué de chaleur. Puis, il fit un signe vers le ponton où les soldats les attendaient déjà, alignés et prêts à partir. Zuko hésita un instant, mais finit par suivre Zhao en silence.
Il n’osait pas poser de questions et Zhao n’offrait aucune explication.
Cette île était étrange, avec un volcan recrachant en permanence des flots de lave qui s’écoulaient lentement le long de ses parois. Ce qui pouvait expliquer la totale absence de végétation. L’air était à peine respirable, chargé de vapeur toxique. Et pourtant, quelqu’un avait trouvé le moyen de construire un temple ici. C’était le seul bâtiment et il paraissait en excellent état. De toute évidence, il était entretenu et donc habité. Encore une bizarrerie des maîtres du Feu. Ce fétichisme autour de tout ce qui avait trait aux volcans n’avait pas le moindre sens. La lave n’était-elle pas plutôt un pouvoir des maîtres de la Terre ? Pourquoi restaient-ils donc si fascinés par une puissance capable de les anéantir ?
Ils avancèrent en rangs serrés, utilisant leur maîtrise pour purifier l’air tout autour d’eux, avant de pénétrer à l’intérieur du temple.
L’endroit était plongé dans une quasi-obscurité et était dénué de la moindre fenêtre. Ce qui, encore une fois, était plutôt surprenant pour des maîtres du Feu dépendant de la lumière du soleil. Mais, dans un autre côté, cela leur permettait de complètement isoler le temple de l’extérieur. L’air y était respirable.
Un groupe d’hommes âgés, dans les vêtements pourpres des Sages du Feu, les attendaient, immobiles.
L’un d'eux fit un pas en avant, l’expression grave.
- Vous n’avez rien à faire ici, déclara-t-il d’une voix calme mais inflexible.
Zhao, loin d’être intimidé, afficha un sourire presque provocateur.
- Je crois bien que si.
L’arrogance dans sa voix ne fit qu’accentuer la tension ambiante. Zuko se sentit de plus en plus mal à l’aise face l’hostilité palpable des Sages, dont les visages restaient fermés.
- Nous savons qui vous êtes, fit le vieil homme d’un ton plus dur. Le Seigneur du Feu n’aurait jamais autorisé des bâtards contre-nature venir profaner ces lieux.
La violence de l'insulte déstabilisa Zuko. Jamais personne n’avait osé lui parler ainsi. Mais il n’avait pas souvent eu l’occasion d’être en contact avec des personnes au courant de sa différence et qui n’étaient pas eux-mêmes des maîtres de l’Air. Le Seigneur du Feu ne s’était jamais adressé à lui de cette manière ; mais il lui avait parlé quoi ? Trois ou quatre fois dans toute sa vie ? Iroh était, lui, bien trop hypocrite pour tenter une attaque aussi frontale.
Les autres restèrent impassibles autour de lui ; totalement indifférents à l’injure. Eux, manifestement, y étaient habitués.
Le sourire de Zhao se fit carnassier. Et avant que les Sages ne réagissent, lui et ses hommes déployèrent leur maîtrise de l’Air en un assaut précis et coordonné. Les rafales les projetèrent violemment contre les murs de pierre. Le vieillard qui les avait insultés, tomba au sol dans un craquement sinistre.
Ils étaient vieux. Ils étaient devenus trop lents et trop faibles. Ils avaient été faciles à tuer… si faciles…
Lorsque le dernier des Sages s’effondra, la scène prit une tournure encore plus sinistre. Zhao, impassible, sortit une torche et l’alluma.
- Zuko, lui dit-il comme s'il cherchait à se justifier. L’Avatar arrive. Nous devons nous dépêcher.
Les soldats, eux, semblaient parfaitement au fait de ce qu’ils devaient faire. Ils étaient déjà en train de s’activer, avec des torches, autour des corps pour ceux-ci brûlent… D’autres encore s’affairaient à plusieurs endroits de la pièce, laissant des traces de brûlures noirâtres un peu partout.
- Vous voulez qu’on croie qu’ils ont été tué par des maîtres du Feu, réalisa soudain Zuko.
C’était drôle. Ils venaient de tuer des Sages. Et aucun Esprit, aucune puissance supérieure, ne s’était interposé. Tout était possible finalement ; aucune règle ne s’appliquait. Tout semblait permis, et avec cela venait un sentiment à peine pensable. C’était comme si un verrou venait de sauter à l’intérieur de son crâne.
- L’Avatar a été aperçu à nos frontières, fit Zhao avec son habituel éclat calculateur dans les yeux. Il cherche à forcer le barrage. Et selon nos sources, quand cela sera fait, il se dirigera droit ici. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’il découvre les corps et que la rumeur enfle. Que pensera notre nation en apprenant que le Seigneur du Feu a finalement fait exécuter des Sages ? Après toutes les pressions qu’il a exercées sur eux pour les forcer à le vénérer comme une quasi-divinité ?
Zuko hocha imperceptiblement la tête. C’était limpide. Et il n’avait pas peur. Pas cette fois. La rage d’Azulon lui semblait d’un coup insignifiante, une chose abstraite et sans pouvoir réel.
Des maîtres du Feu hauts placés, membres de l’autorité spirituelle de leur grande nation, étaient tombés en quelques secondes, balayés par la maîtrise de l’Air. La facilité avec laquelle ils avaient été tués lui apparaissait d'un ridicule consommé ; une farce si grinçante qu’il lui était difficile de ne pas éclater de rire. Ils étaient si faibles, songea-t-il avec une distance presque rêveuse. Tout pouvait être brisé, défié, et même annihilé s’il le désirait assez fort.
Il se sentait étrangement libre.
Notes:
Premièrement, excusez-moi pour ce léger retard. Deuxièmement, je sais que ce chapitre est un peu court. J'espère qu'il vous a quand même plu (le prochain sera plus long). Merci de m'avoir lu et à la semaine prochaine !
Chapter 12: Entre deux mondes
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Tout semblait se passer comme Zhao l’avait prévu. Des semaines étaient passées depuis l’assassinat des Sages du Feu et les choses avançaient enfin. Apparemment, la rumeur de leur exécution avait fini par arriver jusqu’à Caldera.
On racontait que l’Avatar s’était rendu sous une fausse identité dans une ville des colonies. Il aurait foutu le désordre lors d’un festival et se serait rapproché d’un groupe de déserteurs. Quel étrange et merveilleux hasard que ce gamin soit tombé sur des gens de leur nation ayant justement quelques réserves vis-à-vis de leurs têtes dirigeantes. Et surtout qu’ils soient aussi bavards.
On murmurait la possibilité que cela ne soit qu’un accident. Mais dès que la propagande avait repris cet argument à son compte, il avait perdu de sa valeur. Bien sûr que le peuple se méfiait de ce que lui racontait la Cour ; ce n’était pas nouveau, ni étonnant. Cent ans de guerre et leur si grande nation n’avait réussi qu’à vaincre totalement qu’un seul de ses ennemis. Alors, certes, on avait réussi à sauver les meubles en faisant des Nomades de l’Air de grands et féroces guerriers dans l’imaginaire collectif. Néanmoins, le mécontentement ne cessait de croitre. La guerre durait depuis trop longtemps et finalement on restait toujours bloqué au même point sans grande avancée notable. Cent ans et le Royaume de la Terre restait debout. Qu’importe le nombre d’hommes et de femmes qu’on pouvait sacrifier dans cette entreprise, cela ne changeait rien.
Les gens étaient en colère, mais il fallait encore une étincelle pour qu’elle s’embrase. La mort des Sages du Feu était un sacrifice nécessaire. Qu’importe qu’il ne s’agisse que d’un mensonge ; l’important, c’était que ça bouge. Les Sages du Feu avaient encore une certaine aura, même si leur rôle avait considérablement été réduit sous le règne de Sozin. Le peuple se souvenait encore que certains d’entre eux avaient payé très cher leur opposition au Seigneur du Feu précédent. Ils étaient perçus comme des héros, alors les actuels n’avaient été nommés que sur base de leur fidélité au trône. Ce n’étaient que des traitres et des lâches ; ils méritaient de mourir.
La Cour s’était de toute évidence, elle aussi, enfermée dans cette apathie ambiante. Ils n’étaient plus habitués à lutter contre de véritables menaces intérieures. Trop de gens étaient arrivés au pouvoir du fait de leur complaisance et de leur extrême servilité. Les cabales et les intrigues de couloir s’étaient chargées de faire disparaitre la plupart des nobles encore compétents. Azulon aurait pu stopper cette lente et longue décadence, s’il l’avait voulu. Mais bien au contraire, le Seigneur du Feu les avait encouragés dès le début de son règne, par des manœuvres plus ou moins sournoises. Un homme aussi paranoïaque que lui ne pouvait que se repaitre du désastre. Ne valait-il pas mieux que les puissants de sa nation se battent entre eux plutôt que contre lui ?
Le système reposait sur les épaules seules du Seigneur du Feu. Ça tenait quand leur souverain était fort. Mais il était si vieux désormais ; et tout menaçait de s’effondrer.
Azulon aurait pu se reposer sur les membres de sa propre famille. Mais il se méfiait plus d’eux encore que des nobles. Il ne cessait de les éloigner de la Cour et du centre du pouvoir. Il les envoyait à droite et à gauche, limitant au maximum le temps qu’ils passaient au palais à ses côtés. Tout aurait pu être tellement plus compliqué si Azulon avait réussi à leur inspirer de l’amour ou même juste de la loyauté.
Fort heureusement, ce n’était pas le cas.
Cela ne réglait pas totalement le problème. Ils avaient beau ne pas porter Azulon dans leur cœur, Zhao n’était pas sûr qu’ils soient loyaux à Zuko pour autant. Il semblerait qu’aucun lien d’aucune sorte ne se soit jamais créé entre eux. Pas plus qu’autrefois entre Ozai et Iroh. Et on avait vu le résultat.
Renverser Azulon exposerait leur jeune prince aux représailles du reste de la famille royale. Ils ne pouvaient pas se permettre de les laisser libres de contrattaquer. Mais ils n’en étaient pas encore là.
Il semblerait que de manière plutôt surprenante la survie des maîtres de l’Air n’ait pas fait tache d’huile. L’annihilation de Kyoshi était décrite néanmoins comme une victoire éclatante de leur grande nation sur le Royaume de la Terre. Une victoire militaire réalisée uniquement par des non-maîtres. Et vu que l’île en était exclusivement peuplée, cette version paraissait crédible. Zhao avait de toute évidence sous-estimé une partie des gens au service du Seigneur du Feu.
L’assassinat des Sages du Feu semblait par contre difficilement dissimulable. Tout d'abord, parce que Sozin en avait déjà exécuté plusieurs à son époque. Le précédent rendait cette affaire d’autant plus crédible. À l’inverse, la survie des maîtres de l’Air était de l’ordre de l’inimaginable pour la plupart des gens de cette planète. Les rumeurs ne pouvaient pas servir de preuves ; du moins, pas dans la Nation du Feu.
Dans le Royaume de la Terre, c’était une toute autre affaire. Les espions avaient rapporté des nouvelles intéressantes. L’Avatar y était traité avec vénération, semble-t-il. Absolument tout ce qu’il disait était pris comme argent comptant. S’il disait que les maîtres de l’Air avaient survécu et se battaient à présent dans les rangs de la Nation du Feu, personne ne le contredirait.
Les apparitions de l’Avatar dans le Royaume de la Terre avaient été particulièrement remarquées. Il avait entre autres libéré des centaines de prisonniers d’une des prisons de la Nation du Feu. Ce qui était à peine croyable. Les informations à ce sujet restaient très parcellaires, même à son niveau d’accréditation.
Ce minuscule petit gamin de rien du tout avait eu le temps de parler et les anciens prisonniers s’étaient empressés de faire de même par la suite.
Le plan suivait son cours, sans aucun accroc. En dehors de Zuko.
Zuko n’était pas du tout le prince qu’il aurait dû être. Ozai avait été façonné dans des conditions bien plus extrêmes que ne l’avait été son fils ; et pourtant, lui, lui avait réussi à être fort. Où est-ce que ça avait merdé ? Pourquoi Ozai avait eu un mental d’acier, quand son fils semblait toujours à deux doigts de s’effondrer sur lui-même ?
Zhao avait tendance à penser que le principal responsable de cet échec était Ozai lui-même. Il avait beau regretter cet homme de toutes les fibres de son être, le deuil ne le rendait pas aveugle à ses défauts. Ozai n'avait pas réussi à maintenir la discipline rigide qu'il avait cru pouvoir s’imposer. Il n’avait pas réussi à complètement se détacher de ses liens terrestres.
Ozai avait vécu dans la peur profonde, et sans doute justifié, qu’Azulon tue Zuko. Ozai craignait que les membres de leur propre famille s’en prennent à l’enfant à la première occasion, pour plaire au Seigneur du Feu. Et le seul moyen qu’il avait trouvé pour pallier ça avait été de tenter de l’enfermer ; d’abord dans sa chambre, puis à l’intérieur de son esprit. Qu’il ne fasse jamais de vagues. Qu’il ne fasse pas remarquer. Tout ça pour qu’il reste en vie.
Et résultat, Zuko était incapable de diriger. C’était un être craintif, cherchant à tout prix à plaire pour éviter la confrontation.
Mais le pire était sans doute la pitié qu’il semblait éprouver envers chacun de leurs ennemis. Zhao n’était pas sûr de comprendre d’où venaient ces éclats de moralité qui ressortaient régulièrement ; certainement pas d’Ozai.
Bien heureusement, il ne combinait pas cette faiblesse avec un caractère obstiné. Zuko était malléable ; il serait facile à contrôler. Ils n’auraient apparemment pas droit au souverain auquel ils avaient toujours rêvé, mais au fond ce n’était pas très important. Le prince n’était qu’un outil parmi d’autres, pour les mener vers le chemin de la victoire.
Ils ne seraient jamais libres en jouant franc-jeu. S’ils voulaient que la Nation du Feu les reconnaisse à leur juste valeur, ils devaient commencer par se comporter comme elle.
Zuko avait été affecté à une mission. Seul. Sans Zhao. C’était à peine croyable.
Il y encore cinq mois, il aurait sauté sur l’occasion pour le doubler et récupérer l’Avatar. Mais tout ça lui paraissait si loin désormais. C’était trop tard. Ramener le gamin au Seigneur du Feu ne réglerait pas ses problèmes. Azulon ne lui aurait jamais laissé une once de pouvoir et ce bien avant que Zhao ne commence ses petits jeux politiques.
C’était Zhao qui avait raison finalement. Si les maîtres de l’Air voulaient quelque chose de leur noble et grande nation, ils devraient le prendre par la force.
Yu Dao était la plus ancienne colonie de la Nation du Feu. Zuko la connaissait de réputation. Apparemment, avant l’arrivée des premiers colons, ce n’était qu’un petit village misérable et isolé de tout.
Zuko avait beau se sentir dépassé par beaucoup de choses, il n’était pas stupide. Pourquoi la Nation du Feu aurait dépensé des ressources et envoyé leurs compatriotes s’installer durablement sur une terre pauvre et dénuée d’intérêt ?
Aujourd’hui en tout cas, Yu Dao était d’une richesse indécente. On racontait que cela n’était arrivé que grâce aux colons et que les habitants les avaient rejoints volontairement dans leurs efforts.
Peut-être que c’était vrai.
Pourtant, lorsque Zuko descendit du bateau que Zhao lui avait assigné, ce qu’il vit lui donna une toute autre interprétation de la situation.
Des natifs du Royaume de la Terre, facilement reconnaissables à leurs vêtements verts usés, manipulaient d’énormes sacs de grains ; d’autres encore déchargeaient et chargeaient de lourdes caisses de marchandises. Leurs pieds nus glissaient parfois sur le sol métallique et humide du quai.
À l’inverse les colons, impeccables dans leurs habits rouges et or, ne s’abaissaient pas à un travail aussi physique. Ils supervisaient, en se contentant de pointer du doigt les tâches à accomplir. Ils surveillaient tout ce qu’il se passait d’un œil infiniment critique, et en se permettant de temps à autre de balancer des remarques acerbes aux natifs du Royaume de la Terre. Quelle belle bande de feignants, incapables de travailler vite. Mais qu’importe ce que les colons pouvaient leur dire, les autres ne répondaient jamais à la provocation. Ils continuaient d’accomplir leurs tâches, docilement, sans rien dire.
Ce ne fut qu’à cet instant que Zuko remarqua un groupe le regardant avec insistance, à l’autre bout du quai. Ils étaient encore plus richement vêtus que les autres colons. Cinq hommes et une fille de son âge semblaient l’attendre, le visage fermé.
Zuko sentit une tension subtile flotter dans l'air au moment où il s’approcha d’eux. Les regards, bien que discrets, restaient chargés d’une froideur qui ne lui échappa pas.
Pourtant, ils s’inclinèrent tous les six respectueusement devant lui quand il arriva à leur hauteur.
- Prince Zuko, fit alors un des cinq hommes avec une politesse mesurée. Je me présente : je suis le Maire Morishita. Le Commandant Zhao nous a averti de votre arrivée. Nous sommes honorés de vous accueillir dans notre merveilleuse cité.
A bien y réfléchir, les quatre autres hommes ressemblaient à des gardes du corps. Leurs regards ne s’attardèrent pas sur Zuko, et étaient déjà à papillonner à droite et à gauche tout autour d’eux ; comme si le port était loin d’être un endroit parfaitement sécurisé.
- Voici ma fille, poursuivit le maire en désignant l’adolescente qui s’inclina à nouveau devant lui. Kori. C’est elle qui vous accompagnera durant tout votre séjour parmi nous.
- Votre altesse, grinça cette dernière avec une hostilité palpable.
Zuko choisit de ne pas faire d’esclandre. Il avait besoin de ces gens. Au moins, leur manque de subtilité lui permettait de se montrer vigilant.
Zuko eut du mal à complètement se concentrer sur le blabla incessant du Maire, alors qu’il lui faisait visiter la ville. L’homme ne s’arrêtait jamais de parler et prenait à peine le temps de reprendre son souffle ; Yu Dao était le joyau de la Nation du Feu et blablabla.
Le jeune prince se devait néanmoins de reconnaitre qu’effectivement la ville semblait richissime. Vu du fiacre où ils se trouvaient, tout était parfait. Les rues étaient propres et bien pavées ; les bâtiments, rutilants. Mais alors que les colons, toujours aussi bien habillés, semblaient en accord avec l’environnement ; les natifs, eux, faisaient plus tâches. Ils étaient sales et visiblement miséreux. Voir les deux groupes côte à côte, mélangés dans la foule de passants, marquaient d’autant plus leurs différences sociales.
- Les indigènes vivent-ils ici également ? Demanda soudain Zuko avec curiosité.
Il était impossible qu’ils arrivent à se payer quoi que ce soit dans une ville pareille, mais ça ne coûtait rien de demander.
- La plupart d’entre eux, non, répondit le Maire avec son habituel sourire poli. Nos aïeux ont bien pris soin en s’installant de ne pas altérer ce qui existait déjà. Les indigènes vivent dans la vieille ville. Ils sont libres d’aller et venir, notamment pour travailler ; mais ils sont bien heureux de rentrer chez eux le soir, au milieu de leurs semblables et de leur culture. Nous ne prônons pas la séparation stricte et totale, voyez-vous. S’ils le voulaient, ils seraient tout à fait libres de venir vivre ici. Mais ils ne le font pas. C’est sans doute que ce mode d’organisation leur convient et qu’ils préfèrent rester entre eux.
Encore une fois, Zuko avait du mal à concevoir comment des gens d’apparence aussi pauvres pouvaient financièrement se permettre de vivre dans les quartiers de Yu Dao qu’il voyait défiler sous ses yeux. Ce n’était pas juste un manque de volonté, de toute évidence.
- Allons-nous visiter la vieille ville ? Demanda alors le jeune homme.
- Non, bien sûr que non, répliqua aussitôt le Maire comme si une telle idée était totalement insensée. Cet endroit n’est pas digne d’un prince tel que vous. Voyez-vous les gens du Royaume de la Terre n’ont naturellement pas de grandes notions d’hygiène. La malpropreté et les maladies sont légion dans les quartiers où ils vivent.
Les maladies ?
- N’est-ce pas votre rôle en tant que maire que ce genre de chose n’arrive pas ? Fit Zuko, déconcerté. Comment voulez-vous contenir les épidémies si vous les laissez prospérer dans une partie de votre cité, tout en laissant les gens se croiser ?
- Rassurez-vous, votre altesse, aucune maladie contagieuse ou grave n’est actuellement à déclarer à Yu Dao ; que cela soit dans la vieille ville ou dans la nouvelle.
- Donc, il n’y a pas de maladies dans la vieille ville ? Dit Zuko, qui comprenait de moins en moins. Pourquoi vous venez de me raconter l’inverse ?
Le Maire Morishita eut l’audace de laisser transparaitre son agacement :
- Votre altesse, ces gens ne sont pas totalement comme nous. Ils ne sont peut-être pas malades, mais cela ne sera pas notre cas si nous nous rendons là-bas. Cet endroit est sale et répugnant. Pour ne rien arranger, la vieille ville n’est qu’un labyrinthe, duquel il est très difficile de s’extraire. Je ne suis pas sûr d’être en capacité d’y assurer notre sécurité.
Le silence s’installa quelques instants dans le fiacre. Kori, qui les accompagnait lui et le Maire, n’avait absolument rien dit depuis qu’ils avaient quitté le port. Elle regardait, elle aussi, par la fenêtre et semblait peu intéressée par leur discussion.
- Mais tout n’est pas perdu, fit soudain Morishita en reprenant son expression souriante. Peut-être qu’un jour notre mission civilisatrice portera enfin ses fruits.
Il attrapa tendrement l’épaule de sa fille, pour la réintégrer à la conversation.
- Ma très chère épouse est originaire du Royaume de la Terre elle aussi, poursuivit-il de manière très étonnante. Sa famille a su se détacher de ses anciennes pratiques et a su gagner notre confiance, comme plusieurs autres. Elle a donc pu être envoyée dans les meilleures écoles de Caldera, avant de revenir ici servir notre communauté à mes côtés.
Zuko crut un bref instant avoir mal entendu :
- Votre femme est une indigène ?
Le Maire éclata d’un grand rire gras :
- Ne dites pas ça comme ça. Ce n’est pas pareil. Yu Dao comportait déjà de grandes familles avant notre arrivée. Elles se sont toutes montrées soucieuses d’apprendre nos règles et de s’y soumettre. Ce sont des êtres civilisés, au contraire des sauvages pullulant dans la vieille ville. Et aujourd’hui, il n’y a plus grand-chose de différents entre eux et nous.
Donc définitivement, Yu Dao n’avait jamais été un simple village isolé et arriéré. Des élites y étaient déjà en place et la Nation du Feu avait décidé de les maintenir, plutôt que de s’en débarrasser. Elles devaient leur être particulièrement utiles.
Zuko se demanda vaguement si Kori était la fille de la dite épouse du Royaume de la Terre. Car la jeune fille ne semblait absolument pas prendre mal les dires de son père. Bien au contraire, par instant, elle approuvait silencieusement en hochant la tête avec vigueur.
Cela renvoya brutalement Zuko à sa propre situation. Il était un maître de l’Air servant l’armée qui avait massacré la majorité des maîtres de l’Air. Mais cette étincelle de conscience s’évapora aussi vite qu’elle était venue. Il n’alla pas plus loin dans sa propre introspection et se dit à la place qu’il comprenait Kori. Elle se sentait aussi membre de leur grande nation, qu’il ne l’était lui-même. Pourquoi se sentirait-elle concernée par le sort des habitants de la vieille ville ? Lui ne se sentait pas concerné par celui des Nomades de l’Air après tout.
Le sujet finit par dériver sur ce qui amenait Zuko en ville. Ils le savaient déjà ; Zhao les avait apparemment renseignés en amont. Ce n’était qu’une discussion de politesse, pour meubler leur trop long trajet.
Plusieurs bombes avaient explosé ces dernières semaines à Yu Dao. Des attaques qui épargnaient à chaque fois la vieille ville. Ce n’était pas très difficile d’imaginer qui était responsable et pourquoi.
Des colons étaient morts et c’était intolérable. Mais il y avait bien trop d’indigènes à Yu Dao et malgré tous ses efforts, le Maire n’arrivait à démaquer les coupables. Des gens devaient savoir quelque chose, pourtant tout le monde se taisait. Il avait beau essayer d’infiltrer de potentiels réseaux, ça ne menait jamais à rien. Les indigènes de la vieille ville semblaient connaitre les visages de leurs semblables des beaux quartiers. Ils ne parlaient pas aux espions que Morishita envoyait. Zhao lui avait promis de régler le problème, et ce, par pur patriotisme. Le Commandant ne demandait rien en retour.
Morishita croyait avoir affaire à de parfaits et purs citoyens nés dans la capitale. Il ignorait ce qu’ils étaient, et c’était très bien comme ça.
Le Maire avait tenté de nombreuses fois d’alerter la Nation du Feu sur la situation de Yu Dao. Et tout le monde l’avait ignoré. Morishita n’avait pas assez de connaissances haut placées pour que la Cour soit sensible à son malheur.
Il devait se sentir abandonné par les autorités. C’était sans doute la raison pour laquelle lui et sa fille avaient une telle attitude de défiance vis-à-vis de Zuko.
Zhao et les leurs n’étaient pas assez nombreux pour faire tomber le régime d’Azulon à eux tout seuls. Ils avaient besoin d’appui. Cela commençait par régler ce genre de problèmes, pour gagner la loyauté d’une des villes les plus riches du monde.
Notes:
Merci de m'avoir lu et à la semaine prochaine !
Chapter 13: Le dégoût, la haine et la honte
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Zuko avait passé des heures à étudier les divers rapports que le Maire lui avait confié. La plupart n’était que des torchons sans intérêt. Il pensait avoir tout vu niveau complaisance, mais là ça atteignait un degré inimaginable. Normalement, les rapports officiels et tout l’administratif lié à l’armée étaient exempt de ce genre de comportement. Aucun membre de la Cour ne prenait la peine de les lire ; pas d’intérêt donc à s’embarrasser de formules de propagande. Mais il n’était pas dans la Nation du Feu. Peut-être que les colonies avaient une autre manière de fonctionner. Ou peut-être que tout simplement, comme les noms des rédacteurs semblaient le suggérer, les natifs du Royaume de la Terre, tout intégrés qu’ils étaient, ne se sentaient pas libres de parler franchement.
Les forces de police avaient apparemment arrêté un certain nombre d’indigènes ; un peu au petit bonheur la chance. Et bien évidemment, cela ne menait à rien. Zuko n’était pas sûr que ces prisonniers cherchent à protéger de potentiels terroristes. Vu le peu de preuves détenues à leur encontre, il était possible qu’ils n’en sachent véritablement rien. Mais le Maire Morishita était persuadé que tous les habitants de la vieille ville se connaissaient entre eux personnellement. Ce qui était hautement improbable, étant donné qu’on parlait là de plus de 200 000 personnes.
Au milieu de toute cette paperasse, Zuko était tombé sur quelques notes de synthèse. On avait pris grand soin de lui résumer les lois ayant cours à Yu Dao. Sans doute pour qu’il ne commette pas d’impair ou qu’il ne soit pas surpris par certaines choses.
Il existait apparemment un ensemble de règles créé par Sozin en personne très peu de temps après l’arrivée des colons à Yu Dao ; règles qui étaient depuis appliquées dans toutes les colonies. La population était divisée en deux groupes : les Citoyens de la Nation du Feu et les Sujets de la Nation du Feu.
La Citoyenneté s’obtenait uniquement par naissance et donc ne concernait que les descendants directs des premiers colons. Aujourd’hui, les métis y avaient droit ; mais cela n’avait pas toujours été le cas.
Les Sujets de la Nation du Feu étaient les natifs du Royaume de la Terre, autrement dit les indigènes. De ce que Zuko pouvait lire, les grands principes du droit de la Nation du Feu ne s’appliquaient pas à eux. S’ils se faisaient arrêter, ils n’avaient notamment pas droit à un procès, et ne pouvaient donc pas se défendre. Leur culpabilité et punitions étaient laissées à l’entière discrétion du gouverneur local ; donc dans le cas de Yu Dao, du Maire Morishita. Ce qui n’était définitivement pas une bonne nouvelle aux vues de l’incompétence manifeste de ce type.
Quelques pages plus loin, on venait justifier tout ça. Ce système, où le gouverneur détenait l’intégralité des pouvoirs exécutifs et judiciaires entre ses seules mains, existait bien avant l’arrivée de leur grande nation. Il était encore en cours dans la plupart des villes du Royaume de la Terre. Finalement, on n’avait fait qu’entériner ce qui existait déjà ; mieux : on respectait les coutumes des Sujets de la Nation du Feu.
Supposons.
Quoi qu’il en soit, Zuko n’était pas sûr de comprendre pourquoi les indigènes des beaux quartiers aidaient à ce point les colons. Quoi qu’ils fassent, ils n’avaient pas les mêmes droits que les gens aux côtés desquels ils vivaient. Qu’est-ce qu’ils gagnaient à faire ça ?
Peut-être était-ce tout simplement par lâcheté. Par facilité. Servir la Nation du Feu leur donnait un confort de vie auquel ils n’auraient pas accès en s’opposant à elle. Mais une loyauté qui s’achète était par nature fragile.
Était-on vraiment sûr que les anciennes élites de Yu Dao ne se retourneraient jamais contre la Nation du Feu ?
Quand Zuko avait partagé ses inquiétudes au Maire, celui-ci les avait aussitôt écarté avec désinvolture. Il était intimement persuadé de la loyauté de certains natifs, tout en éprouvant une méfiance irrationnelle envers les autres Sujets. Peut-être aussi que ce manque d’impartialité était dû à sa propre compromission avec une indigène. Zuko ne pensait pas que le Maire puisse éprouver une quelconque sympathie envers les Partisans ; néanmoins, il semblerait qu’il soit aveuglé, compromis, par sa situation familiale.
Qui avait pu penser que laisser cet homme en poste après son mariage était une bonne idée ?
Les Sujets de la nouvelle ville n’étaient pas loyaux. Comment le pourraient-ils, alors que la Nation du Feu les traitait comme des moins que rien ? Alors, certes, ils avaient une meilleure vie que leurs semblables de la vieille ville ; mais leur statut était si médiocre, si précaire… Comment pourraient-ils se sentir plus proches de la Nation du Feu que des autres natifs ?
Bien sûr qu’ils trahiraient la Nation du Feu. Lui-même, Zhao et les autres ne l’avaient-ils pas déjà fait ?
Dès qu’il se dit cela, une sensation de malaise le traversa. Agni, leur combat ressemblait tellement au leur ! Cette pensée, fugace, le troubla un bref instant ; mais ça ne dura pas. Et son esprit se referma presque aussitôt.
Zuko restait un prince de la Nation du Feu. Même quelqu’un d’aussi extrémiste que Zhao ne remettait pas en cause sa propre appartenance à leur grande nation.
Les Partisans voulaient peut-être être libres ; ce qu’ils faisaient était en totale opposition avec les intérêts de la Nation du Feu.
Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre Yu Dao. De ce qu’il pouvait en lire, son sol regorgeait de minerais rares et précieux (expliquant donc la richesse indécente de la ville). Ses mines fournissaient les métaux nécessaires aux toutes nouvelles machines de guerre et aux grandes constructions en général. Perdre Yu Dao, ce n’était pas seulement céder un territoire ; c’était porter un coup définitif à l’effort de guerre.
Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre tout court. Si cela venait à arriver, il était évident que cela n’allait pas bien se passer pour la Nation du Feu. Le Royaume de la Terre et la Tribu de l’Eau ne penseraient qu’à se venger.
Il fallait que la Nation du Feu gagne. Il fallait que son peuple survive.
Et pour cela, Zuko était prêt à tout.
La vieille ville était située au centre de la nouvelle ; cette dernière s’était étendue tout autour d’elle, jusqu’à l’encercler complètement.
L’ancien Yu Dao était cerné par une imposante muraille, qui tombait aujourd’hui en décrépitude. La pierre craquelait par endroits, voir était fissurée à d’autres.
Toujours d’après ce que Zuko avait pu lire dans ce qu’on lui avait transmis, il n’y avait autrefois aucune véritable porte reliant la ville au reste du monde. Comme dans beaucoup de cités du Royaume, Yu Dao était à l’époque entièrement dépendante de ses maîtres de la Terre. Ceux-ci gardaient le mur d’enceinte et ne l’ouvraient que quand cela était nécessaire. Tout ceci avait tendance à rendre presque impossible l’invasion de ces villes. Ce type de murailles étaient trop hautes, trop épaisses ; aucune porte ni aucune ouverture d’aucune sorte ne venaient fragiliser l’ensemble.
Comment la Nation du Feu avait-elle réussi à rentrer, alors qu’elle butait encore sur la plupart des villes disposant du même type de défense ?
Aujourd’hui, en tout cas, personne ne voulait dépendre du bon vouloir des maîtres de la Terre. D’immenses trous béants faisaient office de portes. Grossiers et imposants, ils donnaient l’impression d’avoir été creusés en toute hâte plutôt que façonnés avec soin. En cas de révolte, les maîtres de la Terre devraient être particulièrement nombreux pour réussir à combler cette faille dans leur défense. C’était sans doute le but recherché. Zuko ne voyait sinon pas pourquoi la Nation du Feu aurait besoin d’ouvertures aussi gigantesques sur la vieille ville.
Mais les apparences étaient sauves, semble-t-il. La Nation du Feu ne pouvait pas se permettre de détruire complètement cette muraille ; celle-ci semblait avoir une importance particulière dans l’imaginaire des natifs. Et comme pour une raison qui échappait à Zuko, la Nation du Feu s’acharnait à faire croire qu’elle respectait la culture de ses Sujets, la muraille avait été laissée en place. Après, on pouvait tout à fait ne pas l’entretenir et la laisser lentement dépérir. Le temps ferait le reste.
Zuko, tout de vert vêtu, s’était mêlé à la foule allant et venant vers la vieille ville.
Zhao serait sans doute hors de lui quand il apprendrait ça ; mais Zuko avait eu beau retourner la situation dans tous les sens, il n’était pas sûr qu’il existe une autre solution. Le jeune prince n’avait aucune confiance dans les Sujets vivants dans le nouveau Yu Dao ; et aucun colon n’était suffisamment courageux pour se rendre dans la vieille ville.
Toujours ces supposées maladies, qu’apparemment seuls les descendants de la Nation du Feu pouvaient attraper. Zuko avait eu beau lire et relire les rapports des différents médecins qui le statuaient, il n’arrivait toujours pas à y croire. Comment les natifs pouvaient résister aux dites maladies, alors qu’ils étaient par essence inférieurs aux Citoyens de la Nation du Feu ? Et surtout, lui-même n’étant pas pur, cela ne voulait-il donc pas dire qu’il ne risquait rien lui aussi ?
Les médecins déclaraient un certain nombre de choses. Pour eux, ce qu’il appelait la sélection naturelle faisait son œuvre dans la vieille ville. La mortalité enfantine y étant très élevée, seuls les natifs les plus primitifs arrivaient à l’âge adulte. Leur résistance ne serait que le résultat d’une adaptation bestiale et les éloignaient de toute société humaine civilisée.
Ce qui, dans cette logique, rendrait Zuko également sensible à ces maladies. C’était peut-être une très mauvaise idée.
Mais dans ce cas, pourquoi avait-on envoyé des Sujets de la nouvelle ville enquêter à l’intérieur des murailles ? Eux n’avaient jamais connu que le luxe et la propreté. Ils auraient dû tomber malades eux aussi. Pourtant, Zuko n’était pas tombé sur le moindre rapport qui l’affirmait. Il avait également pu interroger certains d’entre eux et ils semblaient tous en parfaite santé. A ça, le Maire n’avait pu que lui raconter que les Sujets, même de la nouvelle ville, n’étaient pas… Comment avait-il dit ? Pas tout à fait comme nous. Comme si cela expliquait tout.
Supposons que l’intégralité des Sujets de Yu Dao soit prédisposée à résister aux maladies. En quoi cette qualité (parce que ça en était une) en faisait-elle des êtres inférieurs ?
De toute façon, cette histoire était parfaitement illogique. Les Sujets étaient libres de croiser des Citoyens tout au long de la journée. La nouvelle ville aurait dû être ravagée par les épidémies. Ce n’était pas le cas.
Au final, Zuko avait décidé de prendre le risque.
Il y avait peu de chances qu’il tombe malade.
Comme il y avait peu de chances que quelqu’un le reconnaisse. Il n’était qu’un prince de seconde zone. Ni sa famille, ni la propagande ne l’avaient jamais mis en avant, du fait de sa non-maîtrise du Feu. Il paraissait plus inaperçu que n’importe quel Sujet des beaux quartiers. Ces derniers étaient si peu nombreux finalement, à peine une quinzaine de grandes familles ; il n’était pas étonnant que les natifs de la vieille ville les reconnaissent.
Zuko, lui, était un visage inconnu pour ces gens. Ce qui était un très bon point. Les natifs connaissaient sans aucun doute les Sujets de la nouvelle ville, mais ils ne se connaissaient pas tous entre eux. 200 000 personnes, encore une fois, vivaient de l’autre côté de la muraille.
Et bien que cette idée le répugnât intérieurement, il savait que sa cicatrice jouerait en sa faveur.
L’intérieur de la vieille ville était effectivement aussi sale qu’on le lui avait dit.
Une odeur épouvantable s’infiltra dans ses narines alors qu’il passait enfin la muraille. Celle-ci était de fait en bien meilleur état que la ville qu’elle protégeait autrefois.
Les bâtiments de l’ancien Yu Dao étaient tous intégralement fait de pierre, mais l’humidité les désagrégeait morceau par morceau. Des tâches de moisissures noirâtres s’étendaient comme des monstrueuses plaies de-ci de-là, laissant par endroits des fissures béantes à travers lesquels on pouvait entrapercevoir des vies de famille. Les gens vivaient encore dans ces maisons qui semblaient pourtant à deux doigts de s’effondrer sur elles-mêmes. Cela semblait arriver régulièrement, aux vues du nombre de structures de bois trônant au milieu de gravats que Zuko croisa dans chacune des rues qu’il parcourait. Tout était à chaque fois laissé sur place. Personne ne prenait la peine de dégager et reconstruire.
Pourtant, tous ces bâtiments avaient dû être beaux autrefois. Cela se percevait encore dans la perfection des moulures encore en place, dans la délicatesse des détails ornementaux aujourd’hui érodés. Des arches élégantes se dessinaient dans des murs en ruine à moitié effondrés.
Rien de très étonnant, finalement. Toutes ces mines, tous ces métaux précieux, étaient là avant l’arrivée de la Nation du Feu. L’ancien Yu Dao devait être aussi riche que ne l’était le nouveau, aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, Zuko ne supportait pas l’odeur qui régnait. L’air était saturé par la pourriture, l’humidité et un relent d’ordures laissées à l’abandon. Les ruelles, à peine assez larges pour permettre à deux personnes de se croiser, étaient remplies de débris, de vieilles caisses abandonnées, et d’eaux stagnantes où les rats nageaient librement. Et sans s’en rendre compte, Zuko en éprouva du mépris.
Non, « mépris » était un terme trop faible pour exprimer la sensation venimeuse qui le traversa. C’était de l’ordre de l’irrationnel, avec toutes les informations auxquelles il avait eu accès ; mais, Agni, que ces gens étaient sales et médiocres. Comment pouvaient-ils vivre dans de telles conditions, comme des animaux ? C’était le même cheminement de pensée qui l’avait mené à mépriser les Nomades de l’Air. Eux aussi ne s’étaient pas comporté comme de véritables êtres humains, en se laissant massacrer sans réagir.
Il était sûr que dans les deux cas, si la Nation du Feu s’était retrouvée dans pareilles situations, elle n’aurait pas agi de la même manière. Elle se serait défendue, elle ne se serait pas laissé aller, elle valait mieux que ça, elle...
Et alors qu’il était tout à ses pensées, quelqu’un lui rentra alors dedans ; si fort, que Zuko en perdit l’équilibre et s’effondra de tout son long sur la saleté du sol.
Il se retint à grande peine d’hurler de dégoût, mais très vite on le releva et on tenta d’épousseter ses vêtements en ruine.
- Oh, pardon, fit alors une voix chaude et profonde avec une inquiétude sincère. J’espère que je ne vous ai pas fait mal.
L’homme qui l’avait fait tomber, venait de le relever et ne s’était toujours pas décidé à le lâcher, devait avoir dix-huit ans comme lui ou à peine plus. Il avait des cheveux étrangement courts pour un natif du Royaume de la Terre. Pourtant, Zuko avait cru comprendre que les natifs du Royaume de la Terre ne coupaient jamais les cheveux, par respect pour leurs parents qui leur avaient transmis cette chevelure. Mais pour tout dire, ce n’était pas la seule bizarrerie dans l’accoutrement de cet inconnu ; il était vêtu d’un étrange assemblage hétéroclite de ce qui semblaient être différentes armures. Et rien, absolument rien, n’était vert.
Zuko savait que tous les natifs du Royaume de la Terre ne se limitaient pas à cette seule couleur ; plus au sud, les gens portaient du bleu et du rose. Mais ce n’était pas le cas à Yu Dao. Et surtout, pour autant qu’il sache, aucun d’entre eux ne s’était jamais affublé de rouge comme cet inconnu. Pas même les Sujets des beaux quartiers.
Cette tunique écarlate n’allait pas avec le reste de ses vêtements. Elle avait été cousue pour un Citoyen de la Nation du Feu, c’était indéniable. Mais la question était de savoir si cet homme l’avait récupéré jetée dans les ordures ou tout simplement volé. C’était vraiment étrange. Car les autres natifs tout autour d’eux, bien que misérables, continuaient à porter leurs habits traditionnels, même en état de loques.
Toutes ses réflexions ne prirent que quelques secondes, mais cela était anormalement long pour quelqu’un tenu dans les bras d’un inconnu. Mais cela ne semblait pas déranger l’autre homme, bien au contraire. Son sourire ne faisait que s’élargir et soudain Zuko se sentit mal à l’aise. Il se dégagea avec brusquerie et rétorqua un très glacial :
- Non, ça va.
Zuko s’apprêtait à partir, mais l’inconnu ne semblait pas l’entendre de cette oreille. Le jeune homme lui attrapa doucement le bras pour le stopper dans sa course, et cela agaça prodigieusement le maître de l’Air.
Il détestait qu’on le touche. Et ce type était définitivement trop tactile. Il s’apprêtait à le remettre à sa place, mais une pensée le frappa soudain lorsque son regard retombait sur la tunique rouge de l’inconnu. Il était là pour enquêter, pas pour se faire respecter. Peut-être que ce natif savait quelque chose, peut-être que…
- Je crois vous avoir menti. Je ne peux pas véritablement dire que je sois désolé, fit alors l’inconnu d’un air charmeur. Alors que vous renverser est la plus belle chose qui ait pu m’arriver aujourd’hui. Vous me faites presque regretter de ne pas trébucher plus souvent.
Un sourire, large et effronté, étira ses lèvres. Ses doigts s’attardèrent un peu trop longuement autour du bras de Zuko, avant de relâcher leur prise comme à regret.
- Franchement, c’est criminel de se promener avec un visage comme le vôtre. Vous rendez les rencontres ordinaires terriblement fades.
Zuko resta interdit quelques secondes, incapable d’intégrer véritablement tout ce qu’il venait d’entendre.
- … Pardon ? Fut tout ce qu’il réussit à exprimer.
Mais Zuko avait parfaitement compris. Le regard bizarrement intense de l’inconnu venait lui dire tout ce qu’il avait besoin de savoir. Ce n’était pas une blague, aussi déplacée qu’elle puisse être. Et cela l’horrifia.
C’étaient des avances.
Comment ce type osait se comporter de cette manière, aussi librement, en public ? Alors que d’autres gens passaient autour d’eux et pouvaient les entendre ?
L’indigène, pourtant, ne semblait pas gêné. Aucun passant ne semblait s’en soucier non plus. Des gens étaient en train de faire leurs courses dans une minable petite échoppe de fruits, juste à côté d’eux. Ils avaient forcément tout entendu. Et pourtant, personne ne dit rien. Il n’y eu pas même un seul regard dans leur direction.
Comme si tout était normal ; et même parfaitement banal.
L’inconnu semblait ne pas comprendre toute l’ampleur de son trouble. Il continuait de parler, insensible à tout sentiment de gêne :
- On dirait que le destin a voulu que nos chemins se croisent aujourd’hui. Peut-être que c’est le signe que nous devrions prendre un verre tous les deux ?
C’était de pire en pire. Mais la situation prêtait à sourire. Qu’est-ce que c’était que ce genre d'approche ? Personnellement, il n’aurait jamais osé sortir ça à une fille. Il aurait été foudroyé par la honte avant de pouvoir terminer sa phrase. Cette pensée dissipa brièvement les horreurs grinçant à l’intérieur de son crâne. Ce type était tellement sûr de lui qu’il en devenait… sympathique ?
Il aurait dû s’indigner, claquer une réponse cinglante et partir. A la place, Zuko se rendit compte que ses joues s’échauffaient, alors que l’inconnu le regardait comme s’il était effectivement la plus belle chose qu’il ne lui ait jamais été donné de voir.
Zuko comprit brutalement qu’il se sentait flatté ; et le dégoût revint aussitôt. Si violemment qu’il eut brusquement le cœur au bord des lèvres. Il avait envie de vomir. Il était dégueulasse, répugnant. Il était déjà une abomination contre-nature avec sa maîtrise de l’Air, il n’avait pas besoin que ce genre de saloperie se rajoute au reste.
Il n’avait pas de mots assez forts pour dire à quel point il se sentait sale.
- Alors, dites-moi... ai-je encore une chance de me faire pardonner, ou dois-je rester là à vous admirer en espérant un miracle ? Dit soudain l’inconnu d’un petit air taquin.
Zuko le détestait.
Pourquoi restait-il à sourire comme un idiot face à lui, sans jamais prendre ombrage de son manque de réaction ?
C’est ça.
C’était un idiot.
Et Zuko avait besoin d’idiots, s’il voulait des réponses.
Notes:
Voilà, voilà.
J'espère que ça vous a plu et merci énormément pour les kudos !
Merci de continuer à me lire et à la semaine prochaine !
Chapter 14: De l'autre côté du mur
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Plus Zuko emboitait le pas à l’inconnu, plus il s’enfonçait dans la vieille ville, plus il se rendait compte que c’était peut-être, sûrement, une très mauvaise idée. Il n’avait prévenu personne qu’il était là. Sur le moment, cela lui avait paru être judicieux. Maintenant, il commençait à réaliser que personne n’aurait l’idée saugrenue de rechercher un prince de leur grande nation dans un endroit pareil. Et en supposant qu’ils pensent par exemple que les Partisans l’aient enlevé, Zuko n’était pas sûr qu’ils aient le courage de se rendre de l’autre côté de la muraille.
Quoi qu’il arrive, il devrait se débrouiller tout seul.
Sauf que Zuko commençait à réaliser que la vieille ville était peut-être effectivement un labyrinthe. Plus ils s’éloignaient de la muraille, plus les ruelles se révélaient tortueuses et resserrées. Par endroits, elles étaient à peine assez larges pour laisser passer une personne.
Alors que Zuko se glissait de biais dans un de ces passages particulièrement étroits et qu’il se demandait si tout cela en valait la peine, les deux murs se mirent à trembler de part et d’autre. Il tenta aussitôt de reculer, mais n’en eut pas le temps alors qu’un craquement sinistre retentissait dans l’air. La ruelle était trop longue et… et… Et les murs, plutôt que de s’effondrer, commencèrent lentement à s’écarter de lui. La pierre grinça une fois de plus, et ce qui était un chemin sombre et étouffant s’ouvrit en une avenue pavée éclairée par de larges rayons de soleil.
- Première fois à Yu Dao ? Demanda l’inconnu, qui contrairement à lui n’avait montré aucun signe de panique.
Zuko le regarda, se demanda très rapidement ce qu’il était censé répondre à cela, avant de tenter :
- Exact, dit-il avec une tranquillité inverse au stress qui commençait à pulser dans ses veines. Je viens des provinces Hu Xin. Il parait qu’il y a plus de travail ici que chez moi.
- Certes, répondit l’inconnu. Mais je suis quasi sûr qu’il y a plus d’argent à se faire de ton côté des colonies. Au port Daxia, par exemple.
Zuko laissa échapper un petit rire.
- Je pense que je vivrai plus vieux en tant que mineur, qu’en tant que truand.
- Ça reste à voir, répliqua le natif sans jamais se départir de son air charmant, comme si tout ceci n’était qu’une simple discussion sans conséquence. Tu ne m’as pas l’air très costaud. Si en plus tu ne maîtrises pas la Terre, tu ne risques pas de résister très longtemps.
Il attrapa les mains de Zuko, avec douceur, comme pour les examiner. Et ce ne fut qu’à cet instant que le jeune prince remarqua la lueur glacée dans les yeux bruns de l’inconnu. Pourtant, ce dernier continuait à sourire quand il lui dit :
- Tu ne m’as pas l’air fait pour casser des pierres. Regarde-moi ça… Pas une seule callosité. Je ne savais pas que les mines de Yu Dao engageaient des artistes.
- Lâche-moi, siffla Zuko, un frisson de gêne montant le long de sa nuque.
L’inconnu éclata d’un rire léger, presque moqueur, mais obéit.
- Tu as raison, je m’emporte. Mais... ça me ferait vraiment de la peine, tu sais. Imaginer ces mains, si belles, si délicates, réduites à de vulgaires outils. Après quelques mois dans les mines, elles seront fendues et rugueuses. Un vrai gâchis.
Zuko réalisa soudain, enfin, que ce type qui qu’il soit, ne cherchait pas à le séduire.
Il l’interrogeait.
Ce type ne lui était sans doute pas rentré dedans par hasard. Pire, c’était arrivé alors qu’il venait à peine de rentrer dans la vieille ville. Comment l’avait-il repéré ?
On n’avait pas pu avertir les Partisans de son arrivée, vu qu’il n’avait prévenu personne de son plan.
De toute façon, si les Partisans avaient la moindre idée qu’un prince de la Nation du Feu se trouvait parmi eux, ce petit interrogatoire ne se déroulerait pas de manière aussi informelle, en public.
On lui aurait sans doute sauté dessus dès l’instant où il avait franchi la muraille d’enceinte.
Mais pourquoi s’intéressait-on à lui tout particulièrement ?
Qu’est-ce qu’ils savaient ? Qu’est-ce qu’ils ignoraient ?
Peut-être qu’on était justement en train de le kidnapper et qu’il était en train de gentiment leur rendre service en suivant cet inconnu sans se poser de questions.
Peut-être qu’ils savaient déjà tout.
Zuko réalisa qu’il n’avait pas la moindre idée de comment rejoindre la muraille et donc la nouvelle ville, par ses propres moyens, à partir de l’endroit où ils se trouvaient à présent.
- Tu as raison, dit-il soudain. Peut-être que je n’arriverai pas à tenir le rythme d’un travail manuel. Mon ancien patron pensait la même chose. C’est pour ça qu’il me faisait tenir les comptes à la ferme. Je n’étais peut-être pas assez fort, pas assez endurant ; mais au moins, moi, je savais lire et compter. Ce n’était pas son cas.
L’inconnu continuait à sourire en l’écoutant, comme si encore une fois ce n’était qu’une simple discussion entre amis, pour faire connaissance. Zuko était incapable d’estimer à quel point ce qu’il venait de dire avait été cru. Mais ce que le natif lui dit alors accentua sa tension interne :
- C’est malheureusement le cas de beaucoup de Sujets. Par quel miracle avez-vous été épargné, ô grand esprit intellectuellement supérieur ?
- Mon père n’est pas né dans les colonies, répondit Zuko avec un naturel qui le surprit lui-même. Il a pu faire des études jusqu’à son adolescence, jusqu’à que…
Zuko fit une pause et prit une expression résignée.
- Jusqu’à que la Nation du Feu annexe son village.
Il prit une nouvelle pause. Il pensa à son père, à son vrai père et sa voix se teinta naturellement de nostalgie.
- Il m’a appris tout ce qu’il savait. Sans lui, je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui.
- Et où est ce brave homme à présent ? Demanda l’inconnu, toujours aussi badin.
- Mort. En soldat.
Cette phrase était hachée, désarticulée, par la souffrance véritable qui menaçait de l’étouffer alors qu’il repensait à Ozai.
L’inconnu hocha légèrement la tête. Sa voix, quand elle s’éleva à nouveau, semblait étrangement neutre, dépouillée de ses habituelles pointes de charme.
- La guerre nous a pris beaucoup trop de monde.
Mais l’inconnu se remit bien vite à sourire :
- Et donc pour quelle raison es-tu venu honorer notre humble ville par ta présence, plutôt que ta petite ferme de Hu Xin ?
Zuko haussa vaguement les épaules d’un air passablement résigné :
- Ils n’avaient plus les moyens de me garder. Avec l’augmentation des taxes, la plupart des gens de Hu Xin ont du mal à s’en sortir en ce moment.
Un bref silence s'installa. L’inconnu resta immobile, le regard fixé sur Zuko, avec une étincelle indéchiffrable au fond de ses yeux presque noirs. Son inébranlable sourire désinvolte ne s’y reflétait pas. Et pourtant, il n’insista pas et changea brusquement de sujet.
- Je parle, je parle et je me rends compte que j’ai oublié mes bonnes manières. Je m’appelle Jet. Et toi ? Fit-il d’une voix plus enjôleuse que jamais.
Jet. Vraiment ? Il ne connaissait pas bien les us et coutumes du Royaume de la Terre, mais ça ne ressemblait pas à un vrai prénom. Un surnom, sûrement. Peut-être même un pseudonyme. Mais Zuko ne laissa rien transparaître.
- Li, répondit-il simplement.
Il existait des millions de Li, tant dans le Royaume de la Terre que dans la Nation du Feu. Il n’y avait pas plus commun. C’était parfait.
- Li, répéta Jet d’un ton presque chantant, comme s’il savourait ce mot entre ses lèvres. Quel joli prénom.
Agni, on était donc repassé aux phrases d’approche complètement stupides. Pour l’endormir. Parce qu’apparemment il avait l’air parfaitement idiot.
Chaque mot de Jet, chaque sourire, lui donnait l’impression d’une toile qui se resserrait lentement autour de lui.
Zuko se demanda soudain s’ils étaient observés. Est-ce que des gens se tenaient prêts à réagir en cas de problème ? Les passants étaient-ils véritablement de simples badauds désintéressés ? Jusqu’à quel point était-il en danger ?
- Alors Li, reprit Jet. Tu as déjà trouvé du travail ou pas encore ? Peut-être que je pourrais t’aider.
Zuko esquissa un sourire qu’il espérait plein d’espoir.
- Vraiment ?
- Vraiment, répondit Jet. Disons que je connais du monde ici. Il faut juste savoir à qui s’adresser.
Ça faisait bien plus d’une demi-heure qu’ils marchaient et pas la moindre trace d’endroit où prendre un verre à l’horizon. Il n’y avait que des habitations délabrées à perte de vue. Zuko n’était pas sûr qu’il existe le moindre lieu de sociabilité dans la vieille ville. Où est-ce que Jet comptait l’emmener ?
- Les mines, c’est… disons, pas le meilleur endroit pour un nouveau venu. Ce serait dommage d’y envoyer quelqu’un comme toi, poursuivit Jet en ponctuant ses dires d’un léger clin d’œil.
Quelqu’un comme toi. Ça pouvait tout à fait être pris comme la suite logique de sa drague lourde. Pourtant, Zuko sentait, savait, que ça voulait dire tout à fait autre chose. Son esprit commença à s’emballer. Ses muscles se tendirent imperceptiblement.
Jet ne maitrisait pas la Terre ; Zuko en était persuadé. Il n’avait pas le pas lourd propre aux utilisateurs de cette maitrise. Il devrait être facile à tuer.
Mais pourtant, une part de lui restait froide, stoïque. Pas tout de suite. Pas encore.
Jet ralentit légèrement et Zuko, en réponse, renforça sa vigilance. Les rues étaient désertes. Aucun témoin. Aucun renfort pour Jet, non plus. Était-ce pour cela qu’il traînait autant ? Est-ce qu’ils étaient en train d’attendre des complices ?
Zuko ne comprenait pas comment les Sujets arrivaient à se repérer dans la vieille ville. Plusieurs fois, pendant tout leur trajet, les rues et les murs s’étaient montrés mouvants, comme mus par une volonté propre. (Où étaient-ils d’ailleurs ces maîtres de la Terre ? Pourquoi ne les voyait-on pas ? Étaient-ils si nombreux que cela, pour que toute la ville bouge en permanence ?)
Ça devait être invivable.
Il n’arrivait pas à s’imaginer vivre dans une maison pouvant bouger à tout moment du jour et de la nuit.
Jet tourna légèrement la tête vers lui. Il semblait réfléchir :
- Tu n’as pas l’air taillé pour les mines, reprit-il avec un sourire qui aurait pu paraître bienveillant à quelqu’un de moins sur ses gardes. Mais il y a d’autres options.
Il fit un vague geste de la main, comme pour balayer les ruelles autour d’eux.
- Ici, à Yu Dao, on a toujours besoin de bras. Pas forcément pour creuser des tunnels ou casser des cailloux. Il y a aussi les entrepôts du port, si tu veux ; mais la paie est minable.
Jet laissa passer quelques longues secondes, puis ajouta :
- Il existe aussi des boulots moins… officiels. Pas tout à fait dans les règles, tu vois. Ceux-là payent mieux, et franchement, dans cette ville, les règles ne font que profiter aux mauvaises personnes.
Zuko hocha la tête, avec une curiosité et une naïveté feinte :
- Quel genre de boulot ?
- Du transport, par exemple. Des livraisons, discrètes. Parfois des petits travaux de manutention. Rien de bien méchant. Ça demande d’être… malin, et de ne pas poser trop de questions.
Zuko haussa les épaules avec désinvolture :
- Tant que ça paye…
Jet sembla apprécier cette réponse. Son sourire s’élargit et il posa une main sur l’épaule de Zuko. Le contact dura une fraction de seconde de trop, mais le jeune prince se força à rester immobile.
- Je connais des gens qui pourraient te donner un coup de pouce.
Peut-être que ce type n’était finalement pas un Partisan, mais plutôt un malfrat de bas étage, prêt à manipuler et à utiliser un malheureux garçon pauvre.
Cela restait une avancée intéressante.
Les financements potentiels des Partisans étaient toujours bien mystérieux. Leur mouvement n’était pas soutenu par le Royaume de la Terre ; mais alors d’où venait leur argent ? Certainement pas des Sujets de la vieille ville, payés une misère.
Yu Dao n’était pas Daxia. La criminalité y avait longtemps été absente. Alors oui, bien sûr, il y avait bien des soucis de ci de là, mais rien de très organisé ou généralisé. Pourtant, quelque chose semblait avoir changé il y a environ une vingtaine d’années. Il était tentant de rapprocher cela avec le moment où Morishita avait été nommé maire. Les dates concordaient. Peut-être était-il réellement incompétent ; peut-être était-il juste corrompu.
Quoi qu’il en soit, des mouvements mafieux, semblables à ceux sévissant depuis plus d’un demi-siècle à Daxia, commençaient à gangréner Yu Dao. Et bien sûr, rien de tout ceci n’était présent sur les rapports que Morishita lui avait transmis. Il espérait sans doute, bêtement, que cela ne remonte pas aux oreilles de la capitale… Alors que c’était une affaire connue de tous à Caldera. Même Zuko en avait entendu parler, c’est dire.
Jet s’approcha alors d’un mur, semblable à tous les autres, et y toqua comme s’il s’agissait d’une porte.
Avant que Zuko n’ait eu le temps de s’interroger, le mur s’enfonça brusquement dans le sol avec un vacarme épouvantable.
Derrière l’ouverture béante se tenait un homme absolument gigantesque. Il avait des épaules si larges que Zuko se demanda s’il pouvait même passer par l’une des ruelles étroites de la ville, sans avoir recours à la maitrise de la Terre. Chaque muscle de ses bras et de son torse tendait le tissu déjà usé de son vêtement.
Ses yeux, verts et perçants, se fixèrent immédiatement sur Zuko, qui eut du mal à réprimer un mouvement de recul.
- C’est qui lui ? Dit l’homme d’un air passablement inquiétant.
- Salut, Xin Fu, fit Jet sans l’ombre d’une crainte. Ça va ? Nous voudrions prendre un verre, mon ami Li et moi.
Le bras du jeune natif alla se glissa derrière le cou de Zuko, qui contient à grande peine un frisson de dégoût. Mais une pensée, autrement plus importante, le traversa.
Était-il complètement stupide ? S’il rentrait dans cet endroit, sans aucune véritable porte, il serait piégé comme un rat. Zuko avait déjà suffisamment de raisons de se mépriser sans avoir à ajouter « naïveté suicidaire » à la liste.
Il ne pouvait pas faire demi-tour. Pas sans compromettre son objectif. Pas sans renoncer à une piste qui pouvait se révéler si fructueuse. Il n’allait pas interroger le moindre Sujet qu’il croiserait par la suite, dans l’espoir qu’il parle. Alors que pouvait-il faire d’autre à part continuer à jouer le rôle de Li ?
Il savait que c’était dangereux dès l’instant où il avait décidé de se déguiser tout en vert et de venir ici. Il n’allait pas reculer maintenant.
Le grondement sourd du mur qui se refermait derrière eux résonna comme le glas de sa propre imprudence.
La pièce dans laquelle ils se trouvaient, à présent, était dénuée de tout. Quatre murs nus, sans la moindre fenêtre, sans mobilier.
Xin Fu, sans crier gare, donna un coup de pied magistral dans le sol ; sol qui se mit aussitôt à trembler, violemment. Et les pavés s’écartèrent pour dévoiler un escalier s’enfonçant dans les profondeurs.
Jet tourna la tête vers Zuko avec un sourire faussement rassurant. Il ne l’avait toujours pas lâché ; son bras était toujours glissé autour de sa nuque, comme le ferait un amant.
- Prêt à découvrir un monde que tu n’as encore jamais vu, mon petit fermier de Hu Xin ? Lança Jet, d’un ton léger.
Zuko ne répondit pas. Jet n’attendait pas de réponse, de toute façon. Il l’entraîna vers l’escalier et Zuko suivit le mouvement.
Quand ils arrivèrent enfin en bas, une lumière verte et indéfinissable éclairait l’espace devant eux. Un bar clandestin, enfumé et bruyant, se dévoila.
La salle était bondée, grouillante de gens à l’allure douteuse. Certains riaient bruyamment autour de tables surchargées de bouteilles et de gobelets. Des prostitués, hommes et femmes, passaient d’un client à l’autre ; leurs vêtements suggestifs dévoilant plus qu’ils ne couvraient.
Le regard de Zuko glissa, bien malgré lui, sur les corps dénudés qui paraissaient presque irréels sous la lumière tamisée. C’était affreusement dérangeant et même profondément dégoûtant. Et pourtant…
- Tu as les joues rouges, fit soudain Jet avec amusement.
Zuko sursauta, pris sur le fait et sentit le rouge lui monter encore plus aux joues.
- Pas la peine de te sentir gêné, susurra Jet d’un air joueur. Tu as bien le droit d’admirer.
La remarque fit bouillonner Zuko de honte. Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun mot n’en sortit.
Jet éclata de rire. Zuko ferma brièvement les yeux et prit une profonde inspiration pour ne pas exploser. La mâchoire serrée, il résista à l’envie de faire voler cette main trop familière qui reposait encore autour de son cou.
L’embarras de Zuko sembla ravir Jet au plus haut point. Il finit néanmoins par désigner une table isolée dans un coin de la salle.
- Viens, on va discuter tranquillement.
Jet se laissa tomber sur une chaise avec nonchalance. Et Zuko s’installa en face de lui, toujours aussi furieux. Ils étaient à présent à l’abri des regards, et sans doute des oreilles indiscrètes.
- Tu sais, fit alors Jet de but en blanc. Il m’a suffi de voir ta cicatrice pour savoir exactement qui tu étais.
Zuko sentit une pointe glaciale lui traverser l’échine. Non, non, non… Il avait mal compris. Il ne serait pas là, au milieu de tous ces gens ivres et inattentifs, si Jet savait réellement la vérité à son sujet.
Et effectivement, Jet poursuivit :
- Tu es un proscrit… Comme moi. Et entre proscrits, nous devons nous serrer les coudes et surveiller nos arrières. Parce que personne d’autre ne le fera. Tu as peu de chances de te faire engager dans la nouvelle ville avec une cicatrice comme la tienne. Les colons n’aiment pas ce qui peut leur rappeler leurs méfaits. Ils se complaisent dans un monde imaginaire, où tout va bien et où nous vivons tous en parfaite harmonie. Qu’importe qui a pu te faire ça et pourquoi, ils ne chercheront pas à comprendre. Au mieux, ils se contenteront de t’ignorer, par gêne. Au pire, ils estimeront que cette personne avait une très bonne raison de te brûler et ils t’arrêteront. Juste au cas où. De toute façon, légalement, ils n’ont pas à se justifier. Ils pourraient t’envoyer croupir en prison pour le restant de tes jours, sans jamais avoir à te dire pourquoi.
Alors que Jet parlait, Zuko sentit un léger soulagement se frayer un chemin à travers son angoisse.
Jet le croyait.
Notes:
Merci de continuer à me lire ! Je sais que ce chapitre n'a rien d'extraordinaire, mais j'espère qu'il vous a quand même plu. On se retrouve la semaine prochaine pour la suite !
Chapter 15: Idéaux
Notes:
Bonjour, bonjour ! Pour ceux qui utilisent les traducteurs automatiques, je vais préciser les noms que la traduction française officielle a donné au petit groupe de Jet :
"Smellerbee" => "Pesticide"
"Longshot" => "La Flèche"
"Sneers" => "Vanneur"
"Pipsqueak" => "Demi-Portion"Voilà, petite précision terminée. Bonne lecture à vous !
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Zuko se félicitait d’avoir pris la peine d’envoyer un message à Zhao avant son départ. Cela éviterait quelques malentendus sur les raisons de son absence. Le faucon avait dû arriver à bon port depuis. Zuko ne pouvait qu’imaginer la fureur de son professeur ; mais le Commandant n’enverrait personne pour le récupérer, il en était persuadé. Malgré tout ce que Zhao pourrait bien lui dire quand ils se reverront, Zuko savait que le plus vieux appréciait secrètement l’initiative.
Zhao ne pourrait plus le traiter de lâche.
Ne lui avait-il pas dit qu’ils devaient tout faire, absolument tout, pour contenir la révolte à Yu Dao ?
Après quelques heures à boire et à enchainer les verres, Jet lui avait offert un endroit où dormir. Et le pauvre petit immigré sans-le-sou qu’était censé être Zuko avait accepté.
À présent, il était avec lui et son groupe d’amis dans une de ces maisons recouvertes d’humidité qui avaient l’air de pulluler dans la vieille ville.
Les amis en question étaient aussi étrangement habillés que ne l’était Jet ; un assemblage de vêtements hétéroclites qui semblaient avoir été récupéré à droite et à gauche. La plupart d’entre eux portaient du rouge et certains s’étaient également coupé les cheveux très courts.
Jet était définitivement un pseudonyme. Tout comme l’était « Pesticide », « La Flèche », « Demi-Portion », « Le Duc » et « Vanneur ».
Qui étaient ces gens ?
Ils l’avaient accueilli parmi eux avec une générosité inattendue, en partageant notamment le peu de vivres qu’ils possédaient. Du riz, encore du riz, accompagnés de quelques malheureux légumes. Et pas de viande, bien sûr.
Au début, Zuko n’avait pas pu se résoudre à avaler quoi que ce soit. Lui-même n’avait jamais manqué de nourriture. Même en disgrâce. Même en plein exil. Ces gens partageaient avec lui ce qu’ils possédaient, non pas par abondance, mais par choix. Parce qu’ils le considéraient comme l’un des leurs. Comme un Sujet des colonies, sans ressources.
Zuko était incapable d’expliquer, de nommer, le sentiment qui lui avait tordu les entrailles à cet instant.
La sensation s’était accentuée quand, interprétant mal sa réaction, le petit groupe l'avait poussé à manger.
Refuser aurait soulevé des questions.
Mais ce sentiment n’avait disparu. Bien au contraire. Chaque bouchée qu’il avalait se transformait en un poids dans son estomac, jusqu’à ce que la nausée commence à monter, sourde et insistante.
Un coup d’œil rapide vers l’enfant disant s’appeler le Duc, qui grattait les parois de son bol pour attraper les derniers grains de riz, acheva de le terrasser.
Il avait honte.
Il avait beau savoir que son rôle ici était nécessaire, que sa présence servait un but plus grand, il n’arrivait pas à y échapper.
Il attrapa alors son bol, encore à moitié plein, et le tendit au petit garçon assis à côté de lui, en lui disant :
- Je n’ai plus faim.
Le Duc se jeta littéralement sur le bol en question, après lui avoir adressé un large sourire. La sensation acide, qui lui remontait dans la gorge, ne fit que s’accentuer.
Il ne devrait pas se sentir comme ça. Quoi qu’il puisse se passer dans la vieille ville, il était sûr que cela pouvait s’expliquer rationnellement. D’accord, il semblerait que Yu Dao ne soit pas l’ancien village de pêcheurs qu’il était censé être selon la Nation du Feu. D’accord, il y avait une situation d’injustice flagrante entre les gens de la vieille et la nouvelle ville. Mais…
Mais ce n’était que des gens du Royaume de la Terre.
Était-ce si grave au bout du compte ?
Ce n’était que des ennemis, et pas seulement potentiels aux vues des bombes explosant régulièrement dans les beaux quartiers.
Qu’importe toute la sympathie que la situation des natifs lui inspirait, il ne pouvait pas se permettre d’avoir pitié d’eux.
Eux n’en auraient sans doute aucune quand ils apprendront sa véritable identité.
La pauvreté de tous ces gens n’était qu’une conséquence collatérale de l’effort de guerre. Une fois que tout serait enfin terminé, la Nation du Feu viendrait apporter l’ordre et à la prospérité au reste du monde. Les Sujets méritants seraient enfin récompensés pour leur sacrifice.
Et alors qu’il était tout à ses pensées, le petit groupe continuait de discuter joyeusement. Demi-Portion racontait une histoire passablement absurde à propos d’un homme à qui il devait de l’argent et à qui il avait encore réussi à échapper ; le tout sous les railleries de ses compagnons.
Zuko écoutait, souriant, mais resta parfaitement silencieux. Son esprit recommença à fonctionner et il se demanda ce que ces gens lui voulaient. Et comme s’il avait compris à quoi il pensait, Jet reporta brusquement son attention sur lui :
- Tu marches comme un danseur.
Zuko tourna la tête vers lui, intrigué :
- Hein ?
- C’est la première chose que je me suis dit quand on était dans la rue, poursuivit Jet sur le ton de la conversation. C’est fluide… léger… Comme si la gravité ne t’atteignait pas tout à fait.
Les autres, autour de la table, avaient cessé de parler. Du coin de son œil valide, Zuko remarqua le sourire indéfinissable sur les lèvres de Pesticide.
- Ça s’appelle être précautionneux et regarder où on met les pieds, répondit Zuko en s’efforçant de conserver un ton léger et détendu, alors qu’un début de malaise commençait à s’insinuer en lui. Ce n’est pas si rare. Tu le saurais si tu ne tombais pas comme un gros sac sur les gens que tu as le malheur de croiser dans la rue.
Il y avait à présent quelque chose de vaguement carnassier dans l’expression de Jet :
- Non. Ce n’est pas juste ça. Tu te déplaces comme quelqu’un qui pourrait… s’envoler, à tout moment. Comme si marcher n’était qu’une formalité.
Zuko se força à rire, d’une manière qu’il espérait naturel.
- Ce qui veut dire ?
- Que j’ai déjà croisé des gens comme toi, répliqua Jet, les yeux brillant d’un éclat presque jubilatoire. Et que je sais très exactement ce que tu es.
C’était comme si le sol se dérobait brusquement sous ses pieds.
Zuko resta figé un instant, le souffle court, incapable de penser à quoi que ce soit. Il balaya vivement la table du regard et se rendit compte soudain qu’ils savaient. Tous. Et pourtant, aucun d'entre eux ne semblait particulièrement inquiet ou en colère.
Jet, toujours souriant, se redressa.
- Ne t’inquiète pas, reprit-il sur un ton apaisant. On n’est pas tes ennemis, Li... Ou quelque soit ton véritable nom. On est peut-être les seuls ici à pouvoir comprendre ce que ça fait… d’être différent.
Il marqua une pause ; son sourire se transformant en quelque chose de plus sérieux. Avant que Zuko ne puisse répondre, Jet tendit sa main droite et une flamme apparut au creux de sa paume ouverte.
Zuko resta un instant interdit, avant de balbutier :
- Mais… Comment ? Comment se fait-il que… Que… Tu es un Citoyen ? Mais alors qu’est-ce que tu fous là et pas dans la nouvelle ville ? Les métis ont la citoyenneté non ?
Une ombre, indéfinissable, traversa le visage de Jet.
- Non. Je n’ai pas la citoyenneté. Pour cela, il aurait fallu que mon géniteur ait pensé à épouser ma mère quand il s’est attaqué à son village et l’a violé.
Jet semblait attendre une réaction, qui ne vint pas. Il referma alors le poing et la flamme s’éteignit brutalement. Et Zuko réussit, enfin, à demander :
- Est-ce que ça veut dire que… Vous tous ?
- Pas tous, non, répondit Jet. Pas Vanneur. Lui est un véritable natif de Yu Dao.
Comme par hasard le seul d’entre eux à avoir les cheveux longs, comme le voulait la tradition du Royaume de la Terre par respect envers ceux qui nous ont mis au monde.
Mais quel respect pourraient-ils tous avoir, alors chacun de leurs pères avaient apparemment violé leurs mères ?
Soudainement, un détail lui revint à l’esprit :
- Il a attaqué son village ? Vous… Vous n’êtes pas… Pas des colonies… Pas des Sujets... Vous venez du Royaume de la Terre !
Jet émit un petit rire sans joie :
- Tout comme toi, non ? Enfin toi, c’est pas tout à fait du Royaume de la Terre… Mais d’un peu plus à l’ouest, pas vrai ?
Zuko s’efforça de conserver une expression neutre, mais il savait que son silence parlait pour lui.
Et comme Zuko ne disait toujours rien, Jet poursuivit :
- Tu crois que je ne reconnaîtrais pas un gosse de la Nation du Feu quand j’en vois un ? Ils ont leur façon bien particulière de modeler leurs recrues. Et toi, avec tes airs de petit soldat discipliné, c’est presque écrit sur ton visage.
Zuko blêmit. Il ouvrit la bouche pour protester, mais Pesticide ne lui en laissa pas le temps :
- Ne t'inquiète pas, Li. On sait comment ça fonctionne chez eux. La Nation du Feu, avec sa grande armée. Ses grands projets. Il faut bien qu’ils trouvent des soldats quelque part, pas vrai ? C’est ce qui nous est arrivé à nous aussi !
Zuko chercha quoi dire. Il devait nier, sans doute, pour que sa mission ait encore la moindre chance de succès ; mais les mots lui échappèrent, comme de la fumée entre ses doigts.
- Ne fais pas cette tête, reprit Jet en s’adossant à sa chaise, tout lui adressant un étrange regard d’empathie. Ce n’est pas une accusation. Juste un constat. Ils t’ont pris, comme ils nous ont pris. On sait comment ça fonctionne. On est passés par là. Ils nous trouvent, gamins, dans des villages que personne ne défendra. Ils nous arrachent à nos familles. Et ils nous placent dans les centres de dressage qu’ils appellent orphelinats, au sein même de la Nation du Feu ; en nous vendant l’idée qu’on obtiendra la citoyenneté le jour où nous serons suffisamment civilisés.
Zuko sentit une boule se former à l'intérieur de sa gorge.
- Ce n’est pas mon cas, lâcha-t-il dans un murmure à peine audible.
- On sait, fit Jet d’une voix un peu trop douce, comme s’il craignait de le brusquer. Tout le monde sait ce qui est arrivé aux Nomades de l’Air, bien sûr. Je dois bien t’avouer que je n’ai pas bien compris comment vous avez fini par vivre comme de parfaits citoyens de la Nation du Feu. Je ne peux que supposer que c’est ce qui risque d’arriver aux gens comme nous dans une centaine d’années. On reste dans la Nation du Feu, on intègre la propagande ; on engendre des enfants qu’on va également embrigader et c’est un cercle vicieux. Et pour votre défense, au moins vous, vous avez la citoyenneté. Rien à voir avec les Sujets de la nouvelle ville, qui n’ont absolument aucun droit, mais qui sont prêts à mourir pour défendre les privilèges des colons. Ça par contre, ça me dépasse.
Un sourire désabusé passa sur les lèvres de Jet.
- La Nation du Feu n’a pas besoin de tuer pour tout détruire. Dans quelques siècles, ou sûrement avant, le monde sera entièrement composé de bons petits soldats prêts à mourir pour le Seigneur du Feu.
Zuko chercha quoi répondre, mais rien ne lui semblait approprié. Les phrases tournaient dans sa tête et aucune ne franchit la barrière de sa bouche. Ils savaient ce qu’il était, et pourtant ils ne se méfiaient pas de lui. Bien que, néanmoins, aucun d’entre eux n’avait laissé sous-entendre qu’ils connaissaient sa véritable identité. Il n’était pas sûr qu’ils éprouvent la même mansuétude envers un membre de la famille royale.
- Alors quoi, vous vous êtes enfuis ? Finit-il par lâcher. Pourquoi être resté dans les colonies, plutôt que de carrément tenter d’aller dans le Royaume de la Terre ?
C’était peut-être un peu trop frontal comme question, surtout si ce petit groupe avait réellement quelque chose à voir avec les Partisans.
Et pourtant, étrangement, ils se mirent tous à rire ; comme si c’était la chose la plus hilarante qu’ils n’avaient jamais entendu.
- Tu penses réellement qu’on aurait la possibilité de survivre dans le Royaume de la Terre en maîtrisant le Feu ? Fit Jet, entre deux hoquets. Même si on réussit à le cacher, je suis persuadé qu’on sera automatiquement repéré. On a passé trop de temps dans la Nation du Feu ; trop de temps et trop jeunes. On ne se souvient en rien de la culture du Royaume de la Terre ; on n’a aucune chance de passer inaperçus. Alors que la vieille ville de Yu Dao est remplie de bâtards dans notre genre.
- Et toi, Li ? Demanda soudain Demi-Portion. Qu’est-ce que tu fais là ?
Le mensonge lui vint plus naturellement qu’il ne l’aurait cru :
- Je ne veux pas rejoindre l’armée.
L’expression du petit groupe sembla s’adoucir, encore un peu plus.
- Et je pense, poursuivit Zuko. Que la Nation du Feu ignore ce qui peut se passer dans un endroit aussi peuplé que l’ancien Yu Dao. Il y a trop de gens dont ils ignorent l’identité, pour qu’ils réussissent à y retrouver un simple déserteur.
- Ce n’est pas une mauvaise théorie, admit Jet en hochant la tête d’un air entendu. Mais je ne suis pas sûr que la Nation du Feu ignore quoi que ce soit de ce qui se passe ici. Ils aiment juste faire semblant de ne pas voir certaines choses, tant que ça leur profite.
Zuko s’efforça de prendre une expression catastrophée :
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- A ton avis ? Rétorqua Jet avec une certaine agressivité, comme la naïveté de la question l’horripilait. Cet endroit est infesté par les traitres ; d’abord par conviction, mais surtout par opportunisme. Tout le monde est prêt à dénoncer tout le monde pour quelques malheureuses pièces. Mais parfois -souvent- c’est encore pire. T’as une dispute avec ton voisin ? Tu l’accuses de sympathiser avec les Partisans. Ton cousin réussit mieux que toi ? Peut-être qu’il cache des armes chez lui. Les gens ne trahissent pas seulement parce qu’ils y gagnent quelque chose. Ils le font parce qu’ils peuvent, parce qu’humilier quelqu’un leur donne une illusion de pouvoir. C’est ça, le vrai poison. Pas les grands discours de propagande dont on nous abreuve tous les jours. Juste la satisfaction mesquine de voir quelqu’un tomber plus bas qu’eux.
Zuko resta à nouveau silencieux, alors que son esprit fonctionnait à toute allure.
Si c’était vrai, c’était une catastrophe. Quelqu’un finirait forcément par remarquer quelque chose : un détail dans son comportement ou une question mal posée et quelqu’un le trouverait suffisamment suspect pour parler de lui aux autorités coloniales. Le Maire et les autres feraient forcément le lien entre cet inconnu à la cicatrice et le prince de leur noble nation. L’information finirait par fuiter dans l’autre sens et Zuko serait alors en danger. Parce qu’il était membre de la famille royale, qu’on pouvait se servir de lui comme otage politique ou simplement réclamer une rançon. Parce que les Partisans, quels qu’ils soient, comprendraient qu’il était venu les espionner et qu’ils risquaient fort bien de peu apprécier la manœuvre.
À l’inverse, si les gens parlaient autant, comment se faisait-il qu’aucune information d’aucune sorte n’était jamais remonté sur les poseurs de bombes ? Pas une rumeur, rien. C’était étrange… Après, Jet pouvait tout à fait exagérer l’ampleur du phénomène. Mais il n’en restait pas moins que c’était surprenant. Zuko n’avait jamais entendu parler d’une loyauté partagée par un ensemble de 200 000 personnes. Personne ne savait rien et personne ne dénonçait personne ? Comment était-ce seulement possible ?
Il en était finalement toujours au même point.
- Alors… Tenta Zuko d’une voix faible. Ça veut dire que vous me conseillez de quitter Yu Dao ?
- Mais non, Li ! Fit soudain Pesticide avec passion. On n’est pas tous des cafards prêts à vendre leur mère pour une poignée de pièces !
- En effet, appuya Jet avec un petit sourire. Tu es en sécurité avec nous, ne t’inquiète pas. Si tu as envie de quitter les colonies et de te rendre dans le Royaume de la Terre, nous t’aiderons. Si tu comptes rester ici, nous t’aiderons aussi. Je me permettais juste de te rappeler de toujours rester prudent et de ne pas relâcher ta garde.
Zuko ne sut pas quoi dire, à nouveau. Leur conviction, leur solidarité, leur naïveté presque désarmante… tout cela résonna en lui d’une manière qu’il ne s’attendait pas.
Aucun d’eux ne lui demandait de prouver quoi que ce soit ; aucun ne le regardait avec suspicion ou mépris. Ils avaient choisi de lui faire confiance, sans conditions, sans attendre quelque chose en retour.
C'était...
Zuko détourna légèrement son œil valide, fixant un point imaginaire sur la table, pour ne pas plus avoir à croiser directement leurs regards. Un poids pesait sur sa poitrine, lourd et écrasant. Il ne s’était pas préparé à ça.
Il était venu pour les espionner. Pour collecter des informations qui, en toute probabilité, les condamneraient. Parce qu’il ne faisait aucune illusion. Ils ne pouvaient pas être de simples petites crapules, travaillant en sous-main pour des truands, comme il avait pu le croire à un moment. Comment avaient-ils réussi à quitter un centre de rééducation, avec toute la sécurité renforcée que cela supposait, et même s’enfuir du territoire de la Nation du Feu pour se cacher dans les colonies, s’ils n’étaient pas un minimum dangereux ?
Ils avaient forcément des soutiens, quels qu’ils soient. Dans un autre contexte, Zuko aurait pu les prendre pour des espions travaillant pour son propre camp. Mais alors, c’était sans doute les pires espions qu’il n’avait jamais vus, avec tout ce qu’ils venaient de révéler à leur sujet.
C’était sans doute, à l’inverse, également les pires Partisans dont il n’avait jamais entendu parler. À faire aveuglément confiance à un parfait inconnu, alors qu’ils avaient pourtant conscience que la trahison était de l’ordre du commun. C’était à peine croyable… Ils lui tendaient la main, sans rien savoir de lui ; parce qu’ils croyaient que c’était la bonne chose à faire.
La discussion dériva sur d’autres sujets plus simples, comme si leur bienveillance désintéressée ne méritait même pas qu’on s’attarde dessus.
Quand ils se levèrent pour ranger la table et organiser l’espace pour la nuit, Zuko suivit le mouvement, l’esprit ailleurs. Ils disposèrent de vieux matelas à même le sol, les serrant les uns aux autres pour que tout le monde puisse tenir dans l’espace réduit. L’air humide, chargé d’une odeur de moisi et de poussière, imprégnait tout. Ce n’était déjà pas très glorieux durant la journée, mais l’obscurité de la nuit semblait aggraver le problème. Une fine buée recouvrait les murs ; le froid glaçant et mordant se glissait jusque sous les couvertures.
Zuko s’installa dans un coin, les bras croisés sur sa poitrine, feignant une fatigue qu’il ne ressentait pas. Ses pensées, déjà agitées, tourbillonnaient sans fin dans un enchevêtrement de regrets et de justifications. Il serra les poings et se mordit l’intérieur des joues pour s’empêcher de faire quelque chose d’idiot, comme réveiller tout le monde et leur dire la vérité.
Il s’en voulait. Il s’en voulait terriblement. Mais la Nation du Feu passait avant tout le reste.
Notes:
Et voilà, j'espère que ça vous a plu !
Merci de continuer à me lire ! Je sais que j'ai tendance à poster plus le mardi que le lundi, comme avant ; j'espère que cela ne vous dérange pas. Quoi qu'il en soit, je vais continuer à maintenir mon rythme de publication hebdomadaire. On se dit donc à la semaine prochaine !
Chapter 16: Fissures
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Cela faisait une semaine à présent que Zuko n’était pas repassé de l’autre côté de la muraille.
Il n’était pas sûr d’avoir appris grand-chose.
Jet et son étrange groupe d’amis continuaient à se montrer extrêmement prévenants envers lui. Leur bienveillance presque maladroite commençait à le mettre mal à l’aise. Rien chez lui ne méritait une telle attention. Non. Il allait bien. Il avait toujours été protégé. Privilégié, même.
Cette insistance à le traiter comme s’il était rescapé d’un désastre l’irritait, bien qu' il n’ait pas le luxe de pouvoir le laisser transparaitre.
Ils ne savaient rien de lui. Zuko n’avait pas pris la peine d’inventer un quelconque passé tragique. Et eux n’avaient rien demandé.
Zuko ne pouvait qu’imaginer ce qui leur traversait la tête à chaque fois qu’ils le fixaient d’une manière un peu trop insistante. Ils ne savaient rien, et pourtant agissaient comme s’il était victime de quelque chose. Alors que sa cicatrice était une leçon ; un rappel que toute parole a ses conséquences. Ils ignoraient qu’elle était méritée, mille fois.
Pire, il commençait même à percevoir une sorte de gêne. Ce n’était pas seulement de la pitié mal dirigée. Non. C’était plus profond. Zuko l’avait remarqué dans leurs gestes, dans les silences qui s’étiraient parfois trop longtemps, comme s’ils cherchaient leurs mots à chaque fois qu’ils s’adressaient à lui.
Au début, Zuko n’avait pas su quoi en penser.
Et puis, il avait compris.
En dehors de la minuscule petite flamme apparue ce soir-là dans la main de Jet, aucun d’eux n’avait fait usage de leur maîtrise devant lui. Jet lui-même semblait s’y refuser. Lorsqu’ils avaient besoin de feu, notamment pour cuisiner, ils préféraient encore utiliser des pierres comme de simples non-maîtres. Cela prenait à chaque fois bien plus longtemps que nécessaire.
Il y avait aussi cette distance qu’ils conservaient avec le feu une fois allumé, comme si les flammes elles-mêmes leur inspiraient un malaise.
Cette retenue était inconcevable pour Zuko. Il ne la comprenait pas. La maîtrise du Feu était une force, avant d’être un outil ; mieux : c’était un symbole. Quel genre de personne pouvait y voir quelque chose de honteux ?
L’incompréhension se mêlait à une irritation qu’il peinait à contenir.
Si seulement il avait pu être un maître du Feu lui aussi…
Il lui arriverait, par instants, de se remémorer cette minuscule petite flamme apparue dans la paume de Jet.
Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer ce que cela faisait d’avoir quelque chose d’aussi extraordinaire dans le creux de ses mains… La chaleur irradiant la peau, le crépitement doux des flammes… Et pas cette force invisible, impalpable, qu’il maîtrisait à la place.
À chaque fois, Zuko finissait par rouvrir les yeux. Ses mains se refermaient lentement sur du vide. Et cela le bouleversait.
Zuko sortait très souvent dehors.
Personne, dans le petit groupe de Jet, ne l’en empêchait. Et quand il choisissait de rentrer, on ne lui posait jamais la moindre question.
Cependant, Zuko n’était pas dupe. Une fois dans la rue, il restait en permanence sur le qui-vive. Il utilisait, sans discontinuer, sa maîtrise de l’Air pour percevoir l’ensemble des mouvements tout autour de lui… Et pouvoir se rendre compte dans la seconde s’il était suivi.
Un jour, il avait remarqué une marque étrange sur un mur ; une série de griffures presque trop nettes pour être accidentelles. Il avait suivi ces marques, en silence, notant leur régularité. À chaque intersection : une nouvelle. Elles semblaient guider un chemin, avant de s’arrêter au milieu de nulle part.
Il avait profité de l’obscurité de la nuit pour revenir à cet endroit très précis où tout semblait s’arrêter. Il avait toqué sur les murs tout autour de lui, dans l’espoir un peu fou que l’un d’entre eux s’ouvre comme la fois avec Jet. Mais rien n’était passé.
Zuko était resté planté là un long moment, immobile dans la lumière vacillante de sa lanterne. L’endroit était désert et silencieux, à l’exception des rares bruits de pas qui résonnaient au loin. Il avait fermé les yeux un instant et soudain, avait perçu quelque chose d’étrange ; un… courant d’air.
Il s’était accroupi, pour examiner le sol de plus près. Les pavés étaient usés, certains étaient légèrement déplacés ; mais rien qui ne ressemblait à un mécanisme ou à une trappe. Pourtant, l’un d’eux attira son attention. L’air venait de là, ou plutôt de la rainure entre deux pavés semblables à tous les autres.
Zuko inspira alors profondément, se connectant à l’air subtil qui s’infiltrait entre les interstices de la pierre. Un maître de la Terre aurait peut-être pu déplacer ces pavés d’un simple geste, mais Zuko, lui, devait trouver une autre approche.
Il exhala lentement, guidant le courant d’air pour s’immiscer dans chaque fissure et chaque creux.
Il y eut un léger crissement lorsque l’un des pavés se souleva enfin.
Zuko l’attrapa d’une main avant qu’il ne tombe au sol, avant de le poser délicatement sur le côté et de recommencer. Pavé après pavé, il répéta l’opération, jusqu’à dégager un espace suffisant pour révéler ce qui se trouvait en dessous : un escalier, étroit et sinueux, qui plongeait dans l’obscurité des profondeurs.
Zuko resta un instant immobile, alors que l’excitation mêlée à l’appréhension lui nouait l’estomac.
Il jeta un dernier coup d’œil autour de lui, pour s’assurer que personne ne l’observait, avant de se glisser doucement dans l’ouverture.
Tout en bas de l’escalier, un large espace semblable à un entrepôt s’étendait à perte de vue. Pourtant, la majorité de cet immense espace était vide. Il y avait certes de grands tas de caisses de toutes sortes, mais elles avaient toutes été rassemblées le plus près possible de l’escalier. Voilà qui était surprenant. Mais Zuko ne s’y attarda pas. Ce n’était pas important pour le moment.
Avec précaution, il glissa ses doigts sous le couvercle de l’une d’entre elles pour le soulever… et plissa les yeux face à son contenu.
Un amas compact de matière verdâtre, légèrement translucide, luisait faiblement sous la faible lueur de sa lanterne. L’odeur chimique, âcre, lui chatouilla les narines. Il ne lui fallut qu’un instant pour comprendre ce qu’il avait devant lui.
De la gelée explosive.
Son esprit s’emballa.
Est-ce que les autres caisses contenaient la même chose ?
Zuko les examina une à une. Ses mouvements devenaient à chaque fois plus rapides, plus fébriles, alors que la panique prenait le pas sur son inquiétude. Et effectivement, c’était de la gelée. À chaque fois. C’était de la putain de gelée explosive !
Combien de caisses similaires se trouvaient dans cet entrepôt ? Cette seule réserve représentait une menace majeure, capable de faire trembler les fondations mêmes de la ville. Littéralement.
Le sol tout autour était marqué de traînées irrégulières. De longues lignes presque droites, creusées dans la terre comme si les dites caisses avaient été déplacées. Les traces étaient encore fraîches.
Et alors qu’il ouvrait une énième caisse, il tomba sur quelque chose de différent. Pas de luisante gelée verdâtre cette fois-ci, mais une masse sombre et repliée. Il tendit une main hésitante, avant de saisir l’objet et de le tirer vers lui.
Un uniforme.
Un véritable uniforme de soldats de la Nation du Feu.
Zuko resta figé un instant, les doigts crispés sur l’étoffe. Il en déplia un autre et un autre encore. Chaque uniforme était accompagné d’un casque et d’un plastron.
Il commençait à comprendre la facilité avec laquelle les Partisans avaient pénétré dans les endroits les plus sensibles de la nouvelle ville.
Mais ce n’était pas suffisant. Des explosifs. Des uniformes. Ce n’était rien. Zuko n’était pas plus avancé sur les responsables des attaques. Et quoi qu’il en soit, il ne pouvait pas se permettre de rester ici. Il n’y avait qu’une seule sortie. Et il avait vu ce qu’il devait voir. Il n’aurait pas éternellement de la chance. Des gens ne tarderaient pas à venir et…
Une vibration sourde fit trembler le sol.
Il s’immobilisa et scruta l’obscurité environnante ; quand une portion du sol, à quelques mètres de lui, se déforma. Zuko eut à peine le temps de reculer, avant qu’une masse colossale ne surgisse dans un nuage de poussière et de gravats.
C’était une créature, absolument gigantesque, à l’épaisse fourrure brune rayée de blanc et de noir par endroits ; et surtout aux griffes démesurément longues.
Une taupe-blaireau.
Les yeux aveugles pivotèrent dans sa direction, comme si cette chose était malgré tout capable de le voir.
Elle frappa alors le sol de ses pattes avant et un pan entier de terre s’éleva, projetant des fragments dans tous les sens.
Zuko plongea sur le côté, esquivant de justesse un bloc de pierre qui aurait pu lui briser tous les os. Il roula au sol et, dans un geste instinctif, fit appel à sa maîtrise. Une bourrasque puissante dissipa la poussière et alla s’abattre sur la créature qui laissa échapper un son de douleur gutturale. Mais loin de la dissuader, cette attaque sembla l’enrager. Elle frappa à nouveau le sol et des éclats de pierre jaillirent tout autour de lui, pour l’encercler au milieu d’obstacles infranchissables.
Zuko réussit à propulser de l’air sous ses pieds et à s’élever du sol, juste assez pour franchir le mur de débris.
Zuko trébucha, en atterrissant lourdement et maladroitement sur le sol. Mais il se redressa bien vite et sprinta vers l’escalier de pierre ; la créature à ses trousses. La maîtrise de cette dernière rendait chaque pas périlleux : le sol se déformait et se tordait pour entraver sa fuite. Une colonne de pierre jaillit ; avant d'être presque instantanément réduite en poussière par Zuko.
Il remonta péniblement les premières marches, alors que les vibrations de la terre s’intensifiaient.
Les marches ondulèrent légèrement, puis se soulevèrent par endroits. Celles devant lui se désalignaient ; d’autres encore se dressaient en angles improbables, menaçant de le déséquilibrer. Il dut ajuster son centre de gravité à chaque pas, bondissant parfois pour éviter que l'une d'entre elles ne se dérobe sous lui.
Derrière lui, la créature frappait rageusement le sol. Les tremblements redoublaient et une large fissure s’ouvrit brusquement devant Zuko, scindant l’escalier en deux.
Sans cesser de courir, Zuko ferma brièvement les yeux pour se donner du courage ; et concentra l’air tout autour de son corps avant de s’élancer dans le vide. Son corps fut littéralement, et un peu trop violemment, projeté en avant… Pour aller s’écraser sur le rebord opposé.
Il n’eut pas le temps de s’en féliciter, car au-dessus de lui le sommet de l’escalier commençait à se refermer.
Il concentra alors toute sa force dans la paume de ses mains tendues et l’air jaillit, frappant la pierre dans un fracas assourdissant. Les pavés volèrent dans toutes les directions tandis qu’il franchissait la sortie dans un saut désespéré.
Il venait ainsi de réveiller toute la ville. Des fenêtres s’ouvraient, des lanternes s’allumaient et des voix confuses se mêlaient aux bruits de pas précipités.
Zuko s’éloigna rapidement, en plongeant dans l’obscurité d’une ruelle. Il pouvait déjà faire un trait sur la seule avancée de son enquête. Avec un tel remue-ménage, les Partisans n’utiliseraient plus cet endroit comme cachette d’armes. Ils ne prendraient sans doute pas non plus le risque de revenir les chercher. Soit, ils les abandonneraient définitivement sous les décombres ; soit, plus probablement, ils utiliseraient leur satanée maîtrise pour créer des tunnels dans les entrailles de la terre et ainsi bouger déguisements et explosifs sans être repérés. Quoi qu’il en soit, cela ne servait plus à rien de revenir à cet endroit dans l’espoir de les surprendre. Sinon à être lui-même repéré par des sympathisants.
Il eut un bref instant de lucidité en réalisant qu’il ne pouvait pas prendre le risque de revenir dans la maison où l’attendait justement un groupe de Partisans supposés.
Que pouvait-il faire d’autre ? Hormis carrément abandonner toute cette histoire d’enquête et rentrer dans la nouvelle ville.
Il ne pouvait pas faire ça. Pas en n’ayant absolument rien à donner comme information. Zhao ne lui pardonnerait jamais une telle humiliation.
Jet était peut-être la seule chose qu’il lui restait pour espérer démêler cette affaire.
Il devait rentrer.
Quand Zuko poussa la porte d’entrée, épuisé par sa fuite et par le stress, il s’efforça d’avoir l’air comme d’habitude. Jet n’était pas là. Mais les autres membres du groupe, qui s’apprêtaient à se coucher, ne semblaient pas particulièrement troublés ou énervés. Tout était normal. Ils le saluèrent et continuèrent à parler joyeusement entre eux.
Zuko se glissa sur un des matelas et ferma les yeux. Il se réveilla en sursaut quelques heures plus tard, alors quelqu’un lui secouait violemment l’épaule. L’obscurité de la pièce était seulement troublée par la lumière orangée d’une flamme flottant dans une paume ouverte. Jet.
- Ravi de voir que tu n’es pas blessé, chuchota le maître du Feu.
Et avant que Zuko n’ait eu le temps de faire semblant de ne pas comprendre, Jet posa agressivement une main sur sa bouche pour l’obliger à se taire avant de le forcer à se relever.
Zuko sentit le froid de la pierre sous ses pieds nus tandis qu’ils traversaient la pièce. Heureusement pour Jet, Zuko avait choisi, comme à son habitude, de dormir dans un coin reculé, loin des autres.
Les autres, justement, semblaient dormir. Demi-Portion ronflait, lui, bruyamment.
Jet poussa doucement la porte et le tira dehors sans un mot.
Zuko se demanda rapidement s’il était censé attaquer Jet. Et pourtant, malgré son talent inexistant pour le mensonge, il tenta un « Mais Jet ? Qu’est-ce qui te prend ? » alors que l’autre homme retirait enfin sa main autour de sa bouche.
Les yeux très bruns de Jet se plissèrent d’un air mauvais, sous le faible éclairage des lanternes extérieures.
- Je te conseille de ne pas parler trop fort, lui chuchota-t-il avec une colère palpable. Si tu tiens à ta langue.
La maison dans lequel le petit groupe habitait était la seule encore debout au milieu des ruines abandonnées que constituait le reste de la rue. Quoi qu’il se passe, seuls ceux-ci seraient en capacité physique de les entendre. Des gens qui éprouvaient une loyauté aveugle et totale envers Jet. Zuko n’était pas donc sûr qu’ils viendraient à son secours si Jet décidait, là, maintenant, de le tuer.
Pourtant, étonnamment, Jet semblait avoir décidé de ne pas les mêler à ça.
- Tu sais, fit celui-ci d’un ton passablement venimeux. Je ne réalisais pas à quel point on est pareils toi et moi.
Zuko n’avait pas la moindre idée du niveau de Jet. Serait-il en capacité de le tuer avec la maîtrise de l’Air, si Jet déchainait toutes les flammes d’Agni contre lui ?
- Jet, essaya-t-il avec un début de panique non feint. Je ne comprends pas de quoi tu parles.
Un sourire dérangeant, presque maniaque, passa sur les lèvres brunes du maître du Feu.
- Des maîtres de l’Air sont venus dans mon village, quand j’avais huit ans, lança-t-il soudain sans aucun préambule. Ils savaient qu’un maître du Feu était né parmi nous. Ils ont forcé tous les habitants à se rassembler. Ils nous ont alignés comme du bétail. Dénoncez-le, qu’ils disaient. Le gamin. Celui qui a été béni par le feu. Mais personne n’a parlé.
La mâchoire de Jet se contracta et sa voix se fit plus glacée que jamais :
- Alors ils ont commencé par prendre une personne au hasard. Ils utilisaient leur maîtrise, pour l’empêcher de respirer. On la regardait agoniser de longues minutes. Puis, ils reposaient leur question. Toujours la même. Qui ? Qui ? Et personne ne répondait. Alors ils tuaient quelqu’un. À nouveau. Toujours de la même manière. Et ils reposaient leur question. Encore et encore. Et puis une amie proche de ma famille m’a désigné.
Il s’interrompit et le silence se fit écrasant. Zuko aurait voulu dire quelque chose, mais en fut incapable. Son cerveau tournait à vide, incapable de produire autre chose qu’un vide anxieux.
- Je sais que c’est irrationnel, poursuivit Jet. Mais… Cette femme... Je l’ai haïe pendant des années. Parce qu’elle avait fait ça. Parce qu’elle a cru qu’elle pourrait sauver sa peau. Parce que… Parce qu’elle a cru sauver sa propre famille… Au détriment de la mienne… Finalement, aujourd’hui, je la comprends. À sa place, j’aurais fait pareil.
Une lueur indéfinissable passa dans les yeux bruns et Jet attrapa violemment le bras de Zuko.
- J’aurais préféré que tu sois comme elle. Que tu sois prêt à toutes les trahisons dans l’espoir de sauver ta vie et celles de tes proches. Mais tu n’es pas capable de ce semblant d’humanité, pas vrai ? Aucun maître de l’Air né dans la Nation du Feu n’en est plus capable. Vous n’êtes plus que des marionnettes. Tous vos actes, toutes vos pensées, ne sont plus que des prolongements de la volonté du Seigneur du Feu. Vous n’êtes plus humains ; vous n’êtes plus rien.
Zuko se dégagea de la poigne de Jet. L’air, tout autour d’eux, frémissait étrangement ; mais Jet ne semblait absolument pas troublé. Bien au contraire. Son sourire refit son apparition.
- Qu’est-ce que tu comptes faire ? Demanda Zuko d’un air brusque. Me tuer ? Tu devrais. Parce que je ne te dirais rien !
Jet laissa échapper un rire que Zuko qualifierait d’hystérique. Pendant un bref instant, il ne semblait plus se soucier d’être entendu par ses compagnons endormis ; mais il se reprit bien vite et quelque chose sembla vaciller.
Jet leva une main, hésitante, et l’approcha du visage de Zuko. Ses doigts effleurèrent maladroitement sa joue, sa cicatrice. Le contact, timide, contrastait avec l’agressivité qu’il exprimait jusqu’alors. L’espace d’un instant, Jet sembla ailleurs, perdu dans des pensées qu’il ne partagea pas. Son bras retomba et le contact se rompit.
Zuko réalisa soudain la peur sourde qui l’avait traversé à l’idée qu’un maître du Feu, en colère contre lui, approche autant la main de son visage.
- Qui t’envoie ? Siffla Jet, avec de nouveau une telle haine que Zuko se déroba et fit enfin un pas en arrière.
- Personne !
- Oh pitié, rétorqua Jet d’une voix oscillant entre le mépris et le dépit. On va éviter de rejouer à ça tous les deux. Je te le demande poliment. Ça ne sera pas toujours le cas. Et ça ne sera certainement pas le cas des gens chez qui je compte te ramener si tu continues à avoir cette attitude.
- Et qu’est-ce qu’il t’en empêche ? Dit Zuko, les poings et la mâchoire violemment serrés. Je ne vais pas m’excuser, si c’est ce que tu veux. Ni te supplier !
- Tu crois que c’est pour ça que je suis là ? Fit Jet dans un grondement. Si c’était si simple, je t’aurais déjà livré. Je te traînerais devant eux et je les laisserais décider. Mais…
Les mots moururent sur ses lèvres et il poursuivit avec une amertume palpable :
- J’ai été comme toi. Je me suis battu pour la Nation du Feu et je croyais vraiment à ce qu’ils disaient. Je portais leur uniforme avec fierté. Je tuais avec fierté. Parce que je pensais que c’était ce que j’étais censé faire. Ce que j’étais censé être. J’espérais même mourir pour eux. Mourir au combat, en héros de la Nation. Tu comprends ça, n’est-ce pas ? Mais la réalité, c’est qu’il n’y a pas de destin glorieux. Pas de noble sacrifice... Tu n'es pas obligé de vivre en esclave, Li. Tu pourrais être libre !
Notes:
Tout d'abord, je voudrais m'excuser pour ne pas avoir posté la semaine dernière. Quelques soucis sans grand intérêt de la vie réelle.
Enfin bref, je compte rattraper mon retard en postant le prochain chapitre vendredi ou samedi de cette semaine. Et j'essaierai de conserver mon rythme habituel pour ceux qui suivront. Également navrée pour cette fin quelque peu abrupte. J'espère que cela vous a plu malgré tout et à la prochaine pour la suite !
Chapter 17: Fractures
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Être libre ? Zhao lui avait déjà promis une telle chose. La liberté et la reconnaissance pour leurs semblables. Zuko n’était pas sûr que Zhao en pense sincèrement un traitre mot, tout comme il n’était pas sûr que Jet y accorde une grande importance non plus. Ce n’était que des mots, ça n’engageait à rien. Et à chaque fois, ils étaient prononcés parce qu’on voulait quelque chose de lui.
Zhao voulait le pouvoir, réalisa soudain Zuko avec une illumination froide. Et il ne l’obtiendrait jamais dans l’état actuel des choses. Sa maîtrise de l’Air le confinerait toujours à un statut inférieur. Zhao voulait obtenir une liberté, qui servirait ses ambitions. Le sort des maîtres de l’Air ne l’aurait jamais intéressé s’il avait eu la chance d’hériter de la maîtrise du Feu. Zhao ne défendait que ses intérêts.
Jet voulait peut-être la liberté pour les gens comme lui, les bâtards du Royaume de la Terre maîtrisant le feu. Peut-être que son sentiment de solidarité s’étendait aux autres habitants, mais Zuko était persuadé que cela n’allait pas plus loin. Jet ne pouvait pas s’intéresser aux gens comme Zuko. Pas après ce qu’il venait de dire. Pas après ce qu’ils étaient censés lui avoir fait.
Jet, lui aussi, ne lui parlait de liberté que pour obtenir quelque chose de lui. Pour le faire avouer.
Jet s’approcha alors à nouveau de lui, avec une lenteur mesurée, comme s’il craignait de le brusquer et de briser le semblant de calme qui s’était instauré. Et Zuko fronça les sourcils :
- Et si je dis non ? Qu’est-ce qu’il va se passer ? Qu’est-ce que tu comptes me faire ?
- Tu as peur ? Demanda Jet d’un ton terriblement neutre, qui ne semblait pas s’apparenter à de la moquerie.
- Bien sûr que non ! Répondit Zuko avec une colère brusque. Pourquoi aurais-je peur de toi ? Parce que tu es un maître du Feu et que tu sembles penser que ça fait de toi quelqu’un de dangereux ? Alors que je pourrais me contenter d’étouffer tes putains de flammes avant même qu’elles n’apparaissent ? Alors que je pourrais t’étouffer, toi, avant que tu fasses quoi que ce soit ?
Zuko se tut presque aussitôt, en réalisant ce qu’il venait de dire, alors que Jet venait justement de lui dire que… Pourtant aucune colère, aucun énervement, aucune perte de contrôle ne vint troubler le visage fin et bien dessiné du maître du Feu. Ce fut au contraire avec un cynisme glacé qu’il lui rétorqua :
- Ce que tu as fait, bien sûr, à la personne qui t’a brûlé ?
C’était la chose la plus cruelle que Zuko n’ait jamais entendu dans la bouche de quelqu’un. Même Zhao évitait soigneusement le sujet de sa cicatrice lorsqu’il le tourmentait. Zuko cligna bêtement des yeux, plusieurs fois, comme s’il venait de recevoir un coup en plein visage. Ses lèvres s'entrouvrirent, hésitantes, avant de se refermer dans un silence tendu.
Ses poings se serrèrent violemment.
- Tu n’auras pas sa chance, finit-il par grincer avec une colère difficilement contenue.
Jet esquissa un sourire fin, presque imperceptible et qui ne dura pas.
- Et après, Li ? Supposons qu’en effet, tu réussisses à me tuer : tu essaieras de fuir ? Bonne chance pour ça. Je t’ai observé. Tu n’arrives déjà pas à te repérer dans la vieille ville en plein jour ; je ne vois pas comment une situation de stress te rendrait plus performant. Et en supposant que tu finisses par atteindre la muraille, les portes sont fermées pour la nuit. Elles ne rouvriront, comme chaque matin, qu’au lever du jour. Les autres auront largement le temps de te retrouver et de te régler ton compte. Tu ne pourras pas tous les tuer. Nous sommes nombreux ; trop nombreux, même pour quelqu’un comme toi.
Zuko resta interdit quelques trop longues secondes, le temps que l’information ne lui remonte au cerveau. Des portes ? La muraille en avait ? Ce n’était pas… Il se remémora les immenses ouvertures béantes trouant la pierre et à travers lesquelles il était rentré. Bien sûr. C’était encore une histoire de maîtrise de la Terre, dans cette ville où rien n’était disponible ou simple pour les gens normaux. Si Jet disait vrai, il était donc bel et bien piégé. Et même si Jet lui mentait sur ce point de détail, le reste de son discours demeurait vrai. Douloureusement vrai. Zuko était incapable de revenir jusqu’à la muraille par ses propres moyens.
Cet état de fait, mais surtout que Jet ait pu s’en rendre compte, l’agaça profondément et la colère refit son apparition.
- Ça ne m’empêchera pas d’essayer ! Fit Zuko, furieux.
Il leva le bras et son poing frappa l’air avec violence. L’onde de choc se propulsa, percuta Jet de plein fouet et l’envoya valser sur plusieurs mètres. Son corps s’écrasa contre le mur d'une maison en ruine ; le bruit de l'impact résonna, comme un craquement d’os, passablement inquiétant et même sinistre.
Ce n’était pas suffisant.
Il tenta de se jeter sur le maître du Feu, la rage au ventre. Mais Jet se redressa plus vivement qu’il ne l’avait anticipé.
Et alors que Zuko levait à nouveau le poing, prêt à frapper, Jet lui attrapa le poignet et pivota sur lui-même. Avant de faire glisser sa jambe derrière la sienne et de le faucher avec une précision implacable.
Zuko tomba à terre, sans vraiment réaliser ce qui venait de lui arriver. Il essaya aussitôt de se redresser, presque par réflexe, mais Jet planta un genou sur sa poitrine pour le maintenir au sol de tout son poids.
- Peut-être que je t’ai surestimé, lâcha le maître du Feu d’une voix glaciale. Je vois difficilement comment un véritable soldat pourrait se retrouver aussi facilement désarmé.
Zuko se débattit avec d’autant plus de force, mais un éclat orangé l’immobilisa net en plein mouvement. Une flamme, plus grosse que toutes celles que Jet avait créé jusqu’alors en sa présence, s’était formée entre les doigts de l’autre homme.
Les lèvres brunes se tordirent en un sourire passablement cruel et Jet abaissa doucement sa main.
Zuko sentit la chaleur, oppressante, lui caresser la joue et ne put contenir un mouvement de panique que Jet contint sans aucune difficulté.
- Je te le redemande encore une fois, Li : qui es-tu ? Et qui t’as envoyé ?
Zuko n’arrivait pas à détacher son regard de la flamme, dangereusement, si dangereusement, proche de son visage. Il ne voyait plus que ça. Cette chaleur, si familière, en rappelait une autre.
Sa respiration devint erratique ; un mélange de halètements courts et précipités sifflant dans l’air.
Un autre visage vint se superposer à celui de Jet. D’autres yeux. Si jaunes ceux-là. Si semblables à la couleur de cette flamme qui s’apprêtait à faire fondre sa chair.
Ses mains, jusque-là fermement agrippées au corps au-dessus de lui, dans un effort désespéré de se libérer, se mirent à trembler violemment.
- Ne me force pas à me répéter, Li.
La chaleur était presque étouffante et Zuko sentit son esprit glisser dans l’abîme.
Il y eut alors un hurlement, qui le fit sursauter :
- RÉPONDS-MOI ! OU JE TE JURE QUE JE LE FAIS !
Et la souffrance sera ton professeur.
Zuko n’avait pas perdu connaissance ce jour-là, se souvint-il brusquement. Pas tout de suite. Il y avait eu… Cette douleur, au-delà des mots, au-delà de tout… Alors que la chaleur avait dévoré ses chairs. Il avait essayé de reculer. Une main l’avait retenu et avait impitoyablement empêché toute fuite.
Une main le maintenait aujourd’hui également.
Il était bloqué. Il ne pouvait pas fuir. Il ne pouvait pas se défendre.
Parce qu’il avait désobéi.
Encore une fois.
- Zuko, lâcha-t-il soudain dans un son étranglé. Je m’appelle… Zuko…
La chaleur disparut. Les yeux jaunes se firent bruns. Et tout sembla réapparaitre d’un seul coup, alors que ses sens se réveillaient dans un enchevêtrement flou. Il ne brûlait plus. Il avait froid, réalisa-t-il soudain. L’humidité du sol l’imbibait lentement jusqu’à l’os.
Il n’y avait plus de flamme.
Lui était toujours sur le sol ; toujours immobilisé par le corps d’un ennemi au-dessus de lui. Mais le feu, lui, n’était plus là. Quelque chose sembla se relâcher à l’intérieur de lui et il dut fermer les yeux pour contenir la vague de soulagement qui menaçait de le submerger.
- Bien, Zuko. C’est un bon début. Enchanté de te rencontrer enfin. Peux-tu me dire qui t’a envoyé nous espionner ?
Zuko regarda l’homme au-dessus de lui. Les mots flottaient dans l’air, sans urgence ni hostilité, comme un simple et brusque échange de convenances. Comme s’ils n’étaient que deux personnes se rencontrant pour la première fois et partageant des banalités courtoises. C’était totalement déconcertant et même presque délirant. C’était surtout incompréhensible.
Jet semblait, d’ailleurs, totalement déconnecté de la situation. Ses yeux bruns avaient perdu leur éclat malicieux. Ils étaient ternes, fixes, presque absents, comme si son esprit s’était retiré quelque part où Zuko ne pouvait le suivre.
Il n’y avait pas de colère, ni de triomphe. Juste une distance étrange qui rendait Jet difficile à lire.
Zuko réalisa enfin, presque avec surprise, qu’il tremblait. Ses mains, ses bras et même ses jambes, semblaient secoués par de légers spasmes incontrôlables. Il serra les poings, essaya de calmer ce frisson humiliant, mais son corps ne lui obéissait plus.
Jet ne sembla pas le remarquer. Ou peut-être s’en fichait-il complètement. Mais ce n’était pas ce qui frappa Zuko.
Rien dans l’expression du Partisan ne démontrait avec certitude qu’il savait qui il tenait en respect.
Jet n’avait jamais entendu parler de lui. Comme beaucoup de monde finalement. Zuko ne pouvait que remercier le Seigneur du Feu de l’avoir mis de côté. Tout ceci aurait pu connaitre un tournant d’autant plus tragique. Encore plus tragique, si possible, que la situation dans laquelle il se trouvait actuellement. Maîtrisé par quelqu’un capable de le brûler vif à tout instant.
- Fais ce que tu as à faire, finit par répondre Zuko du bout des lèvres, avec une assurance qui le surprit lui-même. Je ne te dirais rien.
Jet ne réagit pas tout de suite. Il ne répondit pas immédiatement. Il resta là, immobile, avant qu’un soupir discret ne s’échappe de ses lèvres. Il paraissait si fatigué soudain.
- Je ne sais pas si tu réalises réellement la situation dans laquelle tu te trouves, fit Jet, en se penchant un peu plus sur lui. Tu crois que ça m’amuse de faire ça ? Tu crois que j’ai envie de te faire du mal ?
Une envie sourde, et même primale, s’empara brutalement de Zuko. Jet était là, juste là. Il n’aurait eu qu’à plier l’air tout autour d’eux et tout aurait été terminé. Ça aurait pu être si simple. Mais son corps, d’une faiblesse révoltante, refusa de lui obéir. Il continuait de trembler. Il ne pouvait que rester là, figé, incapable de donner force à sa rage.
- Tu penses être courageux en ne disant rien ? Poursuivit Jet, implacable. Que tu protèges quelque chose ou quelqu’un ? Il n’y a personne ici pour te récompenser de ton silence, Zuko. Et personne, pour venir te sauver.
Zuko sentit sa mâchoire se contracter violemment. Ses dents se serrèrent dans un grincement sourd, alors que Jet continuait de parler avec cette voix faussement raisonnable. Chaque mot semblait le frapper en plein visage, comme une gifle invisible, alimentant une colère qu’il peinait à contenir.
- Tu sais ce que tu es pour eux, Zuko ? Reprit alors Jet d’un air posé, comme s’il ne faisait qu’exposer l’évidence. Une arme. Une machine bien formée et bien dressée. Et toi, tu crois qu’en jouant leur jeu, en les servant fidèlement, tu finiras par gagner leur respect ? Leur reconnaissance ? Mais ils ne t’ont jamais vu comme une personne, Zuko. Tu veux savoir ce qui arrive aux outils usés, à ceux qui ne servent plus leurs plans ? On les jette. Tu n’es qu’une pièce interchangeable dans une machine bien plus grande.
Son ton se fit plus incisif :
- Tu crois que si je te tue, ici, maintenant, ils s’en soucieront ? Qu’ils pleureront ta perte ? Non. Ils enverront un autre pauvre type à ta place, et tout continuera comme si tu n’avais jamais existé.
Zuko aurait bien voulu rétorquer que c’était faux. Mais les mots refusèrent de franchir ses lèvres.
Il songea à Zhao et à son mépris à peine voilé. Les trop rares fois où Zhao lui avait témoigné un semblant de respect, c’était toujours avec une condescendance insupportable ; comme s’il ne parlait pas à un enfant capricieux. Il songea aux coups et aux hurlements. Zhao n’aurait jamais eu le pouvoir de lui faire autant de mal, si seulement il avait été un Prince digne de ce nom. Si seulement Azulon avait fait autre chose que tolérer son existence. Si seulement… Il avait hérité de la maîtrise du Feu. Si seulement il avait été… normal.
Il y avait aussi les autres membres de sa famille. Azula, Lu Ten et même sa propre mère qu’il connaissait si peu. Ce n’était aujourd’hui qu’une silhouette lointaine et sans visage. Même en se concentrant, il n’était pas sûr d’être capable de se remémorer le son de sa voix.
Effectivement, s’il mourait aujourd’hui, qui s’en soucierait ? Qui s’en inquièterait ? Qui le pleurerait ?
Sûrement pas Zhao.
Et soudain, sans qu’il comprenne réellement pourquoi, Zuko lança :
- Ce n’est pas la Nation du Feu qui m’envoie.
Jet arqua très légèrement un sourcil. Son expression restait neutre, maîtrisée, mais quelque chose avait changé ; comme une lueur fugace de perplexité.
- Le Maire Morishita alors ? Demanda-t-il, avec une soudaine méfiance dans la voix. Je sais bien que ça fait plusieurs générations que les colons n’ont pas refoutu les pieds à la Nation du Feu. Et qu’ils ont tendance à se considérer comme des cas à part, mais…
- Non, ce n’est pas lui ! L’interrompit aussitôt Zuko. Pas tout à fait. Je suis… Je suis censé lui rapporter ce que j’aurais appris, mais… Mais… Ce n’est pas lui qui m’a demandé quoi que ce soit…
Les mots semblaient s’empiler, se heurter les uns aux autres dans la gorge de Zuko, comme une rivière bloquée par un barrage trop fragile. Il avait tellement à dire ; tellement qu’il en bégayait. Chaque tentative de parler butait sur un flot de pensées et d’émotions qui refusaient de s’ordonner.
- … Le Commandant Zhao… C’est le Commandant Zhao qui m’envoie…
Le visage du Commandant, arrogant et suffisant, lui apparut brièvement. Zuko imagina, juste un instant, ces traits se déformer de rage. Zuko était en train de trahir tout ce que pour quoi Zhao l’avait formé. Et, Agni, c’était une sensation extraordinaire.
Ce sentiment s’évapora aussi vite qu’il était apparu. La réalisation de ce qu’il était en train de faire le frappa avec une clarté brutale. Zhao n’avait jamais pris de gants pour le corriger ou le rabaisser, mais il avait au moins choisi de lui confier son plan. Il lui avait parlé du projet d’Ozai.
Ils étaient censés sauver les autres maîtres de l’Air et lui, par faiblesse, venait de trahir cette mission sacrée.
Ce n’était pas seulement Zhao qu’il trahissait. C’était aussi et surtout son père, et sa mémoire.
- D’accord, fit alors Jet platement.
Il se redressa légèrement pour retirer son genou et donc la pression qu’il exerçait jusque-là sur le torse de l’homme en dessous de lui. Sa main resta malgré tout fermement agrippée à l’une de ses épaules, comme pour lui rappeler qu’il était toujours sous contrôle. Pourtant, Zuko ne chercha pas à se débattre, ni à se remettre debout. Il resta là, sans bouger, sur le sol.
- Je vais devoir t’emmener, poursuivit Jet d’un ton tranquille. Quelques personnes vont vouloir te parler. Je ne peux pas prendre ce genre de décision seul.
Zuko eut envie de rire. Lui parler, oui. Mais peut-être que c’était une bonne chose. Peut-être que c’était ce qu’il méritait. Il venait, sans véritablement avoir été torturé, de déballer quasiment tout ce qu’il savait. Et ce, en quelques minutes. Qui sait ce qu’il serait capable de dire si on le lui demandait un peu vigoureusement ?
C’était vraiment d’un pathétique…
Il n’avait même pas essayé de résister.
Jet le tira par le bras pour le forcer à se remettre debout, et Zuko se laissa faire. La porte de la petite maison, dans laquelle était censé dormir le reste du groupe, s’ouvrit enfin ; dévoilant le visage inquiet du Duc. Jet lança un regard furtif à l’enfant, avant de pousser légèrement Zuko pour le faire avancer. Et Zuko fit docilement ce qu’on attendait de lui. Encore une fois.
Notes:
Je sais que j'avais dit que je posterais plus tôt. Mais je n'ai cessé d'écrire et de réécrire ce chapitre et ce n'était jamais satisfaisant. J'essaie de faire évoluer la vision du monde de Zuko, mais tout me semblait à chaque fois trop rapide ou trop facile. J'espère néanmoins que cette version vous a plu.
J'essaierai de poster la suite cette semaine. Mais si je n'y arrive pas, ça sera mardi prochain comme d'habitude. Merci de votre patience et vraiment navrée d'être aussi lente.
Merci de continuer à me lire et merci mille fois pour les kudos !
Joyeux Noël à tous ceux qui le fêtent et une bonne semaine pleine de belles choses à tous les autres !
On se dit au pire des cas à mardi prochain !
Chapter 18: Sous la surface
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Azula avait été confinée au palais la majorité de sa vie.
Son entraînement à la maîtrise du Feu avait longtemps été limité aux formes les plus basiques. Et pourtant, malgré toutes les contraintes, elle s'était révélée être un véritable et surprenant petit prodige. Sa maîtrise allait bien au-delà des attentes qu’on pouvait avoir pour une princesse de seconde zone, née d’un prince sans intérêt et n'ayant de toute façon aucune chance d’hériter un jour du trône. Surtout pas après le mariage du prince Lu Ten.
Les limites imposées par ses instructeurs, ainsi que le cadre étouffant du palais, ne l’avaient pas freinée. Bien au contraire. Ses soirées et ses nuits étaient remplies d'entraînements rigoureux, souvent improvisés lorsqu'on lui refusait des leçons plus avancées.
Ses journées, quant à elles, se déroulaient au rythme des cérémonies et des regards scrutateurs des courtisans. Être une princesse signifiait marcher sur le fil du rasoir : toujours parfaite, toujours obéissante et jamais menaçante. Les courtisans, sous des dehors avenants, n’étaient des prédateurs déguisés prêts à bondir au moindre faux pas. Chaque sourire, chaque flatterie, n’était qu’une manière de plus l’endormir.
Son cousin avait eu soudain l’étrange lubie de l’emmener avec lui durant ses campagnes militaires. Comme ça. Sans se justifier auprès d’elle. Et Azula avait obéi.
On lui avait dit qu’elle était là pour apprendre, pour voir le fonctionnement d’une armée de l’intérieur, mais elle savait que sa présence n’était rien d’autre qu’un geste de courtoisie. Une distraction, pour une proche envers qui on éprouvait de l’affection.
Puis il y avait eu cette embuscade.
Leurs troupes s’étaient désorganisées en un instant, sous une pluie d’éclats de roches pulvérisées volant dans toutes les directions.
Les soldats à côté d’elle n’avaient pas eu le temps de réagir. Un homme, frappé en pleine poitrine, s’était effondré en arrière dans un fracas effroyable de sang et d'os. Un autre, pris à la tête, s’était écroulé sans un bruit ; les membres convulsant faiblement avant de devenir immobiles.
Un commandant avait désespérément tenté de reformer les rangs. Mais une colonne de pierre avait surgi du sol, pour le projeter en l’air comme une poupée de chiffon.
Les maîtres de la Terre semblaient omniprésents. Ils étaient partout et nulle part.
Azula s’était élancée. Seule. Déchainant des flammes, d’un bleu éclatant et d’une chaleur dévorante.
Et le monde avait semblé s’embraser tout entier sur son passage.
Après cet incident, Lu Ten n’avait jamais de mots assez flatteurs pour évoquer Azula, son courage et sa maîtrise. Mais Azula ne ressentait pas la fierté qu’il semblait attendre d’elle. Ces louanges, murmurées dans les camps et répétées dans les salons du palais, pesaient sur elle comme une menace voilée.
Elle avait fait une erreur, une erreur irréparable.
Le Seigneur du Feu ne cessait de la convoquer ; pour lui poser des questions insistantes sur ses entraînements, ses ambitions et, plus étrangement encore, sur sa loyauté.
Azula sentait l’étau se refermer.
Elle n’était pas stupide. Elle savait d’où ça venait. Le prince Ozai avait beau avoir eu le bon goût de mourir en héros à la guerre, il semblerait que cela n’était pas encore suffisant pour la Cour et tous les parasites papillonnant autour du Seigneur du Feu. Il y avait quelque chose qu’elle ignorait et qu’on ne lui disait pas à son sujet. L’hostilité à peine voilée qu’elle percevait les trop rares fois où le nom de son père était prononcé ne pouvait se justifier par le simple fait qu’il ait été un non-maître.
Cette hostilité semblait s’être répercuté, avec la même violence, sur son frère ainé. Toujours sans raison clairement évoquée. Cela ne pouvait définitivement pas être à cause de sa non-maîtrise. Pas lui aussi.
Azula s’était longtemps posée la question du pourquoi du comment.
Tout semblait avoir commencé avec Sozin. Autrefois, avant son règne, on se contentait d’effacer les noms sur l’arbre généalogique officiel. Néanmoins, on savait que tel Seigneur du Feu avait eu tel frère ou telle fille non-maître. On connaissait leurs dates de naissance et de mort, s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme ; et c’était tout. Leurs accomplissements n’étaient ainsi pas gravés sur leurs stèles, comme il était normalement de coutume pour les membres de la famille royale. Mais on savait qu’ils avaient existé. Et malgré toute la honte que leurs existences avaient semblé susciter, on ne les reniait pas totalement. Leurs restes reposaient aux côtés du reste de leur lignée, dans des tombeaux tout aussi prestigieux.
Ce n’était pas le cas du prince Ozai. Azula avait longtemps cherché sa tombe au milieu de toutes les autres anonymes, avant de se rendre à l’évidence. Les stèles vierges étaient trop usées, trop vieilles… Aucun non-maître n’avait été placé ici depuis très longtemps.
Son père n’était pas là.
Mais alors où était-il ? Pourquoi n’avait-il pas eu droit aux mêmes égards que les autres ?
Ce mystère devint une obsession. Elle s’était mise à fouiller les archives lors de ses rares moments de solitude, prétextant un intérêt pour l’histoire. Personne ne semblait réellement se soucier de ce qu’elle faisait de son temps libre au palais, alors personne ne vint l’ennuyer.
Les registres officiels ne lui apprirent rien qu’elle ne sache déjà.
Ce fut presque par hasard qu’elle était tombée un rouleau étiqueté d’un simple : Première décennie du règne de Sozin. Comme ça. Placé au milieu des autres.
Elle avait déroulé le document, sans grand enthousiasme, en sachant par avance qu’elle n’allait rien trouver de très concluant. Les premiers paragraphes n’étaient en effet qu’un compte rendu ennuyeux sur les festivités et les alliances matrimoniales. Mais une ligne avait attiré son attention :
« Les dispositions pour l’exil de la princesse Zeisan, conformément à la volonté du Seigneur du Feu, seront exécutées avant le prochain solstice. »
Azula avait froncé les sourcils. Ce nom ne lui disait rien. Il aurait dû pourtant, à force de retourner les archives dans tous les sens. S’il lui était inconnu, cela ne pouvait dire qu’une seule chose : que ladite princesse ait été un non-maître. Et en même temps, cela entrait en contradiction avec leur arbre généalogique, tel qu’elle le connaissait. Aucun non-maître de sang royal n’était censé être né dans les temps de Sozin. Aucun prince ni aucune princesse sans nom et sans visage n’apparaissaient dans les documents de l’époque.
Cette Zeisan était quoi ? Une princesse par alliance ?
Non. Cela n’avait plus de sens que le reste. Sozin était fils unique. Avec qui cette femme se serait mariée pour avoir le droit de porter le titre de princesse ?
Azula avait eu beau continuer à fouiller ; à lire encore et encore tous les autres rouleaux qui lui tombaient sous la main, elle ne trouva rien de plus au nom de Zeisan.
Le lendemain, quand elle était retournée dans l’aile des archives, elle avait voulu tenter autre chose, avec des recherches plus… indirectes. Moins liées avec la généalogie royale ou les comptes-rendus des évènements importants des règnes des différents Seigneurs du Feu. Les documents financiers, avec leur sécheresse bureaucratique, n’étaient pas aussi soigneusement expurgés que les récits historiques. Ils conservaient parfois des indices que personne n’avait pensé à détruire.
Elle avait donc consulté les registres de compte. La plupart des entrées étaient d’un ennui mortel : fournitures pour les cérémonies, réparations de bâtiments officiels, dotations aux serviteurs royaux… jusqu’à ce qu’elle tombe sur une ligne qui retint son attention :
« Transfert des fonds pour la princesse Zeisan, allocation pour voyage – destination inconnue. Montant exceptionnel pour frais d’accompagnement. »
Et après plusieurs autres semaines de patientes recherches, elle découvrit une mention plus surprenante encore :
« Allocations accordées à la princesse Zeisan suspendues à compter du deuxième mois suivant – annulation des titres et privilèges associés sur ordre du Seigneur du Feu Sozin. »
Ce qui était plutôt étrange, même pour une princesse exilée. Zuko notamment, bien que banni, était toujours un prince de la Nation du Feu et de ce fait obtenait régulièrement des financements. Azula n’avait encore jamais entendu parler d’un membre de leur famille ayant déplu au point d’avoir été laissé sans rien.
Et dans les cas réellement graves, comme la trahison, on les exécutait sur place. Jamais on n’aurait pris le risque de les laisser libres, même en les dépouillant de leurs titres.
Zeisan n’était pas non plus enterrée aux côtés des autres membres de leur famille. Azula avait vérifié. Aucune tombe sans nom ne semblait dater de cette période. Ce qui supposait une notion de gravité extrême. L’exil prenait fin à la mort du prince ou de la princesse. Seuls les traitres n’avaient pas le droit de reposer aux côtés de leurs ancêtres.
Et le prince Ozai. Apparemment.
Cela supposait-il que son père avait trahi le Seigneur du Feu d’une manière ou d’une autre ?
Non.
Il aurait été exécuté pour cela, pas vrai ? En public. Pour servir d’exemple. Pour démontrer la toute puissance du Seigneur du Feu.
Azula aurait été mise au courant. Mieux, on lui aurait demandé d’assister à l’exécution.
Le prince Ozai n’avait pas été exécuté. La Princesse Zeisan n’avait pas été exécutée.
Que tout ceci était étrange.
Comme tout le reste.
Comme l’attitude que sa mère et son oncle avaient eu envers le prince Ozai, puis de manière moindre avec Zuko.
Azula ne se souvenait pas si ses deux parents s’étaient déjà comportés comme un vrai couple devant elle. Les trop rares fois où elle avait eu l’occasion de les voir ensemble semblait tenir du hasard, quand ils se croisaient au détour d’un couloir.
Sa mère s’était montrée à chaque fois, dans ces moments-là, d’une politesse irréprochable. Comme si elle s’adressait à un parfait inconnu. Une retenue subtile, mais constante.
Et puis, il y avait Zuko.
Azula avait toujours remarqué une différence de traitement entre elle et lui. Leur mère, si attentive aux besoins d’Azula, toujours si prompte à la féliciter ou à lui adresser un sourire, agissait avec Zuko comme s’il n’existait pas. Et aujourd’hui qu’il n’était plus là, c’était encore pire. Elle ne prononçait même plus son nom.
C’était tout l’inverse avec leur père. Le Prince Ozai semblait avoir noué un lien inexplicable avec Zuko ; un lien qu’Azula ne partageait pas. Dès son plus jeune âge, elle avait remarqué comment son père s’isolait avec Zuko, partageant des conversations à voix basse et des moments qu’elle n’était jamais invitée à rejoindre.
Ozai l’ignorait autant qu’Ursa ignorait Zuko.
Azula avait fini par accepter cette distance, presque comme un fait naturel et immuable. Mais, de temps à autre, elle ne pouvait s’empêcher de s’interroger.
Ce n’était pas logique.
Rien de tout cela ne l’était.
Ursa était une non-maître elle aussi. Une grande partie des courtisans l’était également. Ces gens-là ne pouvaient pas mépriser son père et son frère sur ce simple élément.
Quoi qu’en fusse la raison, personne ne prenait la peine de la lui communiquer. Et étrangement, pourtant, on estimait qu’elle devait le payer elle aussi.
On attendait d’elle qu’elle accepte son sort incompréhensible et s’efface.
Et Azula ne voulait pas s’effacer.
Azula ne voulait pas finir comme Zuko ; prisonnier de ses propres appartements, avant l’exil et le déshonneur. Mais c’était néanmoins bien parti pour. Son oncle et son cousin ne pourraient pas éternellement la protéger. Ils avaient trop peu d’influence sur la Cour et donc sur le Seigneur du Feu pour cela.
Les courtisans ne devaient plus être un obstacle, mais un tremplin.
Azula choisit ainsi soigneusement ses cibles. Certains courtisans étaient trop avides, trop imprévisibles. D’autres, au contraire, étaient trop prudents ou trop étroitement liés aux factions qui lui étaient hostiles. Elle avait commencé par les plus marginaux d’entre eux. De fait, ceux-là nourrissaient plus de rancœurs et de déceptions que les autres. Elle n’avait alors qu’à se montrer polie et respectueuse ; un mot aimable par ici, un sourire par là. Elle flattait leur ego, évoquant des souvenirs d’une gloire passée ou des talents qu’elle prétendait admirer.
Un jour, un conseiller mineur lui confia qu’il n’était pas d’accord avec certaines décisions militaires récentes. En réponse, Azula avait hoché la tête avec une gravité calculée :
- Je suis sûre que votre expertise nous serait précieuse.
Le courtisan, flatté, se mit à parler plus librement. Azula ne le coupa pas, se contentant de poser des questions précises pour le pousser à en dire davantage. Lorsqu’il s’arrêta enfin, elle conclut d’un ton pensif :
- Peut-être pourrais-je glisser un mot au Général Lu Ten. Il serait dommage que de telles idées soient ignorées.
Elle savait qu’il s’accrocherait à cette promesse informelle. Ce modèle se répéta à plusieurs reprises, avec des variations.
Azula prenait soin de ne jamais s’associer à une faction trop en vue, ni de s’opposer publiquement à ceux qui dominaient la Cour. Sa position précaire l’obligeait à la prudence.
Mais elle savait utiliser les dissensions à son avantage. Lorsqu’un conflit éclata entre deux familles influentes, elle se montra tour à tour compatissante et neutre, écoutant les doléances de chaque camp sans jamais prendre parti ouvertement. Dans l’ombre, elle faisait passer des messages discrets, amplifiant les malentendus et attisant les rivalités ; et toujours en veillant à ce que son rôle reste invisible.
Peu à peu, les courtisans commencèrent à venir vers elle d’eux-mêmes, attirés par l’impression qu’elle était une oreille attentive et, peut-être, une alliée utile. Ils commençaient à lui confier leurs inquiétudes, leurs doutes, et même leurs projets. Elle prenait tout, même ce qui semblait insignifiant et rangeait ces informations dans un coin de sa mémoire.
Elle ne finirait ni comme son père, ni comme son frère. Un jour viendrait où elle n’aurait plus besoin de flatteries ni de murmures. Mais pour l’instant, elle continuait patiemment à poser les fondations de sa survie.
Zuko se laissait guider. Il y avait ce tissu inutile, noué autour de ses yeux ; et qui aurait pu le faire sourire s’il n’avait pas été aussi las. Zuko ne saurait pas se repérer dans la vieille ville, même si sa vie en dépendait. Et Jet le savait.
Cela ne faisait que confirmer à demi-mot la gravité dans laquelle Zuko se trouvait à présent. Jet se méfiait de lui. Jet savait qu’il était un espion. Jet l’emmenait, sans aucun doute, vers la mort. Et Zuko s’en moquait. Il n’avait pas l’intention de s’échapper.
Ils marchèrent longtemps. Trop longtemps. Et Jet, sans prévenir, s’arrêta brusquement. Zuko faillit manquer son équilibre, mais l’étreinte sur son bras l’empêcha de tomber.
Jet émit alors un sifflement discret. Ce petit bruit perça le silence de la nuit et fut presque aussitôt suivi d’un grondement sourd. Quelque chose sembla changer dans l’air tout autour d’eux, sous leurs pieds ; comme une poussée… remontant des profondeurs de la terre.
Il y eut un grincement rugueux et une odeur terreuse envahit ses narines. Elle était différente de l’humidité de la ruelle : plus fraîche, comme celle d’un sol nouvellement mis à nu.
Encore un passage souterrain. Encore cette satanée maîtrise de la Terre.
Jet, toujours silencieux, tira légèrement sur le bras de Zuko pour l’inciter à le suivre.
Un pas. Puis un autre.
Zuko avançait avec prudence ; ses pieds nus tâtonnant maladroitement dans le vide. La pierre était froide et légèrement rugueuse, mais une fine couche de poussière ou de gravats par endroits la rendait traître. Parfois, Zuko glissait et Jet le rattrapait. À chaque fois, la main de Jet se resserrait autour de son bras avec brusquerie pour le maintenir droit.
Mais il y avait un problème...
Le jeune prince glissa, maladroitement, une nouvelle fois, avant de réaliser qu’il avait presque manqué d’emporter Jet avec lui. Il y avait comme une légère faiblesse dans la prise autour de son bras, comme si Jet lui-même peinait à conserver son propre équilibre.
Une pensée étrange, morbide, le traversa alors. Et pourquoi pas après tout ? Si Jet et lui tombaient, les informations qu’il avait divulguées disparaîtraient avec eux et les Partisans ne sauraient rien. Rien du tout.
Est-ce que c’était ce qu’il était censé faire ?
Après tout, il n’était même sûr que la chute ne le tue, lui.
Il n’était pas attaché.
Jet s’écraserait seul, tandis que Zuko n’aurait qu’à utiliser l’air pour doucement se laisser glisser tout en bas. C’était une option. Une possibilité qui s’offrait à lui, claire et nette. Pourtant, il n’en fit rien. Les pensées tournaient en boucle dans son esprit, mais aucune ne se transforma en action.
Et bientôt, ce fut trop tard. Le pied de Zuko toucha enfin de la terre meuble.
L’air transportait des messages subtils. Il y avait comme un écho, très léger. Les sons, étouffés et profonds, se répercutaient différemment ici, comme si les murs étaient loin, très loin. L’air autour d’eux semblait s’étirer d’une manière qu’il n’avait pas ressentie dans l’étroitesse de l’escalier. Le courant était plus libre, plus fluide, comme si rien ne l’entravait sur des dizaines de mètres.
Une caverne, peut-être. Une structure naturelle ou creusée par la maîtrise de la Terre.
La main de Jet se détacha enfin de son bras pour agripper le bandeau qui couvrait les yeux de Zuko. La lumière, bien qu’atténuée, lui parut presque aveuglante pendant quelques secondes. Il cligna des yeux, désorienté.
Des lanternes, suspendues à des cordes tendues ou fixées à la pierre, projetaient des lueurs vacillantes sur les parois irrégulières.
Il y avait plusieurs grandes tables grossièrement taillées dans des blocs de roches sorties directement du sol ; toutes encombrées de cartes, d’armes, et de papiers épars. Un groupe de figures silencieuses était rassemblé autour de l’une d’entre elles.
- C’est bien lui, dit simplement Jet.
Un homme âgé se détacha du groupe. Son visage, bruni par une vie passée sous le soleil, était encadré par une couronne éparse de cheveux blancs mal coupés et désordonnés. Une chevelure négligée qui détonnait avec le reste de sa personne à l’évidente sévérité austère. Sa barbe fine et soigneusement taillée accentuait la rigidité de ses traits. Il se tenait droit, d’une manière presque inconfortable à regarder, comme si sa colonne vertébrale était une ligne tracée à la règle ; pas un muscle ne semblait fléchir.
L’homme posa lentement un regard perçant sur Zuko, et un sourire mince dénué de chaleur se dessina sur ses lèvres.
- Prince Zuko.
Les mots claquèrent dans l’air comme un coup de fouet. Et Zuko se rappela, soudain. Il avait déjà vu cet homme. Dans une salle d’audience. C’était un amiral. Un amiral de la Nation du Feu. Jeong Jeong.
- Vous… Balbutia Zuko, avec surprise.
Comment un amiral pouvait se trouver ici ? Au milieu de Partisans ? Une mission secrète, peut-être ? Une infiltration soigneusement orchestrée pour saboter les Partisans de l’intérieur ? Mais cette pensée ne dura pas. Un amiral ne se serait pas mêlé directement à une affaire aussi banale, aussi peu importante. C’était absurde.
Ce n’était pas le plus étrange dans cette scène délirante. Parmi les gens silencieux qui l’observaient, avec plus ou moins de dureté, il reconnut un autre visage. Très jeune. Avec d’immenses yeux gris, qui semblaient avoir perdu l’éclat joyeux qui les caractérisaient il y encore quelques mois.
L’Avatar.
Notes:
Voilà, voilà. Pas aussi long que je ne l'aurais espéré. Et encore une fois en retard. Je ne suis pas tout à fait satisfaite de ce que j'ai écrit là, mais ça ne sera jamais parfait. Alors autant le publier. Je suis vraiment désolée de vous faire attendre à chaque fois, autant avec le délai de publication, qu'avec des chapitres où il ne se passe pas énormément de choses. J'essaie de redresser la barre. Le prochain chapitre arrivera la semaine prochaine, mais je ne sais pas encore quel jour exactement. Vous pourrez y retrouver un certain nombre de personnages et d'intrigues que j'ai laissés de côté ces derniers temps, comme Kori et Zhao. J'espère que celui-ci vous a plu, néanmoins.
Merci ÉNORMÉMENT de continuer à me lire ! Et à la semaine prochaine pour la suite !
Chapter 19: Clivages
Notes:
Oui, me revoilà enfin. Je sais, c'est difficile à croire. Je suis vraiment désolée. Mais comme on dit, la vie c'est de la merde. Beaucoup de choses m'étaient tombées dessus et je n'avais plus la tête à écrire. Quoi qu'il en soit, je reprends le rythme hebdomadaire de publication tous les lundi (promis, juré, craché) !
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Zhao n’avait pas de mot assez fort pour retranscrire la colère qui l’avait traversé quand il avait déroulé le message que Zuko lui avait fait transmettre par faucon.
Chacun de ces mots semblaient le narguer. Il aurait dû le prévoir. Il aurait dû l’anticiper. Zuko avait toujours été une variable instable.
C’était une catastrophe. Zhao ne comprenait pas comment Zuko avait pu croire une seule seconde qu’il serait capable de s’en sortir seul. Ce n’était pas qu’une question de préparation ou d’expérience, même si le garçon manquait cruellement des deux. Non, c’était plus fondamental. C’était un faible.
L’idée même que ce gamin puisse survivre seul dans cet enchevêtrement de ruelles crasseuses et de rancunes accumulées relevait de l’absurde. Zuko n’avait ni l’instinct, ni la force, ni la ruse nécessaire. Il serait une proie facile pour les prédateurs qui rôdaient dans les ombres du vieux Yu Dao.
Un coup de lame bien placé et le corps de Zuko serait jeté dans un caniveau comme tant d’autres.
Mais il y avait pire qu’un quelconque truand. Un prince de la Nation du Feu, stupide et dénué de tout sens commun, ne tarderait pas à se faire repérer par des gens autrement plus dangereux. Un interrogatoire suffirait. Les Partisans étaient experts dans cet art. Ils briseraient Zuko en quelques heures et le garçon parlerait. Il révélerait tout : les caches, les noms, les plans.
Zhao devait réfléchir. Vite. Il devait agir, pour éviter que sa position ne soit compromise elle aussi. Il avait travaillé trop dur pour laisser quelqu’un détruire tout ce qu’il avait patiemment construit.
Les pensées de Zhao tourbillonnèrent.
Zuko était surveillé. Il l’avait été dès l’instant où il avait eu le malheur de naître. Et chaque jour qui passait le rapprochait d’autant plus de sa fin inévitable, alors que la folie paranoïaque du Seigneur du Feu dévorait tout le reste. C’était l’unique raison pour laquelle il avait finalement décidé de l’éloigner loin, seul, dans une ville que la Cour pensait dénuée d’intérêt.
Il avait eu besoin de Zuko à ses côtés, pour rassembler autour d’eux ceux dont leur cause avait si terriblement besoin. Cela simplifiait tellement de choses, cela effaçait tellement de réticences. Ils étaient si nombreux à ne pas avoir digéré l’échec prématuré de leur première révolte. Le désespoir les rendait irrationnels. Ils ne voyaient pas Zuko. Ils voyaient Ozai. Zuko n’avait besoin de rien dire. Juste d’être là. D’être le fils de leur ancien général. D’exhiber sa ressemblance si frappante qu’elle en excitait la nostalgie, ainsi qu’une ferveur quasi-religieuse.
Mais c’était un jeu dangereux auquel Zhao avait joué là. Il avait beaucoup trop compté sur la fidélité qu’on pouvait éprouver envers un mort, sans assez s’inquiéter de la crainte qu’on pouvait ressentir envers les vivants.
Il fallait éloigner Zuko. Eloigner le regard du Seigneur du Feu de ce qui était en train de se préparer. Pour les protéger eux, mais aussi et surtout le protéger, lui, le petit prince si suspect.
Azulon ne savait rien de concret. Pas encore. Il avait fait tuer Ozai, ainsi que quelques-uns de ses subordonnés les plus exposés. Les autres, comme Zhao, avaient survécu en courbant l’échine au bon moment.
Mais si Zuko restait trop près, trop longtemps, d’hommes et de femmes trop hauts gradés, cela finirait inévitablement par réveiller la méfiance maladive de leur bien-aimé souverain. Et ce dernier n’avait jamais eu vraiment besoin de preuves pour exécuter ou assassiner de potentiels rivaux.
Zhao n’avait encore totalement compris pourquoi Azulon s’était contenté de bannir le petit prince après qu’il ait osé s’opposer à lui. Certaines de ses sources insistaient sur le fait, qu’étonnamment, Iroh semblait y avoir jouer un rôle… sans qu’on sache pourquoi.
Le commandant en était réduit à faire des hypothèses, plus ou moins hasardeuses. Ce n’est pas comme si le vieil homme avait déjà exprimé à Zuko la même affection démesurée qu’il semblait porter à la princesse Azula. Zhao supposait que cela n’était qu’une manière comme une autre de s’opposer au Seigneur du Feu, de façon détournée. La famille royale n’était pas étrangère à ce genre de jeu politique, et ce bien avant le règne d’Azulon.
En sauvant Zuko de la colère d’Azulon, Iroh ne faisait pas que protéger un adolescent inconséquent. Il affirmait, en creux, sa propre légitimité à modérer les excès du trône, à incarner une forme d'équilibre. Un contrepoids silencieux, mais présent.
Cela expliquerait aussi en partie l'étrange popularité du vieux prince auprès des anciens vétérans, et cette aura de respect qu’on lui témoignait jusque dans les colonies. Même si cette popularité était loin d’être partagée par la Cour. Mais était-ce réellement important, quand cette dernière n’était plus aujourd’hui qu’un repaire de marionnettes sans pouvoir ?
Cela pourrait se révéler un réel problème à l’avenir. Un problème que Zhao n’avait pas encore réussit à contrer.
Et bien entendu, à force de songer à Zuko, un autre visage finissait inévitablement par se superposer au reste.
Ozai.
Même aujourd’hui, même après toutes ces années, la plaie restait ouverte. Il n’arrivait toujours pas à se libérer de cette obsession stupide. Une part de lui se méprisait pour ça. Il ne voulait pas se souvenir. Ces pensées étaient inutiles, mais surtout improductives.
Zhao avait échoué à protéger Ozai. Il n’avait pas réussi à anticiper la trahison d’Iroh ; et ce, malgré des signes qui avec le recul lui semblaient évidents. Il aurait dû être plus vigilant. Il aurait dû agir différemment.
Il s’agita imperceptiblement sur son siège, surpris comme à chaque fois par cette montée de culpabilité. C’était là. Ce reste d’attachement envers un mort. Ce fragment d’humanité mal placé qu’il n’avait jamais réussi à étouffer complètement.
Zuko était le fils d’Ozai. Ça signifiait quelque chose, même pour quelqu’un comme lui.
Voilà plus d’une semaine que le prince Zuko avait disparu.
Morishita ne savait plus quoi faire pour tenter d’arranger les choses. Les messages envoyés aux quelques informateurs discrets qu’il avait dans la vieille ville étaient restés sans réponse. Il avait eu beau questionner de potentiels suspects ou des gens pourrissant déjà dans leurs prisons ; personne n’était au courant de rien. C’était comme si le jeune prince s’était évaporé. La situation échappait à tout contrôle et chaque heure passée rendait plus improbable encore l’idée d’une issue favorable.
Comment allait-il justifier ça ? Comment allait-il expliquer à la Cour, au Seigneur du Feu, qu’un membre de la famille royale ait pu disparaitre dans un endroit placé sous sa juridiction ?
Certes, la vieille ville était un labyrinthe anarchique. Ses ruelles étroites, ses bâtiments décrépis et ses habitants défiants rendaient toute surveillance presque impossible. Mais cela ne changerait rien au fait qu’il en était le maire. Ce qui se passait là-bas relevait autant de sa responsabilité que les avenues bien ordonnées du nouveau Yu Dao.
Les excuses qui s’ébauchaient dans son esprit lui semblaient grotesques, pitoyables. Dire que le prince était sorti sans escorte ? Qu’il aurait apparemment passé la muraille, seul et sans prévenir personne ? Que lui-même s’était rendu compte trop tard de la manœuvre ?
Cela ferait de lui un incapable.
En supposant qu’ils s’arrêteraient à la théorie de son incompétence. Et que personne ne viendrait à s’imaginer une trahison.
Si Zuko ne réapparaissait pas, il y aurait des conséquences. Une enquête officielle. Des interrogatoires. Peut-être même une purge.
Le maire s’effondra dans son fauteuil, l’esprit assailli par des scénarios de plus en plus sombres. Ses pensées tournaient en boucle, comme enfermées dans une cage. Il fallait qu’il agisse. Mais quoi faire ? Envoyer des hommes ? Ce serait risquer de révéler publiquement l’absence du prince et déclencherait la panique parmi les Citoyens. Garder le silence et espérer que Zuko revienne par lui-même ? Ce serait jouer avec le feu. Il était peut-être, sûrement, en grand danger. Chaque minute comptait.
Il fallait qu’il prenne une décision. N’importe laquelle.
Il ne pouvait définitivement pas envoyer des soldats à l’intérieur de la vieille ville. Ça serait mal perçu par les Sujets ; et il savait pertinemment que les Partisans se saisiraient de l’occasion pour faire monter la tension. Une émeute était vraiment la dernière chose dont il avait besoin actuellement.
Il lui fallait des gens qui ne soient pas liés à la Nation du Feu, capables d’agir discrètement sans attirer l’attention. Des gens que les Partisans ne soupçonneraient pas en les croisant dans la vieille ville.
- Nous avons besoin de chasseurs de primes, finit déclarer Morishita à son secrétaire, quelques heures plus tard. Des hommes et des femmes qui connaissent les rues de la vieille ville et qui ne poseront pas de questions.
- Dois-je leur dire qui ils doivent chercher ? Demanda en retour l’autre homme avec appréhension.
Morishita hésita un instant, avant de prendre une décision. Zuko n’était pas un prince de premier plan. La plupart des gens ignoraient jusqu’à son existence.
- Pas de nom. Donnez-leur le portrait le plus ressemblant possible et dites-leur seulement qu’ils cherchent un débiteur en fuite.
Le secrétaire prit note avant de quitter la pièce, laissant Morishita seul avec ses pensées.
Ru n’était pas sûre de comprendre complètement le discours passionné que déclamait Kori Morishita depuis plusieurs minutes. Mais aux vues des regards surpris que sa sœur Yaling lui adressait régulièrement en coin, elle n’était pas la seule.
Liling, leur mère, à l’inverse, accordait une attention toute particulière à la tirade exaltée qui ne semblait pas attendre de réponses. Liling souriait, avec une expression toute douce et bienveillante, hochant parfois la tête au bon moment pour approuver le propos avancé. Pourtant, derrière ce masque aimable, Ru surprit le regard froid qui scrutait Kori sans ciller.
La fille du maire ne donnait pas l’impression de s’en alarmer. Ru n’était pas certaine que Kori s’en soucie de toute manière. Elle ne semblait remarquer ni le regard de Liling, ni le fait que personne ne la relançait. Pas un mot, pas une interruption ; rien ne venait freiner le flot de ses certitudes.
Kori continuait de parler, les yeux brillants d’une ferveur qu’elle seule semblait ressentir :
- Vous plus que quiconque, vous savez ce que cela signifie de bâtir quelque chose de durable, madame Liling. Vous vous êtes investie dans cette ville ; vous y avez construit votre vie. Et vous n’êtes pas de ceux qui crachent sur la main qui les nourrit. Mais ceux de la vieille ville sont différents. Vous avez vu, comme nous tous, ce qu’ils ont fait avec leurs bombes ! Parce que nous avons choisi la civilisation, le progrès et l’ordre !
Ru se sentait de plus en plus mal à l’aise. Mais Liling, elle, ne laissait toujours rien paraitre.
- Je vais être très claire : ce que fait mon père ne suffit plus, poursuivait Kori, imperturbable. Il parle d’enquêtes et de preuves. Il demande de la patience pendant que nos enfants meurent et que nos maisons explosent. Je respecte mon père, mais il ne voit pas que le temps du dialogue est terminé. Cela fait des semaines que les attaques se multiplient. Ils se nourrissent de notre retenue. Ils interprètent notre justice comme de la faiblesse ! A force d’attendre des aveux, nous finirons par creuser nos propres tombes. Il est temps de nous protéger nous-mêmes. Pas en parlant, pas en négociant, mais en frappant là où ça fait mal. Ce n’est pas de la vengeance, c’est de la survie ! S’ils veulent la guerre, alors nous devons leur montrer qu’ils ne sont pas prêts pour celle que nous leur rendrons.
- Le Maire n’est donc pas au courant de vos activités ? Demanda brusquement Liling, avec l’air de ne pas y toucher, comme si cela n’était qu’une simple question parmi d’autres.
Néanmoins, cette remarque faite sur le ton de l’innocence sembla atteindre sa cible. Kori perdit soudain toute contenance. Elle se tut, avant de reprendre au bout de quelques secondes comme si elle commençait enfin à réfléchir au poids de ses mots :
- Non. Bien sûr que non. Mon père est un homme de l’ancienne école. Il n’a pas compris que le monde a changé. Avec les rumeurs du retour de l’Avatar… Tout est différent aujourd’hui. Nos ennemis reprennent confiance et ce paradis que nos ancêtres ont patiemment bâti peut à tout moment s’effondrer.
Nos ancêtres ? Ne put s'empêcher de penser Ru. Ses ancêtres et les Morishita n’avaient jamais partagé le même destin. Cela ne faisait que douze ans qu’elles avaient toutes les trois le droit de vivre dans la nouvelle ville. Liling était la première de leur famille à avoir suffisamment eu d’argent et d’influence pour obtenir ce privilège. Leurs ancêtres, eux, pataugeaient dans la boue et ce bien avant l’arrivée de la Nation du Feu. Ce n’étaient que des paysans et des mineurs ; quand ceux de Kori, colons ou locaux, n’avaient jamais connu de tels désagréments.
« Nous ». « Notre ville ». « Nos ennemis ». Mais ce « nous » ne les avait jamais réellement inclus.
Leurs ancêtres à toutes les trois n’avaient fait que subir.
Et à présent qu’elles avaient de l’argent et de la tranquillité, voilà qu’on tentait de le leur prendre ?
Cela ne choquait même plus Ru. Elle était juste lasse… et vaguement écœurée. Mais elle ne dit rien. On ne s’attendait pas qu’elle dise quelque chose, de toute manière. Kori Morishita était venue à parler à Liling. Elle voulait l’argent de Liling. Ce qu’en pensait Ru ou Yaling n’avaient pas la moindre importance.
Liling, justement, n’avait jamais cessé elle de sourire. Elle se pencha très légèrement vers la fille du maire, avant de lui lancer avec une amabilité étudiée :
- Vous avez une belle énergie, mademoiselle Morishita. Et une foi admirable en cette ville. Peu de jeunes gens ont ce courage d’oser dire tout haut ce que tant d’autres n’osent penser tout bas. C’est rafraîchissant… et précieux.
Elle marqua une pause, juste ce qu’il fallait pour donner du poids à ses mots.
- Vous avez raison de ne pas vouloir rester les bras croisés. Les choses doivent évoluer, bien sûr. J’aimerais beaucoup en reparler, dans un cadre plus approprié. Vous avez des idées fortes. Il serait dommage de ne pas leur offrir un espace à la mesure de leur ambition.
Elle ponctua sa phrase d’un sourire plus appuyé, presque complice.
- Et puis, votre père a tant à faire. Vous ne faites là qu’alléger son fardeau, à votre manière.
Le visage de Kori s’éclaira. Elle se redressa un peu, ravie, les épaules tirées vers l’arrière dans un sursaut d’orgueil évident.
Elle se leva de son siège, l'air satisfait, comme si tout cela n’était qu’une formalité désormais réglée.
- Merci de m’avoir écoutée, Madame Liling. Nous reparlerons très vite, j’en suis certaine.
Et sans plus attendre, elle prit congé, le pas léger, convaincue d’avoir gagné un soutien décisif.
Un serviteur l’accompagna hors de la pièce et bientôt hors de leur maison.
Elles, à l’inverse, restèrent de très longues secondes immobiles et silencieuses sur leurs chaises. Et enfin, Ru se redressa et explosa :
- On ne va quand même pas écouter cette folle ?!
Liling tourna les yeux vers elle. Son éventail s’ouvrit lentement dans sa main, dans un froissement délicat, presque paresseux. Mais sa voix, elle, claqua sèchement dans l'air :
- Ça suffit.
Ru se figea. Sa mère ne criait jamais. Elle n’avait pas besoin de hausser le ton pour se faire obéir. Ce qui n'avait jamais empêché Ru de la craindre par-dessous tout ; surtout dans ces moments-là, où Liling laissait transparaitre une étincelle de colère.
Liling resta un long moment sans rien dire, avant de finir par reprendre d’un ton plus mesuré :
- Elle reste la fille de l’homme qu’elle critique. La dénoncer est donc hors de question. On ne nous croira pas. Pire : c’est une Citoyenne de la Nation du Feu. Elle peut cracher tout ce qu’elle veut dans mon salon et je n’ai pas le droit de la faire taire. Et toi non plus. Tu oublies trop vite que nous ne sommes pas chez nous, ici. Nous sommes tolérées. Rien ne nous est dû. Un mot de travers, une plainte mal formulée… et tout ce que j’ai mis des années à construire pourrait s’effondrer du jour au lendemain.
Son expression se fit plus dure.
- Alors tu vas te rasseoir et te calmer. Nous allons survivre à cette histoire, comme à tout le reste. Et pour cela, ma chérie, il faut savoir se taire. Se taire et sourire.
Aang, l’Avatar, ne bougea pas en l’apercevant. Pas plus qu’il ne dit quoique ce soit. Il se contenta de fixer Zuko, sans agressivité, mais avec une gravité inhabituelle pour quelqu’un d’aussi jeune.
Pourquoi l’Avatar était-il ici ? Et pourquoi Jeong Jeong, un amiral de la Nation du Feu, semblait tenir une position d’autorité dans un endroit où l’Avatar se déplaçait en parfaite liberté, sans liens d’aucune sorte ?
- Pourquoi suis-je ici ? Lâcha finalement Zuko, la voix rauque.
- C’est en effet une très bonne question, rétorqua Jeong Jeong. Une question que je pourrais vous retourner. Qu’êtes-vous venu chercher ici, prince Zuko ?
Zuko ne répondit pas.
Tous les regards étaient braqués sur lui.
- Pourquoi es-tu là ? Demanda à son tour Aang, de sa voix claire d’enfant.
- Il ne te répondra pas, Avatar, fit Jeong Jeong.
Le vieil homme s’avança alors d’un pas. Ses yeux, sombres et perçants, se fixèrent sur Zuko avec une intensité presque insupportable.
- Ainsi donc Zhao a prit le risque de vous envoyer tout seul ici ? Demanda-t-il d’un air passablement suspicieux, en le regardant de haut en bas. C’est surprenant.
- Qu’est-ce que je suis censé comprendre ? Ne put se contenir Zuko, piqué par l’insulte sous-jacente.
Jeong Jeong continua à observer le jeune prince avec une neutralité glaciale, avant de lâcher presque pensivement :
- Je suis juste surpris qu’il ait pris le risque de mettre en danger... quelqu’un comme vous.
La petite voix de l’Avatar s’éleva alors dans le silence tendu qui commençait à s’installer.
- Tu es un maître de l’Air. Je sais que ça veut plus dire grand-chose pour plein de gens maintenant. Mais pour moi, si. C’est super important. On est pareils. On fait partie de la même chose, tu comprends ? Même si t’as pas connu les bisons, ou les moines, ou tout le reste. Ça change rien ! T’es pas obligé d’être avec la Nation du Feu !
Pourquoi continuait-il à lui parler comme ça ? Il l’avait vu. Il l’avait vu faire sur Kyoshi. Il avait semblé si choqué, si horrifié, ce jour-là. Et aujourd’hui, il se contentait de le regarder, comme s’il n’était qu’un ami perdu de vue, avec ce je-ne-sais-quoi de pétillant et de joyeux au fond de ses yeux gris. Si semblables à ceux de Ty Lee. Si semblables aux siens, finalement.
Zuko avait toujours profondément détesté cette couleur. C’était si terne et si dénué de vie ; surtout en comparaison de l’ambre des maîtres du Feu.
- Tu perds ton temps, Avatar ! Intervint Jeong Jeong d’un ton sec.
La main de Jet se resserra un peu trop fort sur le bras de Zuko, qui ne put s’empêcher de grimacer. C’était inutile. Il ne comptait pas s’enfuir de toute manière.
Une voix s’éleva du groupe d’inconnus qui se contentaient jusqu’alors de le fixer en silence :
- Tu n’as vraiment rien à dire ?
Un adolescent de la Tribu de l’Eau se détacha alors de la foule compacte, qui fixait silencieusement Zuko depuis qu’on lui avait retiré le bandeau. Zuko était persuadé l’avoir déjà vu… Et un frisson le traversa. Il n’avait pas vu beaucoup de membres de la Tribu de l’Eau dans sa vie. Il n’en avait croisé qu’une seule fois. Dans ce petit village du Pôle Sud. Où il n’y avait qu’un seul garçon de son âge au milieu des femmes et qu’il avait… blessé ? C’était flou. C’était trop ancien.
Zuko ne se souvenait plus trop de ce qu’il avait fait du reste du village. L’avait-il détruit ? Avait-il tué ou fait tué des gens ? Il était incapable de le dire. Tout se mélangeait. Les faits se diluaient dans un brouillard épais. Il savait qu’il était déjà venu dans un village du Pôle Sud. Il savait qu’il y avait eu un garçon. Il savait qu’il s’était passé quelque chose. Mais les détails échappaient, lisses, inaccessibles. Rien ne tenait en place. Ce n’était pas la première fois. Ses souvenirs s’effaçaient et se mélangeaient régulièrement, à chaque fois qu’il… tuait quelqu’un ? Avait-il tué des gens ce jour-là ? Il s’en souviendrait peut-être plus tard…
Mais il avait sans doute fait quelque chose de grave, sinon le garçon de la Tribu de l’Eau ne le regarderait pas de cette manière. Avec tant de haine. Avec tant de douleur.
Le garçon de la Tribu de l’Eau s’approcha alors brusquement de lui ; son expression ne laissant pas de doute sur ce qu’il comptait faire. C’était logique. Et Zuko n’eut aucun mouvement de recul. Il resta là. Il n’y avait rien à dire. Rien à faire. Si ce garçon voulait frapper, ou même plus simplement le tuer, il le pouvait. Il en avait le droit.
Jet, qui lui tenait toujours le bras, le tira alors brusquement en arrière, derrière lui. Comme pour faire rempart de son corps. Etrangement.
- Sokka… Gronda le maître du Feu, d’un ton tenant lieu d’avertissement.
Le dit Sokka se stoppa net. Ses yeux bleus se plissèrent dangereusement. Les deux semblèrent se foudroyer silencieusement du regard pendant quelques secondes, avant que les autres ne se décident enfin à intervenir.
Tout le monde commença soudainement, inexplicablement, à se hurler dessus. Deux groupes semblaient se former et Zuko ne comprenait plus très bien ce qui était en train de passer. Il voyait les corps bouger, les bouches s’ouvrir, les bras s’agiter, mais rien ne lui parvenait vraiment. Le vacarme semblait filtré, étouffé, comme s’il venait d’une pièce voisine. Il se tenait là, debout au milieu de la scène, sans y être tout à fait.
Les voix se mêlaient et s’écrasaient les unes contre les autres, jusqu’à devenir un bruit sourd indéfinissable qui résonnait à l’intérieur de son crâne.
Soudain, quelqu’un attrapa violemment l’épaule de Zuko. Et aussitôt, une flamme explosa dans le poing de Jet, qui…
- ÇA SUFFIT !
Jeong Jeong surgit entre eux, plus vivement qu’on aurait pu le supposer pour quelqu’un de son âge. Sa main se referma sur le poignet de Jet, avec une précision brutale. La flamme vacilla une fraction de seconde, puis s’éteignit, aspirée, comme étouffée de l’intérieur.
Le regard du vieil homme quitta celui de Jet, pour se poser sur Sokka qui relâcha aussitôt l’épaule de Zuko sans un mot.
Plus personne ne criait. Le calme était enfin revenu.
Notes:
Oui, ici, Sokka se montre plus violent envers Zuko que dans la version originale. J'aurais tendance à penser que le massacre de l'île de Kyoshi a changé beaucoup de choses. Néanmoins, sa colère a une certaine limite. Rassurez-vous, je ne compte pas transformer notre Sokka d'amour en sociopathe violent.
A lundi prochain pour la suite ! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Chapter 20: Enfermé
Notes:
J’ai donc repris mes bonnes vieilles habitudes : publier le mardi au lieu du lundi, comme c'était prévu à la base. Vraiment désolée. Quoi qu’il en soit, je vous souhaite une bonne lecture !
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Ils n’avaient pas trop l’air de s’entendre sur ce qu’ils devaient faire de lui.
Ils avaient fini par l’enfermer dans une cellule improvisée, construite à la-va-vite sous ses yeux par un maître de la Terre, tout au fond de la caverne.
Peut-être continuaient-ils à parler, de lui ou d’autre chose, mais il n’entendait plus rien. Peut-être qu’ils avaient carrément quitté cet endroit, en le laissant derrière eux.
Les murs étaient trop épais.
Il faisait trop sombre. La lumière verdâtre de la caverne s’infiltrait à peine par la petite ouverture dans la pierre, qui faisait office de judas.
Zuko se demanda distraitement s’ils avaient décidé de l’abandonner ici, le condamnant à mourir de faim et de soif.
Ne le méritait-il pas au fond ?
L’exécuter plus simplement, de manière plus directe, n’aurait-elle pas été une punition trop clémente ?
De l’air passait malgré tout à travers le petit espace qu’ils lui avaient laissé dans le mur. Pas beaucoup, mais suffisamment. Suffisamment pour respirer. Sans doute assez pour qu’il puisse en faire quelque chose, même attaché comme il était. S’il le voulait, il pourrait sans aucun doute briser le mur de sa cellule. Mais à quoi bon ? S’il sortait et qu’ils étaient toujours là ? Il devrait les tuer. Comme toutes ces femmes en armure sur Kyoshi. Sur le pont du bateau. Comme Akari, au camp d’entrainement. Comme… Comme… Comme Ty Lee ? Il était persuadé de l’avoir tué elle aussi.
Il en était sûr. Il l’avait toujours été.
Pourtant, le souvenir lui échappait. A l’inverse, tous les autres lui revenaient avec une précision implacable. Les regards qu’ils avaient tous avant de mourir. Et…
Tout s’arrêta brusquement. Les images s’effacèrent brutalement, sans raison. Et il oublia qu’il y avait repensé. Le désespoir et les remords disparurent. Il ne restait plus que l’apathie.
Il était si fatigué…
Il ignorait combien de temps il était resté ainsi, prostré dans l’obscurité et la solitude. Quelques minutes ? Plusieurs heures ?
Le vacarme épouvantable de la pierre qui se meut, pour s’enfoncer dans le sol de la caverne, le fit sursauter.
Pourtant, il ne se releva pas. Il leva à peine la tête vers les nouveaux arrivants.
Ça y est ? Ils s’étaient finalement décidés à terminer le travail ?
Son œil valide fut un instant incapable de saisir les traits du visage penché au-dessus de lui. L’image paraissait brouillée, presque effacée… Et les contours se dessinèrent soudain nettement.
Jet ?
- Tu as faim ? Demanda celui-ci de but en blanc.
Zuko ne répondit pas. Il resta immobile et silencieux sur le sol. Et Jet se contenta de soupirer, avant de s’asseoir à son tour face à lui.
- Ça ira, dit le maître du Feu en se tournant vers l’homme qui l’accompagnait.
L’homme, aux intenses yeux verts, adressa à Zuko un regard méfiant voire carrément hostile.
- Ça ira, je te dis, Haru ! S’agaça Jet.
Le dit Haru finit par tourner des talons et les laisser seuls.
Ce ne fut qu’à cet instant que Zuko remarqua le petit plateau de métal posé, par terre, à côté de Jet.
- Tu as faim ? Répéta à nouveau le maître du Feu d’un ton étrangement calme. Je t’ai pris un peu de riz.
Zuko resta muet.
- Soif, peut-être ?
- Qu’est-ce que vous comptez faire de moi ? Demanda soudain Zuko.
La faiblesse qu’il perçut dans sa propre voix le surprit. Le souffle éraillé qui venait de s’échapper de ses lèvres était très loin de l’image qu’il espérait donner. Aucune fierté. Aucune dignité. Il pouvait entendre son père lui chuchoter cruellement dans le creux de l’oreille :
Faible. Si faible.
Pathétique.
Et pour ne rien arranger, le regard de Jet sembla s’adoucir en réponse.
Pathétique. Pathétique. Pathétique. Pathétique. Pathétique. Pathétique. Pathétique. PATHÉTIQUE !
Zuko baissa aussitôt la tête et se mit à fixer obstinément le sol.
Le silence s’épaissit de trop longues minutes, avant que Jet ne reprenne dans un murmure presque inaudible :
- Tu devrais manger. Ça te fera du bien.
Zuko ne répondit pas.
Il ne releva pas les yeux.
Mais cela ne sembla pas déstabiliser Jet, car ce dernier poussa lentement le plateau vers Zuko. Tout près de lui.
- Je suis attaché, se contenta de rappeler le maitre de l’Air d’une voix atone.
Ses poignets, enfermés par un bloc de pierre dans son dos, commençaient à lui faire mal.
- Je peux t’aider à manger si tu veux, rétorqua Jet un peu trop doucement.
Comme s’il n’était qu’une pauvre petite créature fragile.
Faible.
Zuko redressa vivement la tête.
- Je n’ai pas besoin de ta pitié, siffla-t-il avec haine.
Jet ne répliqua pas. Rien chez lui ne se troubla face à la brusque explosion. Pas un froncement de sourcil, pas un sursaut même minime. Il resta parfaitement calme.
Pourquoi aurait-il réagi de toute manière ?
Zuko était faible. Jet le savait.
- Qu’est-ce que tu veux, Jet ? Tu penses qu’un petit bol de riz va me faire craquer ? Me faire pleurnicher ? Me faire supplier ?
Les lèvres de Zuko s’étirèrent, un peu trop largement, et enfin ce qui pourrait se rapprocher à de l’inquiétude traversa le regard brun du maître du Feu.
- Tu devrais réessayer avec un bol un peu plus grand. Qui sait ? Peut-être que je tomberais dans tes bras et que j’avouerais tout ?
- Je ne suis pas venu pour t’interroger, marmonna Jet, entre ses dents. Je voulais juste voir si tout allait bien.
Zuko cessa de sourire. Il commençait à en avoir marre. Il ferma les yeux et laissa sa tête retomber en arrière, contre la paroi humide la caverne.
- Dégage.
Jet resta là, immobile. Même les yeux clos, Zuko pouvait percevoir sa présence près de lui. A cause de sa foutue maîtrise, il n’aurait définitivement jamais la paix.
- DEGAGE ! Répéta-t-il dans un hurlement furieux.
Cette fois-ci, Jet obéit.
Zuko ne bougea pas et ne rouvrit pas les yeux.
Quelques secondes passèrent ainsi, avant que résonne enfin le vacarme sourd de la roche.
Ils avaient reformé la porte de sa cellule. L’obscurité était revenue. Son père aussi.
Pitoyable.
Zuko se recroquevilla sur lui-même.
Tu as vu comment il te regarde ?
Un rire, inconnu, sembla exploser très loin, quelque part à l’intérieur de son crâne.
Pathétique. Dégoûtant.
Ces mots résonnèrent un peu trop longtemps, avant que la voix de son père ne se fasse acide :
Tu vas parler. Bien sûr, que tu vas parler. Il reviendra. Il te dira à quel point tu es spécial et tu lui diras tout ce qu’il veut entendre. Tu as besoin que quelqu’un t’aime. Mais il ne t’aime pas. Comment le pourrait-il ?
Zuko enfonça désespérément sa tête entre ses genoux. Il aurait voulu mettre ses mains sur ses oreilles pour ne plus rien entendre. Il voulait que la voix se taise.
Il va revenir et tu vas le supplier de t’aimer. Comme si c’était possible. Comme si quelqu’un le pouvait.
La voix se fit susurrante, comme si tout ceci était d’un amusement sans nom :
Personne ne t’a jamais aimé. Tu es dégoûtant. Dégueulasse. Ty Lee t’a abandonné. Azula t’a abandonné. Je t’ai abandonné. Ta propre mère t’a abandonné dès l’instant où tu es sorti de son ventre. Tu es tout seul. Tu as toujours été seul et tu ne t’es jamais demandé pourquoi ?
Le silence revint soudainement. Il était seul.
Tout seul. Définitivement seul. Comme toujours.
Effectivement, Jet revint. Il revenait à chaque fois avec un plateau de nourriture. Et à chaque fois, Zuko ne mangeait pas.
Depuis combien de temps était-il enfermé ici ?
Jet était différent aujourd’hui. Plus pénible que d’habitude. Il attrapa le visage de Zuko et glissa brutalement ses doigts entre ses lèvres pour le forcer à ouvrir la bouche. De l’autre main, il approcha les baguettes ; un peu de riz, maladroitement pincé, tremblant au bout. Si vite que Zuko n’eut pas le temps de se reprendre et de réagir. Si vite que Zuko manqua de s’étouffer quand les grains pénétrèrent dans sa gorge.
Zuko toussa et recracha, plus par réflexe que par envie de nuire. Mais Jet ne l’interpréta pas de cette manière. Il relâcha la mâchoire de Zuko, avant d’aboyer avec colère :
- Il faut que tu manges !
Plus vite ce satané bol serait vide, plus vite Jet partirait. Autant céder finalement. C’était plus simple.
- Tu es trop maigre, fit Jet dans un souffle à peine perceptible.
Jet reprit un peu de riz pour le lui donner, avec une précaution qui tranchait avec sa brusquerie précédente.
L’inquiétude du maître du Feu semblait sincère. Ça faisait peine à voir. Quel excellent comédien que voilà, avec sa voix qui vacillait à chaque fois au bon moment. Pour peu, Zuko applaudirait la performance.
Au bout de quelques minutes, Jet lança un étrange :
- Tu ne veux pas me parler un peu ? Même si c’est juste pour m’engueuler ?
Zuko mâcha lentement, toujours aussi obstinément muet. Jet n’insista pas et lui offrit une autre bouchée, que le maître de l’Air accepta avant de lâcher :
- Tu n’as vraiment que ça à faire ?
- J’ai envie que tu vives, répondit Jet d’un ton égal, en lui tendant à nouveau du riz. Donc oui, j’imagine.
- Pourquoi ? Répliqua Zuko. Pour te donner bonne conscience ?
Jet s’immobilisa en plein mouvement, les baguettes figées en l’air. Une ombre de sourire passa sur les lèvres de Zuko :
- Bien sûr. C’est pour ça. Tu as pitié. Parce que tu es un maître du Feu. Et bla bla bla.
C’était à cause de sa cicatrice. Cette cicatrice que Jet fixait d’une manière étrange depuis le début. Personne ne savait la regarder autrement qu’avec pitié. Jet n’échappait pas à la règle.
- Ce n’est pas de la pitié, riposta Jet, toujours aussi désespérément calme.
Il redéposa le bol de riz enfin vide sur le plateau de métal abandonné sur le sol.
- Si je voulais me donner bonne conscience, je ne serais pas ici avec toi.
Sur ces bonnes paroles, le maître du Feu se releva, attrapa le plateau et s’éloigna. La roche grinça et l’obscurité revint.
Un jour, Jet ne vint pas. Un jour, ce fut Aang qui vint à sa place.
Zuko ne l’avait pas senti arriver. Ce qui le surpris. Était-il si épuisé qu’il n’était même plus capable de percevoir quand un maître de l’Air s’approchait de lui ?
Zuko n’avait pas envie de lui parler, alors il ne lui parla pas.
Il ne semblerait pas qu’Aang s’en soucie de toute manière, puisqu’il parlait déjà pour deux. L’enfant parlait. Il parlait encore et encore. Et Zuko ne pouvait qu’écouter.
- Tu as déjà joué à l’airball ? Demanda Aang, les yeux pétillants.
Bien qu’il n’ait obtenu aucune réponse à sa question, le petit Avatar poursuivit joyeusement :
- C’est un super jeu ! On y jouait tous avant ! En gros, il y a deux buts de chaque côté du terrain et…
Un jeu de ballon, en quelque sorte, se dit distraitement Zuko pendant que l’Avatar se perdait en explications. Rien de très original en soit, sauf que les Nomades de l’Air avaient eu l’idée saugrenue d’intégrer leur maîtrise à l’équation. Il se surprit à imaginer ce que ça aurait pu donner si les maîtres du Feu avaient eu la même idée. La vision était grotesque. Les éléments étaient des armes ; pas des jouets.
- On devrait y jouer un jour tous les deux ! Lança Aang avec enthousiasme. Je suis sûr que tu adorerais !
Ce gosse ne s’arrêtait jamais de piailler. Zuko commençait à avoir mal au crâne…
- Je ne pense pas, finit-t-il par lâcher avec une mauvaise humeur palpable. Je ne suis pas un Nomade de l’Air. Et je n’ai plus douze ans.
- … Oh…
L’Avatar prit une expression peinée pendant quelques secondes, avant qu’à nouveau la joie ne refasse son apparition :
- C’est un peu pareil, non ? Tu es un maître de l’Air. Ça veut dire qu’à mon époque, ta famille était encore des Nomades, non ?
Zuko se sentit tout d’abord insulté par l’affirmation ; même si elle était vrai. Mais il était trop fatigué pour se mettre véritablement en colère.
- Tu sais d’où ça vient d’ailleurs ? Continua Aang. C’était la famille de ta mère ?
- Non. Ma mère est normale. Le problème vient de mon père.
Pourquoi est-ce qu’il lui répondait ???
- Ton père ? S’étonna Aang, après avoir tiqué sur l’utilisation du terme normal. Mais… Ton père, c’était pas le Prince Ozai ? Comment le fils du Seigneur du Feu pourrait… ?
Zuko haussa vaguement les épaules.
- Apparemment, ma grand-mère Ilah aurait eut pour père un Nomade de l’Air.
Tais-toi ! Hurla soudain la voix d’Ozai à l’intérieur de son crâne. TAIS-TOI IMBECILE !
Aang resta silencieux de très longues secondes, comme pour digérer l’information, avant de demander :
- Et le Seigneur du Feu Azulon a quand même été amoureux de ta grand-mère ?
- Amoureux ? Tu te moques de moi, Avatar ? Un prince n’épouse pas quelqu’un parce qu’il est amoureux ! C’était un mariage politique. Ilah était de la haute noblesse de la Nation du Feu ; c’était tout ce qui comptait. Et avant que tu me poses la question : non, il ne savait pas qui elle était réellement. Personne ne savait.
- Savait ? Nota Aang avec un malaise grandissant. Il… Le Seigneur du Feu l’a appris ? Et où est ta grand-mère à présent ? Elle va bien ?
Quelle question stupide. Comme tout le reste de cette discussion au demeurant.
- Bien sûr qu’elle va bien. Je suis sûre qu’elle se sent très bien là où elle. Sa tombe doit être particulièrement confortable.
Cette simple phrase sembla déstabiliser l’Avatar.
- Oh… Répéta-t-il une nouvelle fois. Je… Je ne savais pas, Zuko. Je ne voulais pas te faire de la peine. Je posais juste une question comme ça.
Un silence pesant s’installa. Le garçonnet était manifestement ébranlé et cela exaspéra Zuko.
- Arrête de faire semblant d’être triste. Tu ne la connaissais pas même pas. Moi non plus d’ailleurs. Donc, ça n’a pas d’importance.
Aang retrouva ses moyens et réussit à demander :
- Elle est morte comment ?
Un ricanement s’échappa involontairement des lèvres de Zuko. Il n’avait pas envie de rire pourtant. Le bruit était juste sorti ; comme ça. Ce n’était même pas un vrai rire.
- Comme mon père. Comme tous les autres. Parce qu’ils ont déplu au Seigneur du Feu.
- Et… Dit l’Avatar avec une certaine hésitation, comme s’il cherchait ses mots. Ça te… convient ?
- Mon avis ne compte pas, rétorqua Zuko.
- Mais ? Ils ont tué ton père et ta grand-mère ! Et ça ne te fait rien ?
Bien sûr que ça lui faisait quelque chose ! Encore une autre question complètement stupide.
- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Fit Zuko, sèchement.
- Je sais pas moi ! Par exemple : pourquoi tu te bats pour la Nation du Feu après tout ce qu’ils t’ont fait ? Jeong Jeong dit que les autres maîtres de l’Air ont subi des choses eux aussi et pourtant vous êtes tous avec la Nation du Feu ! Pourquoi ?! Je veux comprendre !
- La Nation du Feu ne m’a rien fait ! S’offusqua aussitôt Zuko.
- Tu te moques de moi ! Tu viens de me dire que…
Le jeune Avatar laissa échapper un son de colère désarticulé, avant de reprendre avec fureur :
- Pourquoi vous restez avec eux ? Pourquoi vous ne vous révoltez pas ?!
Zuko ouvrit la bouche, énervé, avant de se figer. Il avait failli répliquer ; par réflexe, sans y penser, comme depuis le début de cette discussion inutile. Il parlait trop. Il avait failli tout avouer. Juste comme ça. Sans qu’on le torture.
Une nouvelle voix, qu’il n’avait jamais entendu jusqu’alors et qui ressemblait étrangement à la sienne, chuchota :
Tais-toi. Si tu n’es pas capable de dire quoi que ce soit d’intelligent, ne dis plus rien.
Il parlait sans réfléchir depuis trop longtemps déjà. Pourquoi était-il à chaque fois aussi stupide ?
- … Zuko ? Appela la voix d’Aang avec une soudaine inquiétude.
Zuko ne lui répondit pas.
Il ne répondrait plus. C’était fini.
Zuko se tassa sur lui-même sans vraiment s’en rendre compte. Ses épaules s’affaissèrent et son menton glissa vers son torse. Il fallait qu’il se fasse plus petit. Il fallait qu’il respire moins fort. Qu’on ne le voit plus. Qu’on ne l’entende plus. Il fallait qu’il disparaisse. Il…
Il n’était pas sûr de ce qui s’était passé par la suite. Il ne souvenait même pas qu’Aang soit parti. Il était plongé à nouveau dans les ténèbres… Depuis combien de temps au juste ?
Le rire était revenu. Il lui transperçait les tempes et se répercutait violemment contre les parois de son crâne.
Zuko agita la tête, sans y penser, comme pour chasser une nuée d’insectes. Cela ne servait à rien. Il ne pouvait pas le faire taire. Le rire ne faisait que s’étirer encore et encore, jusqu’à lui faire mal. Fort. Sa mâchoire se contracta toute seule. Ses dents s’entrechoquèrent. Ça vibrait jusque dans sa nuque, jusque dans sa gorge. Il avait mal. Juste mal.
Aang ne revint pas. Jet, lui, ne cessait de revenir. Pour le forcer à manger, entre autres. Peut-être pour vérifier qu’il était toujours en vie. Peut-être pour le faire parler. Mais Zuko ne disait rien. Il n’avait plus envie de parler. Il n’avait plus envie d’écouter. Il avait déjà trop à faire avec toutes ces voix, connues ou non, qui ne cessaient de rire et d’hurler à l’intérieur de sa tête.
Un jour, Jet se montra encore un peu plus étrange. Il n’avait pas apporté de plateau. Il s’approcha seulement, sans un mot, pour le prendre tout doucement dans les bras. Juste comme ça. Et Zuko ne se débattit pas ; il ne recula pas.
Les voix se turent d’un seul coup, sans aucune raison.
Rien n’était logique de toute façon. Alors Zuko se laissa aller à la chaleur de l’étreinte.
Notes:
J'espère que ça vous a plu ! On se dit à la semaine prochaine (lundi au mieux, mardi au pire) ! Merci de continuer à me lire ! Ça me touche énormément !
Chapter 21: Sans aucune trace (première partie)
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Jet revenait toujours. Et tout se répétait encore et encore. La porte de pierre s’enfonçait dans le sol, la lumière réapparaissait et les voix à l’intérieur de sa tête se taisaient aussitôt. Jet apportait de la nourriture, l’aidait à la manger, et tout ceci se terminait avec un rituel étrange que Zuko n’était pas sûr de comprendre.
Jet l’entourait à chaque fois de ses bras, dans cette même étreinte maladroite et hésitante. Et certains jours, Zuko laissait tomber sa tête contre l’épaule offerte. Sans même y penser.
Jet dégageait précisément l’odeur que l’on attendait d’un maître du Feu. L’odeur âcre du métal chauffé et du bois brûlé, mêlée à un fond de sueur. Ça aurait pu être désagréable ; cela ne l’était pas.
Zuko ne se souvenait pas que quelqu’un l’ait déjà pris dans les bras. Même Ty Lee n’avait jamais osé. C’était une sensation bizarre. Qu’était-il censé faire quand ça arrivait ? Lever ses bras lui aussi et serrer la personne contre lui ? De toute manière, la question ne se posait pas : ses poignets étaient toujours attachés dans son dos.
Il ne s’était pas rendu du problème tout de suite. Ce n’était qu’une gêne passagère au début ; de simples courbatures. Par instants, des sortes de picotements désagréables remontaient de manière insistante de ses poignets à ses épaules. Rien d’insurmontable. Mais c’était différent ces derniers temps. Ses bras tremblaient parfois, tout seuls, sans raison apparente. Les picotements s’étaient mués en douleur vive, le traversant par éclairs, avant de disparaitre.
Et alors que Jet le serrait encore une fois contre lui, la douleur revint ; irradiant dans son dos comme une lame traversant ses chairs. Zuko émit un gémissement étranglé.
- Est-ce que ça va ? Dit Jet, surpris.
C’était la première fois qu’il lui parlait depuis des jours. Zuko n’était pas sûr d’apprécier l’inquiétude réelle qu’il perçut dans la voix du maître du Feu.
- Ce n’est rien, grinça-t-il, de mauvaise humeur. J’ai juste mal aux bras.
Jet jura à mi-voix et glissa une main derrière le dos de Zuko. Ses doigts allèrent tâter le bloc de pierre qui maintenait les poignets du maître de l’air liés et s’attardèrent sur les muscles raidis de ses bras. Zuko se tendit aussitôt et siffla une plainte difficilement contenue.
- Tu as passé trop de temps dans cette position, fit Jet d’un air sombre. Ça commence à causer des dégâts…
Il resta un instant silencieux, avant de demander :
- Est-ce que tu peux te relever ?
- Pourquoi faire ? Répliqua Zuko avec désintérêt.
- Parce que je ne peux pas faire sauter ce bloc de pierre tout seul.
Jet passa une main sous les épaules de Zuko et le souleva pour l’aider à se remettre debout.
Le maître de l’Air se laissa faire, sans résistance. Il n’avait plus l’énergie nécessaire pour ça de toute manière. Il vacilla même légèrement une fois sur ses deux jambes, comme si marcher lui demandait trop d’efforts. La prise de Jet se resserra brusquement, avec une fermeté maîtrisée, suffisante pour le retenir sans lui faire mal.
- Ça va ?
- Je pense que oui, répondit Zuko d’un ton acerbe. Marcher comme un grand garçon me parait être à ma portée.
Les traits fins du maître du Feu se plissèrent brièvement, comme s’il n’appréciait pas sa réponse. Néanmoins, il ne répliqua rien. Ce qui en soit était dans la continuité de son petit manège. Comme si, la pauvre créature fragile qu’était censée être Zuko n’était pas capable de se prendre la moindre petite once d’agressivité.
Ils firent ainsi quelques pas dans la caverne à demi-plongée dans l’obscurité. Cet endroit était immense, se dit Zuko pensivement. Il n’était pas sûr de l’avoir pleinement réalisé quelques jours auparavant, quand Jet l’avait capturé. Néanmoins, il était possible qu’avec cette satanée maîtrise de la Terre, ça ne soit pas une simple impression.
Ils finirent par atteindre les lanternes à l’étrange lumière verdâtre, ainsi que les rares personnes présentes.
- C’est une blague ?! Hurla aussitôt l’adolescent de la Tribu de l’Eau de la dernière fois.
Une fille qui lui ressemblait, aux yeux et aux vêtements du même bleu, fit un geste souple de ses bras et de l’eau s’éleva de la petite gourde qu’elle portait à la ceinture. Zuko réprima à grande peine un rictus. L’eau tenait difficilement dans les airs. Cette fille n’avait pas l’air particulièrement dangereuse. Mais il est vrai que ça pouvait se discuter, étant donné que lui-même avait les bras attachés dans le dos et tenait à peine debout sur ses deux jambes.
Jet ignora les membres de la Tribu de l’Eau et se tourna vers le maître de la Terre aux intenses yeux verts qui était de corvée à chaque fois qu’il s’agissait d’ouvrir ou de fermer la cellule de Zuko.
- Haru, il faut absolument que tu casses ce truc en pierre que tu lui as mis sur les poignets.
- Et pourquoi je ferais une telle chose ? Répondit celui-ci en fronçant les sourcils.
- Parce que de toute évidence, il risque des lésions nerveuses. Le sang n’a pas l’air de circuler correctement.
Haru bondit aussitôt dans le dos de Zuko, qui lâcha un râle de détresse quand les doigts du maître de la Terre se posèrent à leur tour sur ses bras.
- Effectivement, il y a l’air d’avoir un problème, fit Haru, soudain troublé.
- Vous vous fichez de moi ? Intervint le garçon de la Tribu de l’Eau. Vous n’allez quand même pas tomber dans le panneau ? Vous voyez bien qu’il se moque de vous !!! Dès que vous allez le libérer, il va faire ses trucs bizarres avec l’air et on sera tous morts. Comme de parfaits abrutis !
- Bah tiens, dit Jet d’une voix acide. On peut torturer les soldats de la Nation du Feu maintenant ? Je croyais que ce n’était pas bien de faire ce genre de choses ? Où est passé le « on ne doit pas s’abaisser à leur niveau et bla bla bla » ?
- Ce n’est pas pareil ! S’offusqua en retour l’adolescent de la Tribu de l’Eau.
- Pourquoi ? Parce qu’il t’a fait quelque chose personnellement ? Donc tu veux te venger ? Tu crois sincèrement que le vieux de la dernière fois et tous ses copains soldats n’avaient jamais rien fait à personne ? Ou alors c’était différent parce qu’ils ne t’avaient rien fait à toi ?
La mâchoire du garçon de la Tribu de l’Eau se crispa violemment, alors que ses yeux bleus étincelaient d’une colère difficilement contenue.
- Je peux savoir pourquoi le sort d’une de ces ordures t’inquiète d’un seul coup ? Grinça-t-il entre ses dents serrées. Ton style ce n’est pas plutôt de l’assassiner dans un coin pendant que personne ne regarde ?
Jet haussa vaguement les épaules :
- Qui sait ? Peut-être que j’ai enfin décidé de vous écouter toi et l’Avatar ?
- C’est Jet qui donne à manger au prisonnier, dit soudain Haru. Depuis le début. Je les laisse à chaque fois seuls, sans surveillance, et le prince est encore en vie.
- Tu vois, fit Jet d’un petit air triomphant.
L’adolescent de la Tribu de l’Eau ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose, mais la fille à ses côtés le coupa :
- Jet a raison, Sokka ! Même si c’est notre ennemi, on ne peut pas le laisser souffrir sans rien faire !
- Ce n’est pas la question ! Fit le dit Sokka d'un air indigné. Je ne dis pas que je veux le torturer ! Je dis juste que je ne suis pas sûr qu’on soit en capacité de l’arrêter s’il décidait de tous nous tuer !
Zuko écoutait toute cette discussion, silencieux et immobile. Ce n’était pas comme s’il avait grand-chose à dire de toute manière.
- Et quoi ? Dit Jet avec une certaine froideur. On le laisse tranquille dans son coin jusqu’à qu’il perde l’usage de ses bras, histoire d’être sûrs qu’il ne soit plus jamais en état de nous faire du mal ? Pourquoi attendre ? On pourrait tout simplement les trancher nous-mêmes.
Les autres lui adressèrent un regard de pure horreur, comme s’ils s’attendaient que Jet sorte un quelconque instrument de boucher et s’attaque à Zuko sous leurs yeux.
Zuko, lui, ne s’en inquiéta pas le moins du monde. Que Jet le découpe en morceaux ou le tue, ça n’avait aucune importance. Sa vie inutile, sans intérêt ni gloire, prendrait fin et c’était une excellente nouvelle.
Haru leva alors brusquement le poing en l’air et le serra. Le lourd bloc de pierre s’effrita aussitôt en poussière.
Les bras de Zuko retombèrent lourdement le long de ses flancs. Ils étaient tellement engourdis, qu’ils lui paraissaient étrangers, comme de la chair morte. Puis les fourmillements, semblables à un essaim d’insectes piégés sous sa peau, se muèrent en de la douleur. Brutalement. Il avait dû laisser échapper un autre de ces sons lamentables, puisqu’on commença à s’agiter tout autour de lui.
La maître de l’Eau attrapa les mains de Zuko et les porta à hauteur de ses yeux trop bleus, comme pour les examiner.
Effectivement, ce n’était pas beau à voir. Ses poignets étaient gonflés et striés de violet. Par endroits, l’épiderme s’était craquelé, irrité par le frottement répété et l’humidité. La pierre avait sculpté la chair à force de pression, laissant de longues marques rouges là où elle avait le plus pesé.
- Tu arrives à bouger les mains ? Demanda la maître de l’Eau.
- On s’en moque, non ? Intervint Sokka.
La fille ne lui prêta aucune attention. Elle semblait néanmoins attendre une réponse de la part de Zuko. Ça aurait fait mauvais genre d’ignorer quelqu’un qui se souciait sincèrement de sa santé, pas vrai ? Alors Zuko s’exécuta.
Ou du moins il essaya. Ses doigts tressaillirent à peine. Il parvint à bouger l’index d’un côté ; puis le majeur, très lentement. Les autres restèrent obstinément rigides et à moitié repliés. Voilà qui était étrange, se dit Zuko avec détachement. Il n’était sûr de comprendre comment cela avait pu arriver. S’était-il cassé quelque chose ?
Haru était inexplicablement devenu pâle comme un linge.
- Est-ce que tu peux le soigner, Katara ? Demanda Jet.
- Et puis quoi encore ?!
- Sokka : tais-toi ! Ordonna sèchement la jeune adolescente.
Elle ne lui avait toujours pas lâché les mains. Elle continuait à les examiner, avec une infinie précaution que Zuko n’était pas sûr de mériter.
- Je ne sais pas, Jet, finit-elle par dire d’un air hésitant. Tu sais que je ne suis pas la meilleure personne pour faire ça…
- Tu as bien réussi à soigner tes brûlures ! Répliqua le maître du Feu avec colère cette fois.
- Et je ne sais toujours pas comment j’ai fait ! S’exclama-t-elle sur le même ton. Je n'ai pas encore été formée ! Ma maîtrise, c’est du bricolage, voilà ! Je tente des trucs ; parfois ça marche, parfois ça ne marche pas.
- Très bien et qu’est-ce que tu proposes d’autre ? Il n’y ni médecin ni médicaments dans la vieille ville !
Zuko surprit quelque chose qui ressemblait à du remord dans les yeux verts d’Haru. C’était parfaitement ridicule. Il était leur ennemi. Il était donc normal qu’ils aient cherché à le contenir. Zuko aurait fait bien pire si la situation avait été inversée.
- D’accord, d’accord, s’agaça Katara. Je vais essayer !
Elle lâcha les mains de Zuko. Ses bras retombèrent d’un coup, sans qu’il ait la force de les retenir. Le choc, pourtant léger, résonna jusque dans ses épaules. Le souffle de Zuko se coupa net.
Il n’était pas sûr que quelqu’un s’en soit réellement rendu compte. Toute leur attention était désormais tournée vers Katara et sur les grands mouvements maladroits de ses bras.
Pendant quelques trop longues secondes, il ne se passa rien. Et l’eau, enfin, s’éleva à grande peine de la gourde de l’adolescente jusqu’à encercler les bras de Zuko.
Tout cela était-il censé mener à quelque chose ? Se demanda silencieusement le maître de l’Air, impassible.
Apparemment, oui. Car après une nouvelle attente interminable, l’eau, suspendue dans l’air, se mit à tournoyer autour des chairs meurtries. De plus en plus vite. Jusqu’à se muer en une lumière bleutée. Zuko ressentit une soudaine et incompréhensible sensation de bien-être. Quelque chose à l’intérieur de lui s’apaisa brusquement.
Il… n’avait plus mal ?
Il plia lentement les coudes. Aucune résistance. Aucun élancement ne vint freiner le mouvement. Il baissa les yeux. Sa peau, auparavant boursouflée et marbrée de bleu, était redevenue lisse. Il n’avait plus la moindre trace de quoi que ce soit. C’était comme si rien ne s’était passé.
- Alors ? Interrogea Katara avec une anxiété palpable pendant que Zuko refermait encore et encore ses poings sans le moindre problème. Tu te sens bien ?
Encore une maîtrise plus intéressante et plus puissante que la maîtrise de l’Air, pensa Zuko avec dépit. C’était triste à en pleurer.
Avant qu’il puisse formuler un quelconque remerciement, une explosion résonna au-dessus de leurs têtes.
Notes:
Oui, je sais, c'est un peu court. Mais la suite arrive un peu plus vite que d'habitude, en fin de semaine (vendredi ou samedi). J'espère que cela vous a plu, malgré tout ! A très vite !
Chapter 22: Sans aucune trace (deuxième partie)
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Aang avait encore du mal à comprendre le monde dans lequel il avait atterri. Il avait fermé les yeux et quand il les a avait réouvert, tout, absolument tout, avait changé. Tout était différent.
Quand Katara lui avait annoncé, au Pôle Sud, que tous les Nomades de l’Air étaient morts, il avait refusé d’y croire. Ce n’était pas possible. Ils étaient des centaines de milliers. Ils n’avaient pas pu tous disparaitre en quelques heures, Comète de Sozin ou non.
Il semblerait qu’il ait eu raison au bout du compte. Le monde entier répétait bêtement la version de la Nation du Feu, alors que les maîtres de l’Air étaient là parmi eux. Ils étaient toujours là.
Maintenant, Aang n’était pas sûr que ça soit une bonne nouvelle. Pas après tout ce qu’il avait vu…
Que c’était-il passé en 97 ans pour que tout change à ce point ? Pourquoi des maîtres de l’Air servaient dans l’armée de la Nation du Feu ? Pourquoi en étaient-ils si fiers ?
Leur maîtrise était vraiment... bizarre. Chaque rafale qu’ils projetaient semblait n’être qu’un prolongement de leur rage.
Même leurs enchainements n’avaient aucun rapport avec la maîtrise qu’on lui avait appris au Temple. Aang n’arrivait à comprendre comment cela se faisait-il que l’air se tordait sous leur volonté. Tout ce qu’il croyait sacré avait été détourné… sali.
Il n’était pas sûr de ce qu’il était censé en conclure. Jet, lui, estimait que ça signifiait tout simplement que toute la philosophie, toute la spiritualité, entourant chaque élément était artificielle ; ou du moins d’origine humaine. Finalement, la maîtrise de l’Air telle qu’il la connaissait était pacifiste parce que des gens l’avaient décidé. Et à l’inverse, la maîtrise du Feu était agressive et conquérante, parce que d’autres personnes voulaient qu’elle le soit. Rien n’empêchait finalement en soit qu’un maître de l’Air se comporte en monstre destructeur. Et à l’inverse, rien n’empêchait qu’un maître du Feu d’être non-violent.
Aang avait encore du mal à admettre que ça puisse être ça. Jet avait une vision du monde qui avait tendance à le heurter dans ce qu’il avait de plus intime.
Mais le jeune Avatar devait néanmoins se rendre à l’évidence ; il y avait quelque chose de vrai dans ce que Jet disait. Et finalement, ça apportait paradoxalement une sorte d’espoir non ? Les maîtres du Feu n’étaient pas obligés de se comporter comme ils le faisaient actuellement. Après tout, la Nation du Feu ne représentait un problème que depuis un peu plus d’un siècle. Ils étaient différents, avant. Avant Sozin.
Aang se souvenait encore très bien de ses voyages dans la Nation du Feu, quand il était petit. Le moine Gyatso avait une tendance inexplicable à l’emmener un peu partout dans le monde. Les autres Nomades eux aussi restaient très peu au Temple, mais il était rare qu’ils s’aventurent hors de leurs frontières. Après coup, Aang ne pouvait qu’imaginer que Gyatso cherchait à l’éduquer à son futur rôle d’Avatar, sans rien dire ni à lui ni à aucune des personnes qu’ils croisaient.
Aang ignorait qu’il était l’Avatar à l’époque. Le monde entier ignorait qu’il était l’Avatar ; en dehors des Aînés, bien sûr. Aang n’était pas sûr que leurs voyages se seraient aussi bien passé si le Seigneur du Feu de l’époque avait soupçonné son identité. A certains moments, Aang se surprenait à regretter que Gyatso se soit montré si prudent. Si Sozin l’avait découvert plus tôt, rien de tout cela ne serait arrivé, pas vrai ? Personne n’aurait eu à mourir à part lui. Les Nomades de l’Air seraient toujours là…
Les regrets ne changeraient rien à ce qui s’était passé. Il fallait avancer. Rien n’était encore perdu. Tout pouvait redevenir comme avant.
Jeong Jeong n’était pas de cet avis, néanmoins. Mais Jeong Jeong était un homme amer et malheureux ; peut-être que son avis n’était que le reflet de son propre désespoir.
Jeong Jeong était une sorte de Jet, en plus vieux ; il avait souffert plus longtemps et ça se répercutait sur son comportement. Comme Jet, il était né de quelque chose de terrible ; de ce qu’aucun homme ne devrait faire à une femme ou plus simplement de ce que personne ne devrait faire à personne. Comme Jet, il avait été capturé par la Nation du Feu et remodelé. Comme Jet, il avait servi fièrement un uniforme qui avait pourtant massacré sa famille biologique. Mais Jeong Jeong était resté bien plus longtemps que Jet.
Jeong Jeong avait monté les échelons de l’armée de la Nation du Feu, en commettant toujours plus d’horreurs dans le Royaume de la Terre.
Et un jour, sans qu’Aang ne sache pourquoi, Jeong Jeong était parti… en emportant avec lui tous les métis servant sous ses ordres. Jet était parti ce jour-là. Aang ne savait pas trop quoi en conclure. Jet était-il parti par conviction ou parce que son amiral le lui avait ordonné ?
Après tout, la première chose que Jet avait fait en désertant avait été d’aller libérer les enfants de son ancien orphelinat. Des enfants qu’il continuait aujourd’hui à maintenir éloigné des affaires de la résistance. Il ne les avait pas libérés pour les recruter dans leur petite armée. C’était la seule et unique raison pour laquelle Aang faisait encore confiance à Jet.
Quoi qu’il en soit, il y avait définitivement un problème avec les hommes de Jeong Jeong. Aang désapprouvait du plus profond de son être chacune de leurs actions. Mais plus le temps passait, plus il se demandait s’il avait le droit de s’opposer à eux. Tout était arrivé à cause de lui. S’il avait été là il y a 97 ans, rien de tout ceci ne se serait produit. Il ne pouvait pas arriver, après tout ce temps et se permettre de les juger.
Jeong Jeong était censé lui apprendre la maîtrise du Feu.
Aang avait eu énormément de mal à le convaincre de le faire. Et aujourd’hui, il n’était pas sûr que ça en valait la peine. Il passait des heures et des heures, accroupi, sans avoir le droit de bouger. Ça ne ressemblait pas DU TOUT à ce qu’il avait pu voir de la maîtrise du Feu. Mais supposons. Peut-être que Jeong Jeong avait quelque part la même pensée que Jet. Peut-être qu’Aang était là en train d’apprendre une utilisation plus pacifique et sereine du feu.
Non. Ça ne tenait pas. Les moines ne lui avaient pas appris une version aussi ennuyeuse de l’air, pas vrai ? Enfin… Quoi que ? La méditation, finalement, se rapprochait quelque peu de ce qu’il était en train de faire actuellement.
Ressentir le soleil, tout ça, tout ça. Ressentir le soleil et rien faire.
Quel ennui…
D’après Jet, c’était parce que le soleil était la source du pouvoir des maîtres du Feu. Katara en les écoutant avait été ravie d’apprendre qu’à l’inverse celui de la maîtrise de l’Eau venait de la lune. « J’avais remarqué que je maîtrisais mieux l’eau la nuit. » Au moins quelqu’un trouvait de l’intérêt à toute cette histoire…
Il n’avait pas douze ans pour contrôler le feu. Il n’en avait que trois ! Trois ans avant que la Comète de Sozin ne revienne.
Roku avait mis douze ans pour maîtriser les quatre éléments. Et lui-même avait mis exactement le même nombre d’années pour uniquement maîtriser l’air. Il n’avait pas de temps à perdre et surtout pas à ressentir la chaleur du soleil !
Aang décida soudain qu’il en avait assez. Assez des exercices de respiration à n’en plus finir.
Jeong Jeong n’était pas là à le surveiller. Autant en profiter. Après tout, cette ville souffrait. Ils avaient besoin de l’Avatar ! Et pas d’un Avatar lézardant au soleil.
Teo voulait participer à la manifestation pacifiste qui allait avoir lieu aujourd’hui. Il était dommage qu’Aang n’y aille pas lui aussi, malgré tout ce qu’avait pu dire Jet et Jeong Jeong. Après tout, tous ces gens faisaient cela pour lui, leur Avatar ; pour suivre son exemple. Ils voulaient sortir pacifiquement de la vieille ville pour remonter dans les beaux quartiers. Ils voulaient montrer leur nombre et leur détermination. On pouvait faire les choses bien, proprement et sans violence... pas vrai ?
Aang s’était tout habillé de vert pour se mêler à la foule. Il n’était pas question qu’il se mette en avant. Ce n’était pas lui qui avait mis en place cet évènement. Il n’avait pas à voler la vedette aux véritables héros de cette journée historique. Il s’était contenté de rejoindre Teo à l’endroit prévu. Beaucoup de monde étaient déjà là.
La foule s’étoffait minute après minute. Des familles entières arrivaient à pied. Les premiers chants montaient déjà dans la lumière du matin. Les gens avaient réussi à fabriquer des drapeaux du Royaume de la Terre de leurs propres mains. Aang attrapa joyeusement l’un de ceux qui était distribué.
À l’avant, des figures locales prenaient position, tous vêtus des armures traditionnelles du Royaume de la Terre. Ils formaient la tête du cortège, qui commençait à s’avancer joyeusement.
Des percussions légères avaient été improvisées avec des casseroles. Des slogans étaient repris en chœur. Ils avaient déjà dépassé la muraille défraichie qui séparait l’ancien Yu Dao du nouveau.
Aang agitait son drapeau avec vigueur, tout en essayant de suivre les chants, de toute la force de ses poumons. Teo roulait à ses côtés, les roues de son fauteuil grinçant sur les dalles du pavé, des étoiles pleins les yeux. Autour d’eux, on souriait encore.
Pourtant, une tension grandissante commençait à s’installer, au fur et à mesure qu’ils pénétraient dans les rues propettes et surtout vides du nouveau Yu Dao. Les chants se firent petit à petit moins assurés.
Ceux à l’avant du cortège ralentirent légèrement. Ils avaient l’air de fixer quelque chose devant eux. Aang n’était pas si loin. Il essaya de se glisser au milieu de la foule compacte, pour avancer et aller voir lui aussi. C’était son rôle en tant qu’Avatar, non ?
Ce qu’il aperçut le glaça.
Une file de soldats de la Nation du Feu les attendaient, parfaitement alignés, le visage recouvert de leurs masques de métal.
Mais ? Ils ne faisaient rien de mal ? Pourquoi le maire enverrait l’armée ? Comment c’était possible d’ailleurs ? Il n’était pas censé avoir de soldats à Yu Dao, non ? Enfin si, mais pas tout à fait. La Nation du Feu n’envoyait jamais personne ici. Pas officiellement. Les soldats étaient pris par l’effort de guerre un peu partout dans le monde. Et Yu Dao était vu comme un endroit sûr, sécurisé. La Nation du Feu n’envoyait jamais aucun soldat ici, pas vrai ?
Pas vrai ?
Les soldats firent alors un mouvement qu’Aang commençait à très bien connaitre et que tous les autres reconnurent instantanément. Des gens tentèrent de reculer. Tout le monde se mit à hurler.
Et ce fut le chaos.
L’enfer se déchaina sur eux.
Il y avait des corps, des corps partout. Les gens couraient dans tous les sens. Aang essayait, il essayait vraiment d’empêcher les soldats de tuer tout le monde. Des maîtres de la Terre essayaient eux aussi. Mais il y en avait trop. Il y avait trop de soldats. Trop de maîtres du Feu. Trop de personnes qui essayaient de s’enfuir. Trop de mouvements.
Trop de feu partout.
Aang repoussa un soldat qui s’apprêtait à achever quelqu’un à terre, déjà à moitié brûlé et qui hurlait de douleur. Il envoya valser le maître du Feu dans les airs et essaya de courir vers l’homme sur le sol qui criait toujours. Il n’y arriva pas. Chaque fois qu’il faisait un pas, une vague de corps paniqués le repoussait. Aang se retrouvait ballotté dans tous les sens.
Un geyser de feu s’abattit à quelques pas de lui et une femme poussa un hurlement épouvantable alors qu’elle s’embrasait tout entière. Elle partit en courant et ne fit que quelques pas avant de s’effondrer sur le sol.
Aang resta là, les bras ballants ; soudain incapable d’avancer et incapable de reculer. Incapable de détourner le regard du cadavre qui continuait à se consumer par terre.
Autour de lui, le sol tremblait par à-coups. Des maîtres de la Terre ouvraient des failles, dressaient à la hâte des murs de pierre pour protéger les gens. Mais ils n’étaient pas assez forts, pas assez bien formés, dans une ville qui limitait au maximum l’exercice de cette maîtrise. Les dômes qu’ils faisaient surgir s’effondraient sous les attaques concentrées des soldats du Feu.
Aang finit par à nouveau réussir à bouger. Il pivota sur lui-même et une bourraque s’éleva, suivant l’arc de ses bras, pour aller s’abattre sur le groupe de soldats le plus proche de lui. Deux d’entre eux furent violemment projetés en arrière, avant de heurter un des murs de pierre pour ne plus se relever.
Aang sautait et tourbillonnait dans les airs. Sans jamais cesser de souffler les flammes qui s’abattaient encore et encore, il chercha Teo des yeux ; il ne le voyait plus. Il ne voyait plus rien. Plus que la fumée, les lueurs rougeoyantes et les ombres mouvantes d’un massacre.
Il atterrit lourdement, repoussa trois soldats à l'aide de sa maîtrise, mais déjà d’autres arrivaient.
Les soldats étaient nombreux. Trop nombreux.
Quelque chose clochait. Ils tiraient tous des flammes dans tous les sens, n’importe comment, au risque de se toucher les uns les autres. C’était chacun pour soi. Un homme avait lancé un jet de flammes si large qu’il avait manqué de brûler un de ses propres compagnons, qui lui hurla dessus en retour.
C’était bizarre. Mais pas aussi bizarre que leurs armures, réalisa soudain Aang. Pas aussi bizarre que l’armure dépareillée que certains d’entre eux arboraient. Les plastrons étaient de travers, mal bouclés. Certains casques paraissaient trop grands ou trop petits.
Il n’avait pas le temps de s’en soucier. Il fallait qu’il trouve Teo ! Et tout de suite !
Aang se mit à hurler son nom au milieu du chaos.
Teo ! Teo ! TEO !
Sa voix se perdait, noyée dans les cris, les hurlements, les explosions de terre et les gerbes de flammes. Il appela encore, à s’en briser la gorge, mais personne ne lui répondit. Les gens couraient, tombaient et se relevaient à moitié, en traînant des blessés.
Il se laissa retomber, trébucha contre un homme au sol et s’excusa sans savoir s’il était encore vivant. L’air était saturé de cendre et de poussière.
Aang avait envie de pleurer. Il avait envie de hurler. Il était l’Avatar. Il était censé sauver tout le monde. Et il n’arrivait à sauver personne. Comme à chaque fois. Comme les Nomades de l’Air. Comme les guerrières de Kyoshi.
Une main lui agrippa l’épaule, pour le tirer violemment en arrière, dans une ruelle adjacente. Aang se retourna, prêt à frapper et à se défendre, avant de se stopper net en reconnaissant le visage buriné de Jeong Jeong.
- Tu dois partir. Maintenant !
- Mais… mais… Balbutia Aang.
Ses nerfs le lâchèrent et il se mit brusquement à pleurer à chaudes larmes.
- Teo… Où est Teo ?
Jeong Jeong le secoua. Très Fort. Comme pour le réveiller de ce cauchemar.
- Tu es l’Avatar, bon sang ! Si tu meurs ici, alors c’est fini. C’est fini pour tout le monde ! Tu comprends ? La comète de Sozin revient dans trois ans ! On ne peut pas attendre que le prochain Avatar soit en âge ! Tu dois vivre !
Aang cligna des yeux, hébété, incapable de répondre le moindre mot pendant quelques secondes. Il finit par secouer la tête :
- Mais je dois sauver Teo. C’est mon ami. Je… je dois sauver tout le monde !
- Tu ne sauveras rien du tout si tu crèves maintenant. Rejoins la vieille ville. Prends ceux que tu peux et va-t’en ! Va dans la Tribu de l’Eau du Pôle Nord ! Apprends à maîtriser l’eau. Apprends à maîtriser les trois autres éléments ! Et là, là, tu pourras tous nous sauver !
Une femme surgit alors brusquement dans la ruelle, avec dans les mains une arme qu’Aang n’avait jamais encore vue : deux masses lourdes reliées par une chaine, qu’elle faisait déjà tournoyer dans les airs.
Un soldat ?
Pourquoi elle aussi semblait porter une armure pas à sa taille ?
Elle fonça sur eux et Jeong Jeong réagit en un éclair. Les lourdes masses fouettèrent l’air dans un sifflement sinistre et un mur de flammes s’éleva.
Le métal chauffa à blanc sur le coup, forçant la femme à lâcher son arme dans une exclamation de rage et douleur.
- VA-T’EN ! Ordonna une nouvelle fois Jeong Jeong à Aang, dans un hurlement désespéré.
La femme fit alors quelque chose d’inattendu. Elle donna un violent coup de pied dans le sol et le sol se mit à trembler, avant de se fendre. Un bloc de pierre grossier se leva dans les airs pour aller s’abattre sur eux à pleine vitesse.
Les flammes de Jeong Jeong frappèrent la pierre, qui se brisa sous l’effet de la chaleur brutale avant d’exploser en divers morceaux que la femme s’empressa de réutiliser.
Le vieil homme se pencha, évita l’attaque et riposta. Le feu jaillit et frappa la femme de plein fouet. Le souffle la projeta violemment en arrière, jusqu’à heurter non moins violemment un mur et s’écrouler sans un bruit. Le casque fêlé et noirci tomba sur le sol, dévoilant un visage que Jeong Jeong semblait connaitre, puisqu’il s’exclama :
- Bien sûr ! La fille Morishita !
- C’est qui ? Fit Aang d’une toute petite voix.
- Pas un soldat ! Aucun des malades sur l’avenue ne l’est ! Ce sont des colons ! Des foutus colons ! Des colons qui ont décidé de se faire des indigènes !
Il se tourna vers le jeune garçon et lui dit :
- Pars ! Cours aussi vite que tu peux ! Pars avec tes amis ! Pars avec ton bison ! Emporte le Prince avec toi ! Sauvez vos vies !
Notes:
Merci de m'avoir lu. Merci de continuer à me lire. Et de la même manière que je vous ai souhaité un Joyeux Noël le 24 décembre, Aïd Moubarak à tous les musulmans (avec un peu de retard) !
A mardi ou mercredi prochain (mais ça risque d'être plutôt mercredi) !
Chapter 23: Sans aucune trace (troisième partie)
Notes:
Me revoilà avec ENCORE un peu de retard. On ne se refait pas. Je vous souhaite malgré tout une bonne lecture ! J'espère que ça vous plaira !
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
La poussière tombait en volutes épaisses depuis la voûte, à chacune des vibrations qui la parcouraient.
Katara fut la première à briser le silence, pendant qu’ils restaient immobiles, inquiets, à fixer la paroi au-dessus d’eux :
- Qu’est-ce qu’il se passe ?!
Un nouveau grondement, plus lointain, résonna dans la roche.
Haru posa une main sur le mur de pierre, ferma les yeux et finit par répondre :
- Des explosions. A la surface.
- Sans déconner, rétorqua Jet quelque peu moqueur.
- On dirait… Que des maisons explosent ? Poursuivit Haru d’un ton égal, comme s’il ne l’avait pas entendu.
Un semblant de silence s’installa, sans cesse balayé par de nouvelles détonations.
Haru ouvrit brusquement les yeux :
- Il faut qu’on bouge ! Tout de suite !
Il leva son deuxième bras et l’abattit violemment contre le mur, qui explosa sous l’impact.
Zuko avait encore du mal à concevoir que ce genre de gestes violents, rustres et même barbares puisse être véritablement considéré comme de la maîtrise, mais supposons. Ce n’était pas le moment, se dit-il alors qu’un tunnel commençait à se creuser dans les profondeurs de la roche.
Haru avança d’un pas, pivota des hanches et projeta à nouveau ses bras en avant. La paroi recula. Elle recula, repoussée par à-coups, à chacun des gestes d’Haru.
Les deux adolescents de la Tribu de l’Eau lui emboitèrent le pas, dans un début de panique évident. Zuko n’eut pas le loisir d’hésiter ; Jet lui attrapa le bras à la volée et le tira sans ménagement à l’intérieur du tunnel. La roche se referma derrière eux dans un grondement sourd.
L’obscurité les engloutit.
Puis le feu jaillit brusquement des paumes de Jet, projetant des ombres mouvantes sur les murs irréguliers.
La pierre vibrait tout autour d’eux, au-dessus de leurs têtes et en-dessous de leurs pieds. Personne ne parlait. Ils n’avaient pas besoin de la maîtrise de la Terre pour savoir, pour sentir, que la caverne était en train de s’effondrer sur elle-même.
Zuko se demanda, avec une vague indifférence, s’il arborait la même expression terrorisée que les autres. Les lueurs tremblantes de la flamme glissaient sur les visages, les effaçaient par instants, révélant à d’autres des traits tendus, des yeux écarquillés et des poitrines haletantes.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Répéta une nouvelle fois Katara, avec effroi.
Cette simple question les sortit d’un seul coup de leur torpeur. Haru ancra solidement ses pieds dans le sol et arqua les bras. Le tunnel s’allongea encore un peu plus et Sokka explosa :
- Je suis sûr que c’est à cause de lui !
Il désigna Zuko du doigt.
- Ils viennent le chercher ! Ils nous ont retrouvé à cause de lui !
Zuko ne répondit pas. Que cela soit vrai ou non, il se rendit compte qu’il s’en moquait. Que la Nation du Feu vienne le chercher ou non, ça ne changeait pas grand-chose à sa situation. Il était prisonnier dans les deux cas. Peut-être même qu’il avait plus de chance de survie entre les mains de cette bande de clowns qu’entre celles de Zhao.
- Mais boucle-la ! Riposta Jet, avec la même colère. S’ils venaient le libérer, ils ne chercheraient pas à le réduire en bouillie sous plusieurs tonnes de pierres !
- TOUT LE MONDE SE TAIT ! Ordonna Katara avec une fureur surprenante, pendant qu’Haru continuait à maîtriser la Terre sans rien dire. ON NE VA PAS COMMENCER A SE BATTRE ENTRE NOUS !
Un silence lourd de tensions s’installa, pendant qu’ils continuaient à s’enfoncer dans la roche. Zuko réalisa, non sans agacement, que Jet s’était placé entre lui et le garçon de la Tribu de l’Eau.
Quelle délicate attention, pensa-t-il dans un pic de haine acide. C’en était presque attendrissant.
Parce qu’apparemment, il était incapable de se défendre seul, même face à un non-maître aussi jeune.
Forcément. Ce n’était qu’un maître de l’Air, après tout. Aux yeux de Jet, ça suffisait à le rendre inoffensif. Comme tous les maîtres du Feu, il devait se sentir infiniment puissant, infiniment supérieur.
La main brune de Jet alla frôler la sienne. Ça aurait pu être un simple mouvement accidentel dans l’étroitesse du tunnel et Zuko l’aurait ignoré, si seulement les doigts de Jet n’étaient pas venus se glisser furtivement entre les siens.
Non. Jet ne le pensait pas faible. C’était pire que ça. Zuko l’avait presque oublié…
Jet avait honte de rien.
Jet était incapable de la décence la plus élémentaire.
Alors qu’ils n’étaient pas seuls, que les autres pouvaient les voir…
Comme si tout était parfaitement normal.
Jet ne retira pas sa main. Ses doigts restèrent là, entre les siens.
Et Zuko ne retira pas la sienne. Il aurait dû la retirer. Il voulait la retirer et pourtant, il n’en fit rien.
Jet était écœurant. Et lui-même ne valait pas mieux. Il était tout aussi dégueulasse que l’était Jet.
Ils étaient dans la quasi obscurité. Personne ne les regardait. Personne. Ils étaient tous concentrés sur leur propre survie. Haru créait le tunnel dans lequel ils avançaient et les deux adolescents de la Tribu de l’Eau l’observaient faire. Tout le monde avait mieux à faire que de se rendre compte que les deux hommes derrière eux se tenaient la main. Pourtant, Zuko n’avait jamais eu aussi honte de sa vie.
Dégueulasse, dégueulasse, dégueulasse ! Chantonna cette voix qui ressemblait tant à la sienne, à l’intérieur de son crâne, avant de se muer en celle de son père. Répugnant !
Pourtant, il ne retira pas sa main. Et dans le jeu instable d’ombres et de lumière, Zuko crut discerner ce qui ressemblait à un sourire sur les lèvres du maître du Feu.
Définitivement et parfaitement pathétique.
Ils marchèrent ainsi tous les cinq un long moment, dans un silence seulement troublé par les vibrations sourdes de la terre qui se remodelait devant eux, avant d’atteindre enfin la surface.
Et le chaos pur.
La lumière du jour était grise, tamisée par les nuages de poussière. Des gens couraient, hébétés, au milieu des gravats et des débris calcinés.
La rue, au-dessus de la caverne improvisée en prison, avait littéralement cédé, comme soufflée par une force titanesque. Il n’en restait plus qu’un gouffre irrégulier, béant, de plusieurs mètres de large. Une brume chaude, âcre, s’échappait de certaines fissures.
Un cri de désespoir déchira brutalement l’air. Une femme grattait à mains nues les restes encore fumant d’une maison. Haru et Katara se précipitèrent aussitôt vers elle. Sokka, lui, tourna la tête vers Jet. Il allait sans doute dire quelque chose, mais à la place se figea, bouche entrouverte.
Zuko réalisa qu’ils se tenaient toujours bêtement la main. Passablement mortifié, il se dégagea brusquement, sans la moindre douceur.
Avant que l’un d’entre eux n’ait eu le temps de dire quoi ce soit, un grondement sourd éclata tout près d’eux. Trop proche. Trop fort.
Zuko sentit l’air se comprimer autour de lui une demi-seconde avant d’être violemment projeté en arrière.
Il ignorait combien de temps il resta allongé sur le sol, complètement sonné, avec cet horrible sifflement emplissant ses oreilles. Mais quand il réussit enfin à bouger, l’odeur de chair brûlée fut la première chose qu’il réussit à percevoir. Cette odeur, grasse et écœurante, qu’il ne connaissait que trop bien.
Il n’entendait plus rien et la poussière l’aveuglait. Il y avait comme quelque chose de métallique dans sa bouche et quelque chose de chaud coulait le long de son cou.
Il réussit à se redresser, après un effort qui lui parut insurmontable, et cligna des yeux. Plusieurs fois. Peu à peu, les contours cessèrent de trembler. Juste un peu.
Il tenta de se relever. Ses bras et ses jambes, incapables de supporter son propre poids, refusèrent de lui obéir. Il resta donc à genoux, à essayer de réaliser ce qui venait de se passer. Le bourdonnement dans ses oreilles s’atténuait lentement, pour laisser place à des cris et de pleurs d’épouvante.
Quelque chose toucha son épaule, le faisant sursauter.
Jet était agenouillé à ses côtés, l’air hagard et le front en sang. Sokka était là, lui aussi, recouvert de poussière et une entaille profonde au bras.
Ils lui dirent quelque chose, que Zuko n’arriva pas à comprendre. Avant de soudain lui agripper les épaules pour le forcer à se remettre debout. Zuko laissa échapper une exclamation désarticulée, mais ses jambes tinrent bon. Il ne retomba pas par terre.
Encore quelques instants et il réalisa qu’il venait de contrer une partie de l’explosion grâce à sa maîtrise de l’Air. Jet et Sokka n’étaient pas les seuls à avoir été épargnés. Des gens se relevaient tout autour d’eux, blessés à des degrés divers, mais vivants !
Haru et Katara arrivèrent alors vers eux en courant. Eux aussi avaient été épargnés. Grâce à lui, peut-être. Tant mieux, ça aurait été dommage. Ce n’était qu’une gamine. Et le maître de la Terre était gentil, au fond, puisqu’il avait regretté de lui avoir fait du mal.
Et…
Et…
Zuko avait terriblement mal au crâne. Il n’arrivait pas à se concentrer.
Pourquoi est-ce qu’il finissait toujours par se blesser ? Se dit-il, vaguement joyeux et totalement déconnecté, alors que son esprit commençait à partir à la dérive.
Des gens titubaient parmi les décombres, les vêtements et la chair en lambeaux.
Des corps noircis, méconnaissables, gisaient plus loin, là où sa maîtrise de l’Air n’avait pas réussit à aller.
- Où sont les autres ? Interrogea Katara avec une terreur palpable. Où est Jeong Jeong ? Où est Aang ?
Comme s’il avait attendu cette question pour apparaitre, l’Avatar surgit de la cohue à cet instant précis. Recouvert de sang et cendre, il n’était pas en meilleur état qu’ils ne l’étaient eux-mêmes.
- Il faut qu’on parte ! Hurla l’enfant en arrivant à leur hauteur. Jeong Jeong nous a ordonné de partir !
- Et puis quoi encore ?! Rugit Jet, qui tenait toujours Zuko à bout de bras avec Sokka. Il en est hors de question !
- Jeong Jeong a dit, s’expliqua Aang à bout de souffle et de nerfs. Il a dit… Il a dit…
Il finit par reprendre le contrôle et articuler un pénible :
- Jeong Jeong veut qu’on parte. Il veut qu’on prenne Appa et qu’on aille au Pôle Nord !
- IL EN EST HORS DE QUESTION ! Explosa Jet, soudain hystérique.
- QU’EST-CE QUE TU VEUX QU’ON FASSE ?! Répliqua Aang sur le même ton.
- JE SAIS PAS MOI : TON BOULOT D’AVATAR ?!
La main d’Haru s’abattit brusquement sur la bouche du maître du Feu, pour étouffer ses cris.
- Tu as perdu la tête ? Siffla-t-il dans un chuchotement furieux.
Personne ne les avait entendus. Personne ne leur prêtait attention. Comment le pourraient-ils au milieu de toute cette horreur ?
- Jeong Jeong a dit… Il a dit… Hoqueta l’Avatar, plus en état de choc que jamais, alors que Katara essayait de le prendre entre ses bras pour tenter de le calmer. Il a dit qu’on devait y aller ! Ils nous cherchent, nous ! Et, et, et… Moi non plus je veux pas partir !
Ils restèrent tous silencieux pendant quelques trop longues secondes, avant que Jet ne réalise d’une voix blanche :
- Les enfants…
Ils le regardèrent tous sans comprendre.
- Pesticide, la Flèche, Demi-Portion, le Duc, Vanneur ! Il faut qu’on aille les chercher ! Il faut que…
Ils s’élancèrent brusquement, tous les six, dans le décor dévasté de la vieille ville. Avec un Zuko tenant à peine debout. A contresens de la foule qui cherchait à fuir.
Un cheval-autruche mort, renversé sur le flanc, bloquait l’accès d’une ruelle. Ils durent passer par-dessus ses pattes tordues. Passer par-dessus les gravats. Passer au-dessus des corps de d’autres êtres humains. Ils avançaient, en s’efforçant de ne pas regarder, de ne pas s’arrêter. Des gens criaient et hurlaient. De temps à autre, une explosion plus ou moins lointaine, faisait à nouveau trembler la pierre.
Ils finirent par atteindre la maison. Elle était là, intacte.
Jet lâcha enfin Zuko, qui retomba de tout son poids sur Sokka qui grimaça :
- Mais c’est pas possible d’être aussi lourd ! Les maîtres de l’Air ne sont pas censés être légers ?
Tout le monde l’ignora. Ce n’était pas le moment. Sans doute que Sokka n’attendait pas de réponse, lui non plus, et essayait juste d’évacuer la pression. Zuko n’était en état de répliquer quoi ce soit.
Jet se précipita vers la porte en bois, en hurlant des prénoms que Zuko n’avait encore jamais entendus. Ils sonnaient étrangement typiques de la Nation du Feu. Fini les surnoms ou pseudonymes particulièrement peu imaginatifs. Pas dans l’état de terreur que Jet laissait transparaitre.
Personne ne lui répondit.
Ils s’engouffrèrent à sa suite dans la maison, qui semblait avoir été épargnée par le chaos ambiant.
L’intérieur était vide. Pas simplement déserté, vide. Il ne restait plus rien. Plus aucune affaire. Pas plus qu’il n’y avait la moindre trace d’explosion ou de lutte. Pas de sang. Pas de corps.
- Ils ne sont plus là, souffla Katara alors que Jet tournait en rond en continuant à crier ces noms inconnus à pleins poumons.
- Ils ont eu le bon réflexe, dit Haru. Ils ont fait ce qu’on doit absolument faire : fuir. Ils sont recherchés par la Nation du Feu. Tu es recherché, Jet. Aang est recherché. Si la Nation du Feu est dans la vieille ville, ils vont finir par nous trouver. Ce n’est peut-être qu’une question de minutes. Ils sont plus nombreux que nous. On ne peut pas juste espérer les affronter et gagner !
Aang était resté immobile sur le seuil, à observer en silence Jet retourner la maison de fond en comble. Son visage enfantin était si pâle, ses traits si tirés, qu’il semblait à deux doigts de perdre connaissance.
L’Avatar finit, néanmoins, par sortir de sa poche ce qui ressemblait à un sifflet et souffler dedans. Aucun son n’en sortit. Zuko eut une brusque envie de rire.
Et tout devint noir.
Quand Zuko réouvrit les yeux, la lumière du ciel lui parut anormalement proche. Et mouvante.
Il cligna des paupières, sans comprendre. Il pouvait sentir l’air siffler à toute vitesse, et inexplicablement, tout autour de lui. Quelque chose de frais glissait sur sa peau. C’était agréable. Une lumière bleutée ondulait tout autour de son crâne et entre les doigts de Katara.
La maître de l’Eau avait les yeux clos et les sourcils froncés. Elle suait à grosses gouttes, le visage crispé par l’effort.
Jet était là lui aussi. Lui aussi était penché au-dessus de lui, à le fixer dans un mélange d’angoisse et d’épuisement.
- Hey, lui dit tout doucement le maître du Feu, d’une voix profondément affaiblie. Tu es avec nous ?
Zuko tenta de parler, mais sa gorge ne laissa passer qu’un râle rauque.
- Ça va aller, fit Jet avec une expression signifiant l’exact inverse. Ne t’inquiète pas. Repose-toi.
Ça tombait bien. Il était fatigué. Il voulait dormir. Il voulait… Ses yeux se refermèrent à nouveau.
Notes:
Voilà, voilà, encore plus de choses horribles. Comme si ce qui se passe dans le monde réel ne me rendait pas suffisamment malade, il faut en plus que je passe mon temps libre à écrire ce genre de choses. Quoi qu'il en soit, rassurez-vous. Qu'importe le nombre d'horreurs que je vais écrire dans cette fanfiction, cela finira par se terminer un jour. En bien. Sur un happy end. Je me sens déjà assez impuissante comme ça pour ne pas, en plus, subir ça dans mes propres écrits.
A lundi prochain pour la suite ! (On y croit)
A partir de la semaine prochaine, on passe à la deuxième partie de l'intrigue !
J'espère que ça vous a plu ! A très vite !

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